Ce que l'on retiendra de Benoît XVI, pape conservateur dans une Eglise tourmentée

Retour sur la vie de Benoît XVI, dont les funérailles sont célébrées ce jeudi à Rome. "Pape émérite", il s'est éteint samedi 31 décembre à 95 ans. Il restera notamment comme le premier pape ayant démissionné depuis le Moyen-Âge.
Joseph Ratzinger naît le 16 avril 1927 à Marktl, en Bavière, non loin de la frontière autrichienne. Lorsqu'il a 14 ans (en 1941), il est enrôlé dans les jeunesses hitlériennes.
A la fin de la guerre, il commence sa formation de prêtre. Ordonné prêtre en 1951, il enseigne la théologie durant 25 ans dans des universités allemandes. Il est l'auteur d'une centaine de livres.
Lors du concile réformateur Vatican II, il fait partie des théologiens partisans de l'ouverture mais, face au choc libertaire de 1968, prend un tournant conservateur.
En 1977, il est nommé archevêque de Munich et Freising, puis créé "cardinal".
En 1981, le pape Jean-Paul II le nomme préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi. C'est un des organismes de la curie romaine, chargé de promouvoir la doctrine et les mœurs conformes à la foi dans tout le monde catholique. A ce poste, il se familiarise avec les arcanes du Vatican et côtoie de très près le souverain pontife.
De Ratzinger à Benoît XVI
Aussi, à la mort de Jean-Paul II, le 2 avril 2005, le cardinal Ratzinger fait partie des favoris pour succéder au pape défunt.
Il est effectivement élu le 19 avril 2005 lors du conclave.
"Après le grand pape Jean-Paul II, les cardinaux m'ont élu, simple et humble ouvrier dans la vigne du Seigneur", déclare-t-il après son élection, choisissant le nom de Benoît XVI.
Mais un surnom, nettement moins flatteur lui est parfois accolé : le "Rottweiler de Dieu". Défenseur de l'orthodoxie catholique, il ne lâche rien sur le célibat des prêtres ou l'ordination des femmes.
Sur le plan sociétal, il est farouchement opposé à l'avortement, à l'euthanasie et au mariage homosexuel.
Ce mélomane timide, loué pour sa gentillesse en petit comité, ne s'impose pas en public comme son charismatique prédécesseur Jean Paul II. Manquant de poigne, souvent mal entouré, il ne parvient pas à réformer la Curie, enlisée dans la paralysie.
Des efforts pour une Eglise moins "mondaine"
Durant son pontificat, Benoît XVI tente d'éliminer les frasques dans une Eglise qu'il souhaite moins "mondaine", un objectif repris par son successeur François.
Fustigeant les dérives du capitalisme, dans la lignée de la crise financière de 2008, il se dresse contre la sécularisation croissante de l'Occident et s'investit dans le dialogue œcuménique et interreligieux, au fil de ses 25 voyages à l'étranger.
La controverse de Ratisbonne
En 2006, Benoit XVI provoque la colère du monde musulman. Dans un discours à l'université de Ratisbonne , le souverain pontife cite un empereur byzantin pour qui l'islam serait "intrinsèquement violent". L'allusion fait scandale.
Benoit XVI s'excusera plus tard et rapidement, le Vatican organise plusieurs visites à travers le monde islamique afin de rétablir des relations interreligieuses harmonieuses. Deux mois plus tard, le souverain pontife apparaît priant aux côtés du chef religieux d'Istanbul à la Mosquée Bleue.
Mais ce ne sera pas la dernière controverse à jeter une ombre sur le pontificat de Benoit XVI.
Polémique sur la béatification de Pie XII
Ses démarches en faveur de la béatification de Pie XII suscitent les critiques de la communauté juive, le pape défunt étant accusé de ne pas s'être élevé contre le génocide des Juifs d'Europe perpétré par les nazis.
En 2009, les accusations d'antisémitisme lui reviennent une fois de plus en plein visage, lorsqu'il décide de lever l'excommunication de quatre évêques traditionnalistes.
Parmi eux, figure le Britannique William Williamson, qui a nié, à plusieurs reprises nié, l’Holocauste.
Les affaires d'abus sexuels
Le pontificat de Benoit XVI sera également entaché par un déluge sans précédent de poursuites judiciaires pour des affaires d’abus sexuel d’enfants entre 2008 et 2010. C'est le début d'une longue crise pour l'Eglise. Les excuses ne suffiront pas ; le manque de mesures concrètes est régulièrement pointé du doigt.
Un an avant d'annoncer sa renonciation, le scandale financier impliquant la banque du Vatican vient éclabousser un peu plus un pontificat, court mais difficile pour l'Eglise.
La renonciation
Le 11 février 2013, Benoît XVI surprend le monde entier avec l'annonce de sa démission, une première en 600 ans. Il renonce à sa charge, en invoquant son âge, 85 ans. Une décision personnelle qu'il qualifiera plus tard d'"évidence" en reconnaissant "les difficultés" qu'il avait dû affronter.
Ce fut "u_n geste courageux, un geste de gouvernement_", estime le biographe italien Giovanbattista Brunori, relevant pourtant que Ratzinger "n'a jamais été un pape de gouvernement, mais un pape de pensée" et "de la doctrine".
Le 28 février, conformément à son engagement, Benoît XVI renonce à tous ses attributs de souverain pontife. Il quitte son appartement au Vatican et devient officiellement "Sa Sainteté Benoît XVI, pape émérite".
Il s'installe dans le monastère Mater Ecclesiæ, situé dans les jardins de la cité du Vatican.
La dernière vidéo de Benoît XVI, diffusée par le Vatican en août 2022 à l'occasion de la traditionnelle visite des nouveaux cardinaux, montre un homme affaibli et amaigri.
Fin décembre, le pape François indique que son prédécesseur était "gravement malade" et qu'il prie pour lui. Quelques jours plus tard, le samedi 31 décembre, Benoît XVI rend son dernier souffle.