Comment l'industrie européenne de la mode a-t-elle évolué depuis la tragédie du Rana Plaza en 2013 ?

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Par Alexandra Leistner
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Comment l'industrie européenne de la mode a-t-elle évolué depuis la tragédie du Rana Plaza en 2013 ?

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Le 24 avril 2013, l'effondrement de l'immeuble commercial de huit étages du Rana Plaza au Bangladesh faisait le tour du monde. 1130 personnes sont mortes et plus de 2500 travailleurs ont été blessés. Le bâtiment abritait plusieurs usines de confection. 

De nombreuses marques connues en Europe et dans le monde entier produisaient des vêtements dans ce bâtiment et avaient accepté (sciemment ou non) que la sécurité des travailleurs et leurs conditions de travail n'y soient pas un problème.

Dix ans après l'une des catastrophes industrielles les plus meurtrières de l'histoire du Bangladesh, comment l'industrie européenne du textile a-t-elle changé ?

Les experts s'accordent à dire que la catastrophe fut trop importante pour continuer à ignorer les conditions dans lesquelles les vêtements sont produits sur le marché mondial.

L'accord sur la sécurité incendie et la sécurité des bâtiments, est une "initiative solide" et "unique dans son approche et sa coopération", déclare Peter McAllister de l'Ethical Trading Initiative. Cet accord juridiquement contraignant conclu peu de temps après la catastrophe entre des marques, des syndicats et des ONG, . Peter McAllister plaide en faveur de pratiques commerciales éthiques et de l'amélioration des conditions de travail des travailleurs.

Cet accord prévoit des inspections de sécurité indépendantes, des programmes de formation et une procédure de réclamation pour les travailleurs. Parmi les grandes marques européennes signataires de l'accord figurent H&M, Primark, C&A, Zara et Marks & Spencer.

Mais si l'accord a permis de sensibiliser aux risques liés à la sécurité au Bangladesh, l'industrie continue de verser des salaires inférieurs au salaire minimum vital.

"Les marques savent qu'elles doivent assumer la responsabilité de tout ce qu'elles font", déclare Tamsin Blanchard, journaliste et membre du mouvement Fashion Revolution, qui a constaté une évolution des mentalités en matière de transparence depuis la tragédie du Rana Plaza.

Que peuvent faire les consommateurs européens ?

Cependant, l'industrie de la mode est déréglementée dans d'autres domaines. Il n'y a aucune raison de produire autant de vêtements que ce n'est le cas actuellement, ce qui a un impact considérable sur l'environnement.

La délocalisation de la production vers des pays où la main-d'œuvre est bon marché et où les lois sur la protection de l'environnement ou des travailleurs sont pratiquement inexistantes reste également très répandue.

Et si les marques européennes ont mis en place un ensemble de règles de travail pour la protection sociale, les pays extérieurs à l'UE ne bénéficient pas de ces directives.

Grâce au hashtag #WhoMadeMyClothes, de plus en plus de marques de vêtements répondent à ce type de questions, explique Tamsin Blanchard : "Il est important que les consommateurs s'expriment, que ce soit sur les réseaux sociaux ou sur le site web de leur marque préférée. Il faut faire savoir aux marques que cela compte pour eux".

"Les marques sont à l'écoute", pense Peter McAllister. Il explique que les clients doivent faire respecter leurs normes et leurs standards aux marques dont ils achètent les produits. Selon le directeur de l'Ethical Trading Initiative, les clients doivent réclamer ceci : "Nous voulons pouvoir faire nos achats sans nous préoccuper de savoir si les gens sont en sécurité, payés décemment ou harcelés sur leur lieu de travail".

L'Union européenne prévoit des lignes directrices pour responsabiliser les marques avec la directive européenne sur le devoir de diligence en matière de développement durable des entreprises.

"Nous avons besoin d'une législation, car c'est le seul moyen de savoir ce que font les marques", explique Aruna Kashyap, de Human Rights Watch (HRW). Pour savoir si une marque a signé l'accord, les consommateurs peuvent consulter la liste sur le site du Clean Clothes Network.

Plus les vêtements sont bon marché, plus les conditions de production sont mauvaises ?

Pour Peter McAlliser, il vaut mieux être prudent lorsque les produits sont "bon marché". "Mais il n'est pas toujours dit qu'un prix bas aille de pair avec des normes médiocres", jauge-t-il. Parfois, une production bon marché peut s'expliquer par le volume de la commande. Dans le cas d'une production bon marché, en revanche, la question de la durabilité se pose.

La production de vêtements, en particulier à l'échelle de la "fast fashion", contribue de manière significative au changement climatique. Les processus de fabrication de l'industrie de la mode produisent des quantités de CO2 et consomment de grandes quantités d'eau. À cela s'ajoute le transport des vêtements, qui contribue davantage à la pollution de l'environnement, par le biais des émissions de CO2.

Lorsque les entreprises se demandent où elles produiront à l'avenir, comment elles produiront, quels matériaux elles utiliseront, elles doivent également prendre en compte l'impact sur les droits de l'Homme, sur les usines et sur les communautés, déclare Peter McAllister.

Bien que les problèmes actuels de l'industrie soient en grande partie dus à sa propre création, les idées fleurissent en termes de mode plus durable. Outre les magasins de seconde main, il existe des entreprises qui louent des vêtements, les échangent ou, par exemple, les retouchent dans des ateliers.

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Comment pouvons-nous nous assurer que les travailleurs de l'habillement au Bangladesh et dans d'autres pays reçoivent des salaires équitables pour leur travail ?

Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), le salaire minimum pour les travailleurs débutants du secteur de la confection au Bangladesh est passé d'environ 63 dollars (57 euros) à 95 dollars (87 euros) en 2019 depuis la catastrophe du Rana Plaza.

Cette hausse est le résultat de la pression exercée par les groupes de défense des droits des travailleurs et par les travailleurs eux-mêmes. Toutefois, cette augmentation de salaire reste inférieure au salaire de subsistance estimé au Bangladesh, qui est d'environ 190 dollars (173 euros) par mois.

La pandémie a encore aggravé la situation des couturières bangladaises. La hausse de l'inflation devient également un problème : avec les salaires versés dans l'industrie de la mode, elles n'ont plus les moyens de vivre, explique Aruna Kashyap.

De nombreuses organisations œuvrant pour une production durable et équitable dans l'industrie de la mode, dont Fashion Revolution et HRW, réclament des salaires décents dans les secteurs de l'habillement, du textile et de la chaussure , notamment dans le cadre de la campagne Good Clothes Fair Pay (Bons vêtements, salaire équitable).

Il s'agit d'une initiative citoyenne européenne (ICE), qui oblige la Commission européenne à décider d'une action de suivi, si un million de signatures sont recueillies.

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