Exacerbée par la guerre, l'épidémie de rougeole pourrait s'étendre davantage en Ukraine

Le pédiatre Fedir Lapii examine un enfant avant de lui administrer un vaccin à Kiev, en Ukraine. 23 avril 2013
Le pédiatre Fedir Lapii examine un enfant avant de lui administrer un vaccin à Kiev, en Ukraine. 23 avril 2013 Tous droits réservés Sergei Chuzavkov/AP
Tous droits réservés Sergei Chuzavkov/AP
Par Una Hajdari (adapté de l'anglais)
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
Cet article a été initialement publié en anglais

L'Ukraine, où le système de santé est lui aussi frappé par l'invasion russe en cours, ne remplira probablement pas ses obligations en matière de vaccination contre la rougeole cet automne. De quoi alimenter les craintes d'une nouvelle vague épidémique.

PUBLICITÉ

Les experts en santé craignent qu'une nouvelle épidémie de rougeole ne se déclare dans ce pays déchiré par la guerre si des centaines de milliers d'enfants non vaccinés retournent à l'école en septembre.

"Le ministère ukrainien de la santé et les centres de vaccination surveillent en permanence les risques de contagion, et le risque le plus important auquel nous sommes confrontés actuellement dans le pays est une épidémie de rougeole", a déclaré Ihor Kuzin, vice-ministre ukrainien de la santé, à des journalistes à Kyiv en début de semaine.

Par le passé, l'Ukraine a été un point chaud de la rougeole sur le continent, le scepticisme à l'égard des vaccins et les ruptures d'approvisionnement ayant conduit à une épidémie de grande ampleur en 2019.

"La première éruption de rougeole en Ukraine s'est produite au cours de la période 2017-2019 et était une épidémie massive que le gouvernement essayait d'atténuer. Environ 115 000 enfants ont contracté la maladie à l'époque", poursuit Ihor Kuzin.

Selon le ministère de la Santé, seuls 74 % des enfants d'un an et 69 % des enfants de six ans ont reçu respectivement leur premier et leur deuxième vaccin contre la rougeole en 2022. Ces enfants, ainsi que d'autres qui n'ont pas été vaccinés entre 2 et 17 ans, iront dans des salles de classe où le risque de contagion est beaucoup plus élevé.

Sergei Chuzavkov/AP2009
Un travailleur médical se prépare à administrer un vaccin à un enfant en bas âge tenu par sa mère à Kiev, en Ukraine. 20 mars 2009.Sergei Chuzavkov/AP2009

"Environ 260 000 enfants doivent être vaccinés. Tant que cela n'est pas fait, nous risquons une épidémie massive", alerte Ihor Kuzin, soulignant que ce chiffre se réfère à ceux qui n'ont pas été vaccinés dans le cadre de leur calendrier de vaccination régulier.

Très contagieuse, la rougeole se propage par des gouttelettes respiratoires. Elle peut déboucher sur des complications, telles que les pneumonies et autres inflammations cérébrale. Très efficace, la vaccination permet de s'assurer presque totalement de l'éviter.

"Jusqu'au 1er septembre, date de la rentrée scolaire, ces enfants doivent donc se faire vacciner", exhorte Ihor Kuzin, en invitant la population à se tourner vers la vaccination au cours du mois et demi à venir.

Des difficultés liées à l'invasion

Pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'Ukraine est devenue plus vulnérable aux maladies contagieuses depuis le lancement de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine en février 2022.

L'entassement des personnes dans les abris pour se protéger des combats et des bombardements, ainsi que le non-respect des calendriers de vaccination, facilitent la transmission des virus qui passent rapidement d'un hôte à l'autre.

"Lorsque l'invasion russe de l'Ukraine a commencé, nous avons réalisé que les plus grands risques infectieux dans le pays étaient les épidémies de diphtérie et de rougeole. Pour contrôler l'ampleur de l'épidémie, il est important de vacciner les enfants non vaccinés qui se trouvent dans le pays", avance Vusala Allahverdiyeva, spécialiste de la prévention des maladies et de la vaccination à l'OMS.

De nombreux enfants ont été retirés de l'école au début de l'invasion pour suivre des cours en ligne. Mais les régions du pays où l'intensité des combats est moindre sont susceptibles de rétablir les cours en classe.

Le ministère de la Santé, avec l'aide de l'UNICEF, va également mettre en place des équipes mobiles de vaccination au cours des prochains mois afin d'atteindre les personnes qui ont dû quitter leur ville ou leur village en raison de l'invasion. Environ 318 équipes mobiles administreront des vaccins aux personnes déplacées dans toutes les régions du pays.

Andrii Pashynnyi, responsable de la vaccination au ministère, a exhorté les Ukrainiens à ignorer les opposants aux vaccins en cette période cruciale. "Si votre médecin vous dit que vous ne devriez pas vous faire vacciner... Vous devriez changer de médecin. Nous exhortons tout le monde à se faire vacciner", encourage Andrii Pashynnyi.

Outre le fait que les enfants non vaccinés représentent un risque pour ceux qui se trouvent actuellement en Ukraine, il est probable que les enfants ukrainiens réfugiés dans les pays de l'Union Européenne qui ne sont pas vaccinés courent également un risque sanitaire plus élevé.

Efrem Lukatsky/Copyright 2021 The AP. All rights reserved.
Des manifestants se rassemblent pour protester contre les restrictions liées au COVID-19 et les mandats de vaccination à Kiev, le 24 novembre 2021..Efrem Lukatsky/Copyright 2021 The AP. All rights reserved.

Désinformation et faux certificats

En 2008, une fausse nouvelle faisant état d'un jeune homme décédé d'une méningite bactérienne après avoir été vacciné contre la rougeole avaient conduits de nombreux Ukrainiens à ne pas faire vacciner leurs enfants, malgré les objections de l'OMS. Le ministère de la Santé avait alors interrompu sa campagne de vaccination.

Selon les rapports, cela a entraîné une baisse significative de la confiance du public dans les vaccins, et le taux de couverture contre la rougeole chez les jeunes enfants est passé de plus de 90% au cours de la période 2008-2010 à seulement 40% en 2010.

Les experts insistent pourtant sur le fait qu'un taux de vaccination de 95% est nécessaire dans la population générale pour prévenir efficacement contre la rougeole. "Tous les cinq ans, l'Ukraine connaît une importante épidémie de rougeole. Les gens ne la prennent pas au sérieux parce que les statistiques européennes générales indiquent qu'une personne sur 1 000 meurt de la rougeole, mais il s'agit d'une maladie dangereuse et très infectieuse", explique Fedir Lapii, chef du groupe technique national d'experts sur la vaccination.

PUBLICITÉ

En Ukraine, les cas de parents qui préfèrent corrompre leur médecin pour qu'ils délivrent de faux certificats de vaccination, plutôt que faire vacciner leur enfant, ne sont pas rares.

La désinformation sur les vaccins s'est manifestée de manière aiguë au plus fort de la pandémie de COVID-19, lorsque de nombreuses personnes ont refusé de se faire vacciner.

"Étant donné que le pays est confronté à l'agression russe, nous ne devrions pas donner à la rougeole ou à toute autre maladie la possibilité de nous affaiblir. Ne contractez pas une maladie que l'on peut facilement prévenir", insiste Fedir Lapii.

Les autorités ukrainiennes indiquent qu'en raison des soupçons concernant l'efficacité des vaccins en provenance d'Inde - qui, selon l'OMS, sont infondés - elles ont acheté un lot de vaccins entièrement fabriqués en Europe afin d'éviter que quiconque ne soit dissuadé de se faire vacciner.

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Guerre en Ukraine : un exercice militaire russe mené en mer Noire, des missiles antinavires tirés

Santé : flambée de cas de rougeole en Europe

67 millions d'enfants privés au moins partiellement de vaccins à cause du Covid