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Pourquoi l'Europe refuse-t-elle d'extrader les Ukrainiens vers leur pays d'origine ?

Des prisonniers se tiennent derrière la clôture de la cour de la caserne d'une prison, dans la région de Dnipro, en Ukraine, le vendredi 21 juin 2024.
Des prisonniers se tiennent derrière la clôture de la cour de la caserne d'une prison, dans la région de Dnipro, en Ukraine, le vendredi 21 juin 2024. Tous droits réservés Evgeniy Maloletka/Copyright 2024 The AP. All rights reserved
Tous droits réservés Evgeniy Maloletka/Copyright 2024 The AP. All rights reserved
Par Marina Ostrovskaya
Publié le Mis à jour
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Cet article a été initialement publié en russe

Kyiv fait beaucoup pour assurer la protection des détenus. Mais la situation dans les prisons est encore loin des normes européennes. La guerre avec la Russie exacerbe les problèmes.

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Mykola R. est l'un de ceux qui se disent patriotes de l'Ukraine, prônent la victoire de son pays face à l'agression russe et espèrent un retour rapide à une vie paisible. Pourtant, il a fui le pays il y a un an en raison de menaces liées à son activité professionnelle. Ses mains tremblent lorsqu'il se souvient du choix qui s'est présenté à lui : fuir ou se retrouver du jour au lendemain derrière les barreaux.

"Je ne vais pas entrer dans les détails, mais je faisais face à des accusations qui n'avaient rien à voir avec des délits économiques, même s'il pouvait y en avoir. En temps de guerre, les forces de l'ordre peuvent procéder à des perquisitions chez les hommes d'affaires sous d'autres prétextes : par exemple, "atteinte à l'intégrité territoriale" de l'Ukraine ou "fraude". Je connais des cas où des entreprises prospères ont tout simplement été "retirées" aux gens. Et je ne voulais absolument pas me retrouver en prison".

Aujourd'hui, Mykola craint l'extradition et s'est tourné vers une organisation de défense des droits de l'homme pour obtenir de l'aide.

"L'extradition d'Ukrainiens vers leur pays d'origine comporte de nombreux écueils. Les personnes dans cette situation craignent souvent pour leur sécurité dans des lieux de détention et pour l'équité du procès dans leur pays d'origine, c'est pourquoi elles se tournent vers les ONG de défense des droits de l'homme pour obtenir de l'aide et du soutien ", explique à EuronewsSerhiy Rybiy, directeur de l'Organisation européenne des droits de l'homme d'Ukraine.

Des prisonniers font la queue pour le déjeuner dans une prison, dans la région de Dnipro, Ukraine, vendredi 21 juin 2024.
Des prisonniers font la queue pour le déjeuner dans une prison, dans la région de Dnipro, Ukraine, vendredi 21 juin 2024.Evgeniy Maloletka/Copyright 2024 The AP. All rights reserved

Les tribunaux européens réticents à l'extradition des citoyens ukrainiens se trouvant dans l'UE

Les principales raisons pour cela sont la menace pour la vie et la santé dans les centres de détention.

En mai, une déclaration du Bureau d'État d'investigations (Державне Бюро Розслідувань, DBR) sur tout un système de torture des prisonniers de droit commun dans les lieux de détention du pays a fait l'effet d'une bombe. Selon le communiqué de presse du DBR, il s'agit de "nombreux faits d'abus et de passages à tabac de personnes" purgeant des peines dans plusieurs régions d'Ukraine, dont la colonie pénitentiaire de Bojkivska, dans la région de Poltava.

"Les prisonniers ont été battus jusqu'à ce que leur volonté soit brisée et qu'ils obéissent à n'importe quel ordre sans poser de questions. À l'heure actuelle, les informations sont en cours de vérification, y compris concernant les possibles décès dus aux coups", conclut le DBR dans son communiqué.

Entre autres, le rapport cite un cas où l'un des prisonniers a subi plus de 200 coups.

Le DBR dispose d'enregistrements vidéo qui étayent la thèse de violences à l'encontre des détenus de la colonie de Bojkivska. "L'expertise de la vidéo a confirmé son authenticité, et celle-ci a été jointe à la procédure comme l'une des preuves des actions illégales du personnel de la colonie", a déclaré le DBR.

La colonie pénitentiaire à Poltava
La colonie pénitentiaire à PoltavaBureau du procureur général de l'Ukraine

Les défenseurs des droits de l'homme : ces révélations ne sont que la partie émergée de l'iceberg

Selon Mykola Hnatovsky, juge ukrainien de la CEDH, l'Ukraine est deuxième après la Turquie en termes de nombre de procès intentés devant la CEDH (avant que la Russie ne se retire de la Convention, l'Ukraine était en troisième position).

Parmi les exemples de litiges typiques cités par Mykola Hnatovsky figurent les conditions de détention dans les centres de détention provisoire et les colonies correctionnelles, la durée de l'examen des procédures pénales, les motifs insuffisants pour justifier la détention lors de l'examen d'une mesure préventive.

"La Cour européenne des droits de l'homme est inondée de procès concernant les mauvaises conditions de détention dans les prisons ukrainiennes. Les tribunaux des pays de l'Union européenne refusent d'extrader des suspects vers l'Ukraine en raison de la non-conformité des conditions de détention aux normes internationales et la guerre actuelle ne fait qu'exacerber les choses. Par exemple, plusieurs centres de détention provisoire ne disposent pas d'abris anti-aériens, ce qui pose la question de la sécurité", déclare Oleg Tsvilyi, responsable de l'ONG "Protection des prisonniers d'Ukraine".

Un prisonnier travaille sur des pièces sur un tour dans un atelier d'une prison, dans la région de Dnipro, Ukraine, vendredi 21 juin 2024.
Un prisonnier travaille sur des pièces sur un tour dans un atelier d'une prison, dans la région de Dnipro, Ukraine, vendredi 21 juin 2024.Evgeniy Maloletka/Copyright 2024 The AP. All rights reserved

L'Europe sonne l'alarme et propose à Kyiv son aide

Fin juillet, le Département ukrainien pour l'exécution des décisions de justice a participé virtuellement au Forum international "Transformation du système pénitentiaire : trouver des solutions pour mettre fin à la torture dans les prisons".

L'événement a été organisé à l'occasion de la Journée internationale Nelson Mandela par le ministère de la Justice de l'Ukraine avec le soutien de l'initiative PACE.UA (Penitentiary Assistance in Response to the Armed Conflict and Emergency Needs in Ukraine), mis en œuvre par l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, en coopération avec le ministère ukrainien de Justice et avec l'aide du gouvernement fédéral allemand.

Les discussions ont porté sur la lutte contre la torture et les traitements inhumains ou dégradants dans le système pénitentiaire, ainsi que sur les moyens de prévenir de tels actes qui violent les droits de l'homme en Ukraine. À cet égard, une attention particulière a été accordée aux problèmes structurels de longue date que sont la surpopulation carcérale, les mauvaises conditions de détention et l'absence d'un système de défense juridique interne.

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"Les conditions de vie des personnes dépendantes sont le reflet de la santé morale de la société"

Selon les ONG, seule une conversation ouverte et honnête entre toutes les parties prenantes - représentants du gouvernement, du Parlement, des forces de l'ordre, du monde universitaire, de la société civile en Ukraine et des partenaires internationaux - permettra de progresser. Les avocats et les militants des droits de l'homme sont unanimes : "Les conditions de vie des personnes en situation de dépendance sont le reflet de la santé morale de la société".

Des prisonniers vont déjeuner dans une prison, dans la région de Dnipro, Ukraine, vendredi 21 juin 2024.
Des prisonniers vont déjeuner dans une prison, dans la région de Dnipro, Ukraine, vendredi 21 juin 2024. Evgeniy Maloletka/Copyright 2024 The AP. All rights reserved

Les experts estiment que les autorités ukrainiennes tentent aujourd'hui d'améliorer la situation autant que possible pour assurer une protection des prisonniers, alors que sur le terrain, les violations sont souvent le fait des criminels codétenus, qui procèdent à des extorsions et à des pressions sur les proches. Le Comité contre la torture du Conseil de l'Europe l'a reconnu dans son rapport sur l'Ukraine : "Comité reconnaît les efforts considérables fournis par les autorités ukrainiennes pour offrir des conditions adéquates aux personnes privées de liberté en cette période extrêmement difficile."

Ainsi, en janvier 2023, un groupe de détenus a été renvoyé dans le centre de détention provisoire d'Odessa pour avoir battu d'autres détenus. Des cas où les autorités pénales étaient "de mèche" avec les criminels ont également été relevés, et les coupables sanctionnés. Il suffit de consulter le site du bureau du procureur général pour se rendre compte de la difficulté du travail d'identification des violations.

Les garanties d'une justice équitable et la présomption d'innocence en toutes circonstances restent des droits de l'homme inaliénables. Les organisations de défense des droits de l'homme en Ukraine disent que le pays doit faire face actuellement à deux guerres, dont une pour la dignité humaine.

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