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Syrie : l'ère post-Bachar al-Assad se met en place

Les rues de Damas après la prise de la capitale par les rebelles le 8 décembre 2024
Les rues de Damas après la prise de la capitale par les rebelles le 8 décembre 2024 Tous droits réservés  Ugur Yildirim/AP
Tous droits réservés Ugur Yildirim/AP
Par Jean-Philippe Liabot
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Après la prise de la capitale Damas ce dimanche, les rebelles islamistes commencent à organiser l'avenir du pays.

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Alors que la poussière retombe sur la chute spectaculaire du dirigeant syrien Bachar al-Assad, l'avenir politique du pays commence à se dessiner timidement.

Les Syriens ont accueilli dans la joie cette nouvelle réalité, qui a mis fin à 24 années d'un régime étouffant et violent qui selon des estimations a fait plus de 500 000 morts depuis 2011.

Ils espèrent que cette paix nouvellement trouvée pourra durer, et la direction de la coalition rebelle qui a chassé le clan Assad se fait l'écho du même sentiment.

Avec un premier objectif affiché, celui de contrôler les armes nombreuses qui circulent dans le pays.

Le chef islamiste du plus grand groupe d'insurgés de Syrie, Hayat Tahrir al-Cham (HTC), a appelé les combattants de toutes les factions à retourner dans leurs bases et à déposer les armes, alors que la Syrie se prépare à entamer son prochain chapitre.

"Demain matin, lorsque les institutions commenceront à s'occuper des services, de la sécurité et de la police, j'espère que tous ceux qui portent une arme se rendront à leur base et s'engageront dans leur division, leur bataillon ou leur brigade. Nous n'accepterons ni ne permettrons le (chaos) des armes apparaissant ou tirant dans les rues", a déclaré Abou Mohammed al-Joulani, (de son vrai nom Ahmed al-Chara), chef du HTC.

Abou Mohammed al-Joulani s'exprime à la mosquée des Omeyyades à Damas le dimanche 8 décembre.
Abou Mohammed al-Joulani s'exprime à la mosquée des Omeyyades à Damas le dimanche 8 décembre. Omar Albam/Copyright 2024 The AP. All rights reserved

Une grande question demeure, al-Joulani aura-t-il assez de soutien pour empêcher une situation comme l'a connue l'Irak après la chute de Saddam Hussein ? Saura-t-il rassembler la mosaïque de communautés, de religions, pacifier les groupes terroristes comme l'État Islamique, qui opèrent toujours en Syrie ? Parviendra-t-il à souder un peuple dévasté par près de 50 ans de régime Assad (père et fils) ? Gérer le retour des réfugiés disséminés dans les pays voisins ? Le travail est énorme.

Première étape : un gouvernement de transition

Mohammed al-Joulani dont le groupe a mené d'autres groupes d'opposition dans l'offensive de 12 jours visant à détrôner Assad, a confié à Mohammed Ghazi al-Jalali, la supervision les institutions de l'État et la continuité des services sociaux jusqu'à ce qu'ils soient transférés.

Ce dernier occupait le poste de Premier ministre sous la direction d'Assad depuis mi-septembre, a été capturé et escorté hors de son bureau dimanche, entouré d'un groupe d'hommes armés. Il a depuis déclaré qu'il était prêt à céder le pouvoir et à coopérer avec les rebelles.

Un Syrien assis sur une chaise à l'intérieur du palais présidentiel  à Damas, en Syrie, le dimanche 8 décembre 2024.
Un Syrien assis sur une chaise à l'intérieur du palais présidentiel à Damas, en Syrie, le dimanche 8 décembre 2024. Hussein Malla/Copyright 2024 The AP. All right reserved

On ne sait pas combien de temps durera la mission de M. al-Jalali, mais dans des interviews accordées à des médias arabes, il a déclaré être en contact avec le chef du HTC pour discuter de la gestion de la période de transition. Il a également déclaré avoir reçu l'assurance qu'aucun Syrien ne serait blessé par les groupes rebelles ou victime de discrimination en raison de ses croyances religieuses ou culturelles, et il a appelé à des élections libres et équitables qui redonnent le pouvoir au peuple.

"Je ne partirai pas et je n'ai pas l'intention de partir. J'attends que l'on garantisse de manière pacifique la continuité des autorités publiques et des institutions, ainsi que la sécurité de tous les citoyens", a déclaré M. al-Jalali.

Un couvre-feu de 13 heures imposé à Damas au premier jour du régime post-Assad

Les rebelles syriens ont décrété un couvre-feu de 13 heures à Damas, au tout premier jour du renversement du gouvernement Assad.

Le couvre-feu qui a débuté à ce dimanche à 16 heures, heure locale, s'est achevé à 5 heures du matin ce lundi 9 décembre, les rebelles syriens cherchant à consolider leur contrôle sur la ville et ses principales institutions.

Vue générale de Damas, Syrie, dimanche 8 décembre 2024.
Vue générale de Damas, Syrie, dimanche 8 décembre 2024. Omar Albam/Copyright 2024 The AP. All rights reserved

Israël se rapproche de la zone tampon en Syrie

Dans le même temps, l'armée israélienne a déclaré dimanche qu'elle avait envoyé des troupes dans "d'autres lieux nécessaires à sa défense". Des troupes israéliennes ont été regroupées dans une zone tampon sur les hauteurs du Golan pour "assurer la sécurité des résidents" des parties contrôlées par Israël.

Quelques heures plus tard, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé qu'il avait ordonné à ses troupes de s'emparer de la zone tampon du plateau du Golan, établie par un accord de cessez-le-feu de 1974 avec la Syrie.

M. Netanyahu a déclaré que l'accord vieux de plusieurs décennies s'était effondré et que la situation nécessitait une prise de contrôle israélienne après que les troupes syriennes eurent abandonné leurs positions.

Des véhicules blindés israéliens stationnent le long de la ligne Alpha qui sépare le plateau du Golan annexé par Israël de la Syrie, le 8 décembre 2024.
Des véhicules blindés israéliens stationnent le long de la ligne Alpha qui sépare le plateau du Golan annexé par Israël de la Syrie, le 8 décembre 2024. Matias Delacroix/Copyright 2024 The AP. All rights reserved

La Ligue arabe a immédiatement condamné Israël pour avoir profité de la chute du président syrien Bachar al-Assad en pénétrant davantage dans le territoire syrien.

Dans un communiqué, elle a déclaré qu'Israël cherchait à occuper illégalement de nouveaux territoires.

Israël s'est emparé du plateau du Golan lors de la guerre du Proche-Orient de 1967 et l'a annexé. La communauté internationale le considère comme un territoire syrien occupé.

Ce n'est toutefois pas le cas des États-Unis, puisque Donald Trump a reconnu l'intégralité du plateau du Golan comme territoire israélien lors d'une visite du Premier ministre Netanyahu à Washington le 25 mars 2019.

Selon les médias israéliens, M. Netanyahu aurait également ordonné à l'armée israélienne d'effectuer des frappes aériennes sur plusieurs sites en Syrie, y compris dans la capitale.

Les frappes ont visé des dépôts de munitions et d'armes sur la base aérienne de Khalkhalah à Suwayda, plusieurs positions dans le gouvernorat de Daraa et l'aéroport militaire de Mezzeh, à environ 6 kilomètres au sud-ouest du centre-ville de Damas.

L'Observatoire syrien des droits de l'homme, basé au Royaume-Uni, a accusé Israël d'avoir perpétré ces attaques, bien que l'armée israélienne n'ait pas encore commenté publiquement ces opérations.

Pourquoi le moment choisi pour l'offensive des rebelles était-il crucial ?

Assad n'a reçu que peu d'aide, voire aucune, de la part de ses alliés. Pendant des années, la Russie et l'Iran ont été les principaux soutiens financiers et militaires des forces d'Assad. Ils ont joué un rôle crucial dans la bataille d'Alep, qui lui a permis de prendre le contrôle de la ville en 2016, après des années de combats avec diverses milices.

Cette fois-ci, les choses ont été différentes, car ses deux plus proches soutiens ont été considérablement affaiblis, tant sur le plan militaire que financier. Tout comme le Hezbollah libanais.

La Russie est occupée par sa guerre contre l'Ukraine. Ce que le Kremlin pensait être une victoire rapide et décisive, prévoyant de prendre le contrôle de la capitale Kyiv en seulement trois jours, dure depuis bientôt trois ans. L'Ukraine a été soutenue par une pléthore de puissances européennes et occidentales qui, depuis le début, ont appuyé son combat pour la liberté en lui fournissant des armes et des ressources.

Bachar al-Assad, avec le président russe Vladimir Poutine lors de leur rencontre à Moscou, Russie, le 24 juillet 2024.
Bachar al-Assad, avec le président russe Vladimir Poutine lors de leur rencontre à Moscou, Russie, le 24 juillet 2024. Valery Sharifulin/Sputnik

L'Iran est également déstabilisé depuis près d'un an. Le 7 octobre 2023, le Hamas, un groupe militant de Gaza soutenu par Téhéran, a lancé une attaque contre Israël, tuant plus de 1 200 personnes. Israël a répondu par une guerre en cours, visant à détruire le Hamas. La guerre s'est rapidement étendue au Liban, lorsque le Hezbollah, soutenu par l'Iran s'est joint à l'opération et a lancé des attaques contre Israël.

Israël a considérablement réduit les ressources et les infrastructures du Hamas et du Hezbollah, tuant ses dirigeants et ses chefs militaires les uns après les autres, ce qui a poussé l'Iran à réapprovisionner continuellement les deux groupes en fonds et en armes, épuisant ainsi ses propres ressources.

Cela signifiait également que les forces d'Assad n'étaient plus une priorité, l'isolant essentiellement et le laissant seul face à la rébellion naissante, avec les ressources limitées dont il disposait.

La chute du clan Assad devrait donc marquer une nouvelle étape, et s'ensuivront inévitablement des changements stratégiques majeurs dans toute la région.

La guerre civile en Syrie en chiffres

Selon les Nations unies, la guerre civile en Syrie, issue d'une révolution visant à renverser Assad en 2011 dans le cadre du mouvement de protestation du printemps arabe qui a balayé une grande partie du monde arabe au début des années 2010, a fait des dégâts indescriptibles dans le pays, dont voici un aperçu :

- Plus de 14 millions de personnes déplacées, la plus grande crise de réfugiés au monde.

- Environ 5,5 millions de réfugiés syriens vivent dans les cinq pays voisins de la Syrie : la Turquie, le Liban, la Jordanie, l'Irak et l'Égypte.

- L'Allemagne est le plus grand pays d'accueil non voisin, avec plus de 850 000 réfugiés syriens.

- Plus de 7,2 millions de Syriens sont déplacés à l'intérieur du pays.

- 90 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté

- 70% de la population a besoin d'une aide humanitaire.

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