Newsletter Newsletters Events Évènements Podcasts Vidéos Africanews
Loader
Suivez-nous
Publicité

Abus en ligne: quand les photos de vente deviennent des contenus pornographiques

Pétition de Mina
Pétition de Mina Tous droits réservés  Mina Camira/ https://innn.it/vinted
Tous droits réservés Mina Camira/ https://innn.it/vinted
Par Franziska Müller & Sonja Issel
Publié le
Partager Discussion
Partager Close Button

Des utilisateurs anonymes ont collecté les messages de Mina sur une plateforme de vente d'objets d'occasion, ont créé de faux profils et ont échangé des informations à son sujet dans des forums. Son cas montre à quel point il est facile de détourner des images privées - pendant des années.

Mina « Camira » (son pseudonyme), une jeune femme de 22 ans originaire de Cologne, a appris par une amie que ses annonces Vinted étaient largement diffusées sur des sites pornographiques. Dans une interview accordée à Euronews, elle a expliqué que les photos en question étaient celles de vêtements qu'elle avait mis en vente sur la plateforme de seconde main Vinted.

Son amie avait recherché son nom d'utilisateur Instagram sur Google et avait trouvé de nombreux résultats pour des sites pornographiques associés à son profil. Elle estime qu'il y en avait entre 20 et 30. Ce fut un choc pour elle.

« Je me suis dit : pourquoi cela m'arrive-t-il à moi ? J'étais une personne privée à l'époque ; je n'avais même pas 500 abonnés sur Instagram. »

Les résultats de recherche affichaient des titres comme « mannequin OnlyFans nue, fuite de contenu » — or Mina n'a ni compte OnlyFans, ni photos nues ou contenu divulgué la concernant. Les images apparues sur les sites web étaient exclusivement celles qu'elle avait elle-même publiées sur Instagram ou sur la plateforme Vinted.

Mina explique : « Les photos ont été utilisées à mauvais escient et présentées dans un contexte différent. Bien sûr, j’étais absolument dégoûtée » — même si elle est en réalité la victime dans cette affaire, et non l’auteure des faits.

Agression systématique

Ce n'est qu'après un certain temps que Mina, 22 ans, a pris conscience de l'ampleur du problème. Au départ, elle en avait sous-estimé la gravité : « Je me disais : “Bon, il n'y a que quelques photos sur des sites bizarres. Je suis de la génération Z, je sais que si je publie quelque chose publiquement en ligne, ça peut se retrouver n'importe où” », explique-t-elle.

Mais l'utilisation abusive de ses images était systématique : selon elle, des profils entiers existaient sur les plateformes, créés à partir de ses photos – certains depuis des années. Elle avait le sentiment d'être surveillée en permanence : « Ils me harcelaient vraiment. À chaque fois que je publiais quelque chose de nouveau, ils faisaient une capture d'écran.»

De plus, certains de ces comptes sur les sites concernés avaient atteint un certain niveau de popularité, ce qui laisse penser que les auteurs tiraient profit du vol des images.

La recherche d'un interlocuteur

Mina voulait agir immédiatement, mais ne savait pas comment. Elle a d'abord tenté de signaler les liens litigieux via un formulaire Google. « J'ai reçu un message automatique en guise de réponse : rien ne contrevient aux règles », a-t-elle déclaré à Euronews.

Contacter directement les sites pornographiques s'est également avéré infructueux : beaucoup d'entre eux n'affichent pas de mention légale, il est donc impossible de contacter leurs responsables.

Dépassée, elle a finalement appelé la ligne d'écoute « Violences faites aux femmes ». On lui a conseillé de porter plainte au commissariat.

Mina a alors déposé une plainte contre X. Cependant, le premier contact a été frustrant, raconte-t-elle : « Le policier ne m'a pas prise au sérieux. Il m'a juste dit d'emblée : ce que vous publiez sur Internet reste sur Internet.»

Le policier lui a conseillé de changer de nom, de passer son profil en mode privé et de tout supprimer. Pour cette habitante de Cologne, cependant, cette option était impossible : « Je ne comprends pas pourquoi je devrais supprimer mes photos maintenant. Elles seront toujours sur ces sites pornographiques.»

L’affaire a alors été transmise au service de lutte contre la cybercriminalité compétent. L’employée semblait compétente et l’a prise au sérieux, se souvient Mina. Elle lui a ensuite envoyé d’autres liens par courriel.

Environ quatre semaines plus tard, la nouvelle décevante est tombée : l’affaire était classée sans suite, aucun auteur n’ayant pu être identifié.

Le désespoir de Mina devient viral

Avant même de contacter les autorités, Mina a cherché de l'aide en ligne, poussée par le désespoir et dans l'espoir d'alerter d'autres personnes. Elle ne s'attendait pas à ce que sa vidéo touche un public aussi large. Il était important pour elle qu'au moins certaines personnes tirent des leçons de son expérience. Sa vidéo TikTok a finalement cumulé plus de 4,5 millions de vues.

Cette popularité a engendré un afflux massif de réactions. De nombreuses victimes l'ont contactée, raconte Mina. C'est alors qu'elle a réalisé qu'elle n'était pas seule : « Quand j'ai publié la vidéo, j'ai compris que je n'étais pas un cas isolé, mais que cela touchait vraiment beaucoup de monde.»

Elle décrit un schéma récurrent : des individus surveillent systématiquement d'autres utilisateurs, collectent des informations les concernant et les partagent anonymement sur des forums spécialisés. De nombreuses victimes ignorent l'existence de ce mécanisme, explique-t-elle.

Sur ces forums, par exemple, il suffit de saisir un hashtag comme « Vinted » pour que d'innombrables photos partagées apparaissent instantanément. « Par exemple, on pourrait lire : “Voici une nouvelle fille Vinted. On voit ses tétons. Que sait-on d'elle ?” », explique Mina. Les utilisateurs ajoutent ensuite des commentaires, recueillent des informations et des détails sur les personnes photographiées.

« Et il y a tellement de profils ! Je ne peux même pas vous donner un chiffre. C'est incalculable », ajoute-t-elle.

Augmentation des cas de violence numérique

Les cas comme celui de Mina ne sont plus marginaux.

L'organisation à but non-lucratif HateAid, qui défend les droits humains dans le domaine numérique, qualifie ces cas de « violence numérique par l'image ».

Ce terme englobe toutes les formes d'acquisition, d'utilisation ou de diffusion abusive d'images et de vidéos au moyen des technologies numériques.

De manière générale, la violence numérique à l'égard des femmes a pris une nouvelle ampleur ces dernières années. Selon le rapport de situation « Infractions sexistes à l'égard des femmes », publié en novembre 2024 par le ministère fédéral de l'Intérieur et le ministère fédéral de la Famille, des Personnes âgées, des Femmes et de la Jeunesse, le nombre de femmes victimes de violence numérique a plus que doublé entre 2018 et 2023.

Pétition « Nos photos Vinted ne sont pas de la pornographie »

Pour contrer cette tendance négative, Mina a lancé une pétition intitulée « Nos photos Vinted ne sont pas de la pornographie ».

Elle y demande, entre autres, un blocage des captures d'écran, similaire à celui déjà en place sur WhatsApp. Cela empêcherait l'enregistrement facile des photos de profil et autres contenus. Elle plaide également pour une vérification obligatoire afin que les utilisateurs confirment leur identité et que les victimes de harcèlement puissent porter plainte.

La protection des données sensibles est également cruciale pour elle : les adresses et autres informations particulièrement sensibles devraient être anonymisées lors du processus d'achat ; l'adresse de retour devrait être cryptée dans un code QR afin que seul le prestataire de services postaux y ait accès.

Enfin, elle exige une amélioration du filtre de mots afin d'empêcher l'envoi de messages à caractère sexuel ou de harcèlement.

Pour Mina, une chose est claire : c'est aux plateformes d'agir, et non aux personnes concernées. Elle adresse son appel directement à Thomas Plantenga, le PDG de Vinted.

Vinted sur le grill en France

En France, la Haute-commissaire à l’Enfance Sarah El Haïry a annoncé avoir saisi l’Arcom, régulateur du numérique, après avoir constaté des annonces promouvant des contenus pornographiques sous couvert de ventes classique sur la plate-forme Vinted. Elle a fait état de « prédateurs » qui ont « utilisé des ventes d'objets assez classiques, et finalement, ils renvoient vers des sites pornographiques ».

L’information a été révélée par le site «L'Informé» et d'autres médias. Ces derniers jours, plusieurs annonces publiées sur Vinted renvoyaient en réalité vers d'autres messageries, via lesquelles leurs auteurs négociaient des contenus pornographiques.

Autodétermination malgré les risques numériques

Mina confie qu'elle réfléchit désormais beaucoup plus attentivement aux photos qu'elle publie. Elle a cessé de poster de nouvelles photos d'elle habillée sur Vinted. Elle recommande généralement de ne pas publier ce genre de photos sur la plateforme, par mesure de sécurité. Cette recommandation rejoint d'ailleurs celle de Vinted.

Cependant, elle ne souhaite pas changer radicalement de comportement. « Il est important pour moi de dire que le rapport à la honte doit évoluer », affirme Mina. Elle souhaite continuer à publier publiquement, notamment sur Instagram. « Ce n'est qu'un corps de femme. Il n'y a rien de mal à cela. »

Pour Mina, le problème ne réside pas dans les photos elles-mêmes, mais plutôt dans la sexualisation du corps féminin par la société. « Notre société doit enfin commencer à parler du fait qu'il est inacceptable que nous, les femmes, soyons constamment sexualisées, partout, et que cela soit tout simplement accepté. »

La jeune femme de 22 ans persiste, malgré les nombreuses critiques qu'elle reçoit en ligne. De nombreux commentaires haineux sont apparus sous sa vidéo TikTok. « Je reçois tous les jours des messages privés et des commentaires du genre : “Si tu t’habilles comme ça, tu es une pute.” Et même des menaces de mort. » Pour elle, cette réaction est un exemple de plus de « la facilité avec laquelle les gens se sentent à l’aise sur Internet ».

Cependant, elle ne souhaite pas se retirer. « Je continuerai à publier mes créations, car je ne veux pas qu’ils aient ce genre de pouvoir sur moi. »

Malgré tout, elle a une opinion globalement positive de la plateforme Vinted. « Je ne suis pas du tout contre Vinted. J’achète uniquement des vêtements de seconde main depuis plus de six ans. » La durabilité est importante pour elle. C’est précisément pourquoi elle souhaite que la plateforme puisse être réutilisée en toute sécurité, pour tous.

Dans sa pétition, elle exige : « Thomas Plantenga doit enfin prendre au sérieux la voix des victimes, agir de manière décisive contre les auteurs de ces actes et protéger les victimes ! Afin que nous puissions tous donner une seconde vie aux vêtements en toute sécurité et avec joie. »

Conclusion de Mina après son expérience traumatisante :

« C’est à vous de changer de comportement, pas à moi. »

Accéder aux raccourcis d'accessibilité
Partager Discussion

À découvrir également

La clinique de gynécologie pour femmes sans-abri de Budapest, entre dans sa troisième année d'existence

Néonazi Liebich : nous ne sommes pas les "idiots de la nation" (le procureur à Euronews)

"Bons baisers de Russie" : l'extrémiste de droite Liebich se met en cavale au lieu de commencer de purger sa peine