Le logiciel vendu par la société britannique Datel, qui permettait de booster un jeu de course, n'enfreint pas la législation européenne sur le droit d'auteur, selon les juges, dans une décision qui pourrait s'avérer cruciale pour le secteur des jeux.
Dans un récent arrêt, la Cour de justice de l'Union européenne a affirmé que les modules complémentaires pour les jeux PlayStation de Sony, n'enfreignaient pas la législation européenne en matière de droits d'auteur.
Cette décision de la plus haute juridiction de l'UE constitue ainsi un revers pour le géant des jeux vidéo, dans une affaire considérée comme déterminante pour l'écosystème de des jeux, qui représente des centaines de millions de dollars.
"La directive concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur ne permet pas au titulaire de cette protection d’interdire la commercialisation par un tiers d’un logiciel qui ne fait que modifier des variables insérées temporairement dans la mémoire vive d’une console de jeu", ont déclaré les juges dans un communiqué.
"La directive protège seulement la création intellectuelle telle qu’elle se reflète dans le texte du code source et du code objet du programme d’ordinateur".
Datel, basé au Royaume-Uni, commercialise un logiciel qui permettait aux joueurs d'obtenir des boosts dans le jeu de course MotorStorm, et de contrôler la console à l'aide d'un capteur de mouvement.
Les juges luxembourgeois ont dû déterminer si cela constituait une infraction à la législation européenne de 2009 sur les droits d'auteur dans le domaine des jeux, étant donné que, en principe, les modules d'extension de Datel ne modifient pas le code source, mais simplement les variables qui s'exécutent dans la mémoire vive.
Sony avait fait valoir que le logiciel de Datel « s'accrochait » au jeu de PlayStation.
Mais dans un avis non contraignant destiné à la Cour de justice de l'Union européenne, en avril dernier, l'avocat général Maciej Szpunar avait estimé qu'il n'y avait rien d'illégal à utiliser une œuvre protégée par des droits d'auteur sans se conformer aux intentions du créateur.
"L'auteur d'un roman policier ne peut pas empêcher le lecteur d'aller directement à la fin du roman pour découvrir qui est le tueur, même si cela gâchait le plaisir de la lecture et ruinait les efforts de l'auteur pour maintenir le suspense", a déclaré M. Szpunar.
Certains ont accusé Sony d'aller trop loin, en cherchant à contrôler la manière dont d'autres modifient, ou « modulent », ses produits - une pratique qui sous-tend de vastes pans de l'écosystème des jeux.
"Dans quel autre secteur un tel comportement serait-il acceptable ?" a déclaré Ross Scott, militant dans le secteur des jeux vidéo, qui a lancé une pétition européenne pour empêcher les sociétés éditrices de tuer leurs jeux en ligne, et de priver ainsi les clients de leur produit.
La pétition, lancée après que la société française Ubisoft a mis un point final au jeu The Crew, un jeu de course en ligne comptant près de 12 millions de joueurs, a déjà recueilli plus de 370 000 signatures, mais cela ne permet en aucun cas d'obliger la Commission européenne à prendre des mesures.
Une vision étendue du droit d'auteur, comme celle de Sony, « pourrait mettre en péril de nombreux logiciels à plus grande échelle », estime-t-il.
"Si vous deviez retirer tous les jeux qui trouvent leurs origines dans le modding, je suis sûr que cela représenterait des centaines de millions de dollars", a-t-il ajouté, citant des jeux populaires comme Fortnite, qui ont évolué à partir de produits plus anciens.
Les représentants de Sony et de Datel n'ont pas répondu à nos demandes d'interview.