Au Sénégal, des "parrains" pour préparer les hommes à la paternité

Makhtar Aidar est un Nijaayu Gox ou doula mâle à Pikine Ouest, au Sénégal.
Makhtar Aidar est un Nijaayu Gox ou doula mâle à Pikine Ouest, au Sénégal. Tous droits réservés Marta Moreiras pour Euronews
Par Marta Moreiras & Naira Davlashyan & Marta Rodríguez & Lillo Montalto Monella & Thomas Seymat
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Makhtar Aidar est l'un de ces premiers doulas hommes, connu aussi sous le nom de Nijaayu Gox, "parrains" en Wolof. Le but de ce groupe est de créer des liens plus forts au sein des familles sénégalaises et préparer les hommes à la paternité.

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"Autrefois, les hommes ne voulaient pas marcher dans la rue à côté de leurs femmes. C'était une honte, une disgrâce atroce envers les femmes", raconte Makhtar Aidar, conseiller municipal et militant pour l'égalité des sexes à Pikine Ouest, l'une des plus grandes banlieues de Dakar, la capitale du Sénégal.

"Traditionnellement, ici, les hommes doivent rester avec les hommes, les femmes avec les femmes, vous savez ? Même dans nos foyers, c'était comme ça".

Les choses ont commencé à changer lorsqu'un groupe de femmes appelé Bajenu Gox a réalisé que les hommes avaient besoin... de doulas chargées de les accompagner pendant la grossesse de leurs épouses.

Au Sénégal, la grossesse et la garde des enfants sont une "affaire de femme", au point que lorsqu'un enfant se comporte mal, les Sénégalais utilisent l'expression wolof "doom ja, ndey ja", littéralement "l'enfant est le reflet de la mère".

Beaucoup de femmes dans le pays ont une sorte de doula, de Bajenu Gox, c'est-à-dire une "marraine" en wolof pour les aider à devenir mères. Habituellement, mais pas toujours, les Bajenu Gox sont des femmes qui ont reçu une formation spéciale. Cependant, elles ne travaillent pas avec des hommes.

Makhtar Aidar est l'un de ces premiers doulas hommes, connu aussi sous le nom de Nijaayu Gox, "parrains" en Wolof. 55 000 personnes vivent à Pikine Ouest et seulement 54 participent au programme. Le but final du groupe est de créer des liens plus forts au sein des familles sénégalaises et de préparer les hommes à la paternité.

Les hommes qui deviennent Nijaayu Gox sont généralement les hommes les plus respectés de leur communauté. Souvent, comme Makhtar, ils ont un travail de jour et, pendant leur temps libre, ils vont de porte en porte, parlent à d'autres hommes, leur apprenant des choses apparemment simples, comme accompagner leurs femmes à leurs rendez-vous médicaux.

"Les hommes qui accompagnent leurs femmes aux dispensaires sont mal vus parce que les gens ont tendance à penser qu'ils sont faibles", explique Makhtar, ajoutant que la mentalité n'est pas le seul problème auquel les hommes sont confrontés.

"Même au travail, si vous êtes absent pour accompagner votre femme, vous êtes puni. Il est donc important que les hommes se mettent eux aussi à la place du Bajenu Gox".

Pour Makhtar, son activisme ne consiste pas seulement à changer des traditions qui posent problème.

Avec une population de 16 millions d'habitants, le Sénégal a l'un des taux de mortalité maternelle les plus élevés au monde. Selon les données de la Banque mondiale datant de 2017, chaque année, 315 femmes sur 100 000 meurent pendant l'accouchement dans ce pays d'Afrique de l'Ouest. En Italie, où le taux de mortalité maternelle est l'un des plus bas du monde, la moyenne est de deux.

La science affirme que le fait d'impliquer les hommes dans les grossesses non seulement améliore leurs compétences parentales, mais peut également réduire la mortalité maternelle. Une étude réalisée en 2016 dans une communauté du nord-ouest de l'Éthiopie a montré que des pères mieux informés sur les signes de danger obstétrique peuvent prévenir ces décès.

Les Nijaayu Gox veulent étendre leur réseau à tout le pays. Ils travaillent avec des gouvernements locaux, des imams et des ONG pour éduquer leurs pairs. Makhtar estime qu'il reste beaucoup de travail à faire, mais les choses commencent à changer. Au moins pour les hommes du programme.

Nous sommes maintenant en mesure de comprendre comment les femmes se sentent dans ces situations. Nous sommes en mesure de comprendre ce qu'elles vivent", dit-il.

Selon lui, le lent changement de mentalité rapproche les familles. "Nous avions l'habitude de donner de l'argent à quelqu'un pour qu'il s'occupe des ordonnances de nos femmes pour ces rendez-vous afin que nous n'ayons pas à le faire".

"Nous sommes également capables de comprendre que cela aide une femme si elle donne naissance à un enfant dans de bonnes conditions".

À propos de Dans la tête des hommes

"Dans la tête des hommes" est une série originale et un podcast d'Euronews dans lequel nous voyageons dans cinq pays africains différents à la rencontre d'hommes défiant des stéréotypes séculaires imposant une vision rigide des rôles genrés.

Pour chaque pays, nous vous proposons quatre épisodes de podcast : un reportage complet, divisé en deux parties, sur le terrain, réalisé en collaboration avec des journalistes locaux — et deux tables rondes, réunissant les perspectives africaines et européennes.

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"Dans la tête des homme" est publié toutes les deux semaines en français, ainsi qu'en anglais sous le titre de "Cry Like a Boy".

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