La Galerie Borghese célèbre l’art de la peinture sur pierre

La Galerie Borghese expose une collection de peintures sur pierre, technique inventée au XVIe siècle après le sac de Rome.
La Galerie Borghese expose une collection de peintures sur pierre, technique inventée au XVIe siècle après le sac de Rome. Tous droits réservés AP Photo
Par Euronews avec AP
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Un art qui survivrait aux hordes d'envahisseurs et au temps : tel était le rêve des peintres des XVIe et XVIIe siècles qui ont troqué les toiles traditionnelles pour la pierre.

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Un art qui survivrait aux hordes d'envahisseurs et au temps : tel était le rêve des peintres des XVIe et XVIIe siècles qui ont troqué les toiles traditionnelles pour la pierre.

Plus de 60 de ces créations, conçues pour durer une éternité, sont aujourd'hui exposées à la Galleria Borghese de Rome dans le cadre d'une exposition réunissant des œuvres provenant de nombreux musées et collections italiens et étrangers.

Nombre d'entre elles proviennent des réserves de la Galleria Borghese elle-même, dépoussiérées dans le cadre d'un projet de recherche lancé en 2021 pour explorer le thème de la nature et du paysage au sein de la collection de la galerie.

L'art de la peinture sur pierre a été inventé par le peintre italien Sebastiano del Piombo après le sac de Rome en 1527. L'invasion par les Lansquenets à la solde de l'empereur Charles Quint a entraîné des mois de pillage et d'anarchie, avec plus de 30 000 victimes et le vol de nombreux tableaux inestimables. Consterné par leur perte, Del Piombo commence à peindre sur d'autres supports que la toile, des matériaux plus résistants au danger et au temps, et donc capables de prolonger la vie de l'œuvre.

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Exposition consacrée à la peinture sur pierre à la Galerie Borghese, à Rome.AP Photo

Avec leurs couleurs et leurs marbres veinés, le lapis-lazuli et les pierres de touche passeraient de la fonction de toile à celle de partie intégrante du tableau lui-même, une transformation explorée dans "Timeless Wonder". "C'est certainement l'une des significations de la peinture sur pierre, l'éternité de l'art", sourit Francesca Cappelletti, directrice de la Galleria Borghese et commissaire de l'exposition.

L'invention de Sebastiano del Piombo a permis à la peinture de durer davantage comme la sculpture, un art frère auquel elle était souvent comparée. La pratique de l'utilisation de la pierre comme toile commence également à se répandre car elle prend une valeur symbolique faisant allusion, dans les peintures religieuses, à la solidité de l'église catholique, ou aux concepts de vie éternelle et de résurrection. Dans les portraits, elle fait référence à la solidité morale et à l'exemplarité du sujet.

"Très tôt, on s'est rendu compte que même la pierre est fragile, que ces supports peuvent se casser, et d'ailleurs on en a retrouvé beaucoup qui étaient fissurés ou fendus. Disons donc que la peinture sur pierre fait aussi partie de la dialectique entre l'art et le temps, sur la manière de faire durer la beauté et les œuvres des artistes. La peinture sur pierre était sans aucun doute l'une de ces tentatives", explique M. Cappelletti.

Mais avant que de nombreux artistes ne se rendent compte de la fragilité inattendue de certaines pierres, ils avaient remplacé avec enthousiasme leurs toiles par des marbres, des lapis-lazuli et des pierres de touche, qui devenaient les sujets mêmes de la composition grâce à leurs couleurs et à leurs veines. La pierre elle-même occupe une grande partie des tableaux, remplaçant certaines couleurs et mettant en scène un dialogue équilibré entre l'art et la nature.

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Exposition consacrée à la peinture sur pierre à la Galerie Borghese, à Rome.AP Photo

"Le support de pierre de différentes couleurs, s'il est laissé à découvert par l'artiste, permet certes au peintre de jouer avec le matériau mais aussi avec sa qualité colorée. Nous avons une section de l'exposition qui est consacrée à la pierre "paesina", c'est-à-dire à la peinture de paysages en utilisant les veines de la pierre. Le lapis-lazuli est également un matériau très précieux pour les artistes car, avec ses veines bleues et azur, il permet de représenter aussi bien la mer que le ciel, et il en va de même pour la pierre de touche qui était utilisée pour représenter la nuit", explique Francesca Cappelletti.

Selon Patrizia Cavazzini, commissaire de l'exposition, cette technique particulière révèle également une coopération sans précédent entre les peintres et les tailleurs de pierre qui aidaient les artistes à choisir les bonnes pierres, souvent issues de fouilles à Rome.

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Exposition consacrée à la peinture sur pierre à la Galerie Borghese, à Rome.AP Photo

"Il était essentiel de choisir la bonne pierre et je pense que ce qui nous a échappé et que nous ne connaissons pas vraiment, c'est la coopération qui a dû exister entre les tailleurs de pierre et les peintres, car nous soupçonnons qu'un peintre allait voir les tailleurs de pierre et leur disait 'j'ai besoin d'un paysage parce que je dois peindre une capture de Jérusalem' ou 'j'ai besoin d'une grotte, j'ai besoin d'un ciel'", dit-elle.

Parmi les œuvres les plus précieuses de l'exposition, la plus importante est certainement le Cabinet Borgese-Windsor, qui révèle l'importance accordée aux pierres précieuses à cette époque. "Les pierres utilisées pour la peinture, en particulier celles provenant des fouilles de Rome, n'étaient pas nécessairement des articles de luxe, mais un objet comme celui-ci, comme le cabinet Getty, avec sa richesse en pierres très rares et en lapis-lazuli et une quantité incroyable de travail, était certainement un objet incroyable, incroyablement cher même à l'époque", déclare Cavazzini.

Le cabinet, qui provenait du palais Borghese à Rome, a été acheté par un antiquaire anglais en 1821, puis vendu en 1827 au roi George IV, qui l'a offert au château de Windsor, où il est resté pendant plus de 130 ans. Le cabinet Borghese a fait partie des collections royales britanniques jusqu'en 1959, date à laquelle il a été vendu.

En 2016, le J. Paul Getty Museum de Los Angeles a payé un prix record pour acquérir le précieux meuble, qui a été vendu au musée américain chez Sotheby's à Paris pour 2 499 000 euros. La peinture sur pierre au XVIe et XVIIe siècles sera présentée jusqu'en janvier 2023.

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