Plus de 400 migrants, dont de nombreux mineurs, avaient trouvé refuge dans la salle de spectacle emblématique du Marais, en attendant des solutions de logement moins précaires.
Une intervention sous tension en plein centre de Paris : les forces de l'ordre ont expulsé plus de 400 jeunes migrants qui occupaient la Gaîté-Lyrique, lieu culturel et salle de spectacle du 3e arrondissement.
L'opération, ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Paris, a débuté vers 6 heures du matin, mardi. De nombreux militants, venus soutenir l'occupation, ont tenté d’empêcher l’évacuation.
Des CRS et des gendarmes mobiles ont fait usage de gaz lacrymogène pour disperser les manifestants avant de pénétrer dans le lieu pour constater que beaucoup d'occupants avaient déjà quitté les lieux pendant la nuit.
46 personnes, pour la plupart des migrants, ont été interpellées. Leur statut juridique sera examiné et ils pourraient être expulsés, a déclaré, sur BFMTV, le préfet de police de Paris Laurent Nuñez, qui a invoqué un "trouble à l'ordre public" pour justifier l'évacuation.
Neuf blessés ont été recensés, a-t-il ajouté, dont des migrants, un membre des CRS et un journaliste de CNEWS.
"À ce stade, c'est ce qu'il fallait faire parce que la situation était très compliquée, tendue et dangereuse à l'intérieur, y compris pour ces jeunes migrants", a réagi la maire PS de Paris Anne Hidalgo sur France Inter.
Les législateurs de gauche ont dénoncé l'intervention brutale et l'absence de solutions de relogement concrètes de la part des autorités.
"La honte à ce pouvoir qui fait la guerre aux mineurs isolés !", peut-on lire dans un communiqué signé par plusieurs députés de la France Insoumise.
Les élus LFI de Paris ont également accusé "les autorités gouvernementales et municipales" de "bafouer les conventions internationales dont la France est signataire".
La députée Sarah Legrain a évoqué un transfert "en cars" de jeunes migrants vers la Normandie.
L'occupation de la Gaîté-Lyrique a débuté le 10 décembre, à l'initiative du Collectif des jeunes du Parc de Belleville, une organisation fondée par des mineurs et des jeunes adultes originaires d'Afrique subsaharienne.
De nombreux occupants étaient venus en France en tant que mineurs isolés, mais ils affirmaient que les autorités françaises leur avaient refusé la protection liée à ce statut. À la fin de la première nuit, environ 200 personnes avaient trouvé refuge dans la salle de spectacle et demandaient aux autorités un hébergement.
La Gaîté-Lyrique, gérée, comme d'autres lieux culturels à Paris et à Lyon par l'association Arty Farty, a rapidement décidé de suspendre ses activités artistiques.
Dans plusieurs communiqués, les équipes du lieu culturel ont regretté le "caractère soudain et subi de cette occupation" mais ont reconnu le "caractère légitime de la revendication du collectif visant à obtenir un toit" pour ces personnes.
Les représentants de la Gaîté-Lyrique ont également déploré l'"inaction" et l'"absence de dialogue" avec les services de l'État et ceux de la Ville de Paris.
Dans une vidéo postée sur Instagram, la directrice des lieux Juliette Donadieu a appelé les Parisiens à faire des dons de denrées alimentaires, à signer une pétition de soutien et à participer aux assemblées générales et autres rassemblements organisés plusieurs fois par semaine à la Gaîté-Lyrique.
Située dans le quartier du Marais, ce théâtre du XIXe siècle a accueilli des grandes pièces du répertoire classique, abrité des ballets russes dans les années 1920. Actuellement, ce lieu emblématique est dédié aux musiques actuelles et aux conférences sur des sujets d'actualité.
"La Gaîté-Lyrique doit être un lieu où on va même sans trop savoir pourquoi, car on sait qu'il y aura toujours quelque chose qui s'y passe", avait déclaré, en 2023, Vincent Cavaroc, directeur artistique de la salle.
Tout au long de l'occupation récente, les membres du personnel de la Gaîté-Lyrique ont travaillé avec des ONG pour entretenir le bâtiment et s'occuper des personnes présentes. Cependant, le lieu a été soumis à une pression croissante.
Dans un communiqué du 26 février, les équipes ont pointé une situation qui devenait "explosive, avec une promiscuité intenable" et des violences de plus en plus graves et fréquentes.
L'avenir des jeunes migrants expulsés de l'ancien théâtre reste incertain. Le préfet de police a déclaré qu'un hébergement leur serait proposé, sans donner plus de détails.
Selon Franceinfo, les autorités avaient précédemment proposé aux occupants d'être relogés à Rouen. La plupart d'entre eux avaient refusé, ne voulant pas s'éloigner des repères et des liens qu'ils s'étaient construits dans la capitale.