Planification de l'espace maritime : partager les océans pour mieux les protéger

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Par Denis Loctier
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Les Etats membres situés sur les côtes de l'UE ont jusqu'à fin mars 2021 pour établir la planification de leur espace maritime. Objectif : rendre compatibles les différentes activités liées à la mer et la protection de la nature.

Ils sont nombreux à venir profiter du spectacle. Aux Açores, les baleines et dauphins nombreux dans ces eaux riches en poissons attirent les touristes : la plus grande entreprise spécialisée de l'archipel accueille 30.000 passagers par an. Mais la venue de ces visiteurs génère-t-elle des conflits avec les pêcheurs locaux ?

"Les dauphins trouvent à se nourrir autour des bateaux de pêche et actuellement, les pêcheurs nous préviennent quand ils en voient près de leurs bateaux," explique Laura González García, responsable biologiste dans l'entreprise Futurismo, avant d'ajouter : "Donc il y a une sorte de collaboration entre nous."

Plus de collaboration et de développement durable, c'est l'objectif de ce qu'on appelle la planification de l'espace maritime : cette démarche est encadrée par une directive européenne qui prévoit que les usagers de la mer et les autorités travaillent à mieux comprendre et gérer l'utilisation des ressources marines.

Luz Paramio, membre du conseil d'administration du Fonds FRCT du gouvernement régional des Açores et coordinateur de MarSP, un projet dédié aux différents archipels de Macaronésie et qui est soutenu par l'UE dans le cadre de cette initiative, nous en dit plus sur cette ambition : "De nouveaux usages sont en train d'émerger avec la combinaison de différentes activités qui peuvent interagir et partager le même espace de manière durable, donc la planification de l'espace maritime nous permet de rendre ces activités marines compatibles," explique-t-il. 

Recueil d'informations et cartographie aux Açores

Ce projet MarSP aide ainsi les Açores, mais aussi Madère et les Canaries à élaborer leur planification. L'idée, c'est d'harmoniser les activités après avoir regroupé les informations fournies par les usagers et les données sur les ressources et habitats marins sur une même carte. 

"On a fait cela pour tous les secteurs de la mer : nous avons demandé aux professionnels de dessiner la zone où ils pratiquent leur activité et quelles sont les autres activités qui sont en conflit avec eux et pourquoi," indique Helena Calado, professeure de planification de l'espace maritime à l'Université des Açores. "Nous recueillons ces informations et nous les intégrons à un système d'information géographique (SIG) pour aider à la prise de décision," poursuit-elle.

La planification tient compte de tous les facteurs : de la profondeur de la mer, de l'usage du littoral, de la présence de biens culturels et surtout, des écosystèmes. Les ressources marines doivent être exploitées en préservant la faune et la flore marines et plus globalement, la biodiversité.

Madère trouve l'équilibre entre aquaculture et tourisme

Madère a finalisé ses plans avant les Açores en réglant un différend entre une aquaculture en pleine expansion et son secteur essentiel du tourisme.

Les surfeurs reprochaient aux installations aquacoles de briser les vagues... Les planificateurs ont trouvé la solution en déplaçant la ferme, son nouvel emplacement étant devenu un site de plongée pour observer les poissons attirés par les eaux riches en nutriments près des cages. Les autorités mènent des inspections régulières pour détecter une éventuelle pollution.

"Les zones devaient rester intactes, donc nous devions mettre en place des programmes de contrôle," souligne Carlos Andrade, chef de la division aquaculture marine au Directorat des pêcheries de Madère. "Chaque zone géographique devait avoir des règles à suivre, que ce soit pour les fermes aquacoles, mais aussi pour les personnes qui ont différents intérêts autour de ces fermes," déclare-t-il.

La majeure partie des eaux littorales au nord de l'île principale de Madère constitue des zones protégées pour les mammifères marins où toute activité économique est interdite.

Les fermes aquacoles ont été rassemblées au sud de l'île dans des zones relativement petites, mais suffisamment vastes pour se développer. Leur production a doublé l'an dernier. Et les perspectives sont bonnes. Elles ont pour voisins, les bateaux qui proposent de la pêche au gros et la marina.

Perspectives de développement économique

Nous nous rendons sur l'une de ces fermes qui élève des daurades : elle dispose d'un emplacement qui la protège des tempêtes et où la profondeur est idéale avec des courants qui maintiennent l'eau propre. En dédiant cette zone à l'aquaculture, la planification a permis de garantir aux investisseurs qu'ils pourront développer leur entreprise dans les années qui viennent.

"Cela nous donne confiance dans le fait qu'on aura un espace pour nous sur la durée," reconnaît Pedro Diniz, responsable de site chez Marismar. "On ne sera pas forcé de changer d'endroit alors que celui-ci est très bien," se réjouit-il. 

Les planifications menées dans chaque région ou pays seront actualisées tous les deux ou trois ans pour inclure de nouvelles activités qui s'implanteront du littoral jusqu'aux limites de son espace maritime.

"Pour notre part, notre planification est prête," fait remarquer Manuel Ara Oliveira, directeur du changement climatique et de l'environnement au sein du gouvernement régional de Madère. "Donc, nous pouvons commencer à travailler à l'améliorer en y intégrant plus de connaissances, de capacités, de partage et de coopération avec les archipels voisins que sont les Canaries et les Açores," estime-t-il. 

Vers une coordination internationale

Trouver des compromis avec ses voisins n'est pas un jeu d'enfant. Pourtant, lors d'un atelier auquel nous assistons à Toulon, des spécialistes français et algériens échangent autour d'un jeu de société qui reproduit une frontière maritime entre trois pays imaginaires avec des usages conflictuels de la mer. Le type de problèmes que les planificateurs doivent résoudre, en particulier dans des régions comme le nord de l'Europe.

Ce jeu est utilisé dans de nombreux pays dans le cadre de MSPglobal, une initiative de la Commission européenne et de la Commission océanographique intergouvernementale de l'UNESCO (COI-UNESCO) pour également promouvoir la planification de l'espace maritime, mais cette fois à l'échelle mondiale.

"Pour toutes les activités dans lesquelles on franchit des frontières - le transport maritime, le tourisme, mais aussi la biodiversité et toutes les aires marines protégées - le défi, c'est de voir comment les gérer de manière durable," fait remarquer Alejandro Iglesias Campos, spécialiste de programme à la COI-UNESCO.

La démarche de la COI-UNESCO s'appuie sur l'échange d'expérience : "On a des exemples en Chine sur la manière dont on peut financer le processus de planification, des exemples en Amérique du Sud sur la manière dont on peut inclure les minorités et de nombreux autres exemples qui nous aident à développer en Europe notamment, une planification différente, plus innovante," assure Alejandro Iglesias Campos.

Préservation de l'environnement et tourisme à la Grande Canarie

L'un des objectifs essentiels de la planification de l'espace maritime, c'est de lier croissance économique durable et préservation de la nature.

Sur l'île de la Grande Canarie, la plage de Las Canteras à Las Palmas mêle tourisme et protection de l'environnement. Cet endroit est à la fois, une réserve de vie marine qui abrite des centaines d'espèces de poisson et un haut lieu pour la plongée et la randonnée aquatique.

"Au cœur des grandes villes, on peut avoir des espaces qui sont parfaits pour la préservation et pour les loisirs," affirme Fernando Tuya, professeur assistant en biologie marine à l'Institut Ecoaqua (ULPGC). "Les gens veulent avoir un environnement sain pour passer du bon temps, donc on peut développer une croissance économique liée à un bon état de préservation," indique-t-il. 

Dans la même démarche, un projet appelé PLASMAR financé par l'Union européenne développe un outil d'aide à la décision. Il montre dans quelle mesure une zone donnée est adaptée pour une certaine activité en fonction des caractéristiques marines, des secteurs professionnels présents et des besoins de préservation notamment.

Andrej Abramić, coordinateur du projet PLASMAR au sein du même Institut Ecoaqua, explique : "Nous avons amélioré notre système grâce à de nombreuses données et nous avons essayé d'identifier des zones où l'impact sur l'environnement sera moindre et où il n'y aura pas de conflit avec les usages du littoral et d'autres secteurs d'activité maritimes."

Faire avec les éoliennes offshore

Les planificateurs doivent aussi composer avec de nouveaux venus : les parcs éoliens offshore.

Des essais sont déjà menés sur le site de test PLOCAN sur l'île de la Grande Canarie.

Selon les chercheurs, ces éoliennes ne représentent pas nécessairement des obstacles pour d'autres activités.

"On travaille sur des projets où les pêcheurs pourront poursuivre leur activité dans l'espace que les éoliennes occupent, voire où des fermes aquacoles seront placées entre les éoliennes," s'enthousiasme José Joaquín Hernández-Brito, PDG de la Plateforme océanique des îles Canaries (PLOCAN). "Maintenant, il faut développer les technologies adaptées," souligne-t-il. 

Les États membres qui ont un espace maritime ont jusqu'à fin mars 2021 pour finaliser leur planification de l'espace maritime.

Il en va de l'essor de l'économie de la mer et de la préservation des écosystèmes pour les prochaines générations.

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