Vers un monde plus vert : ces Européens qui prennent soin de notre eau

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Par Cyril Fourneris
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Road trip vert en Allemagne et en Espagne où comme partout, l'eau est vitale. Sur les rives du lac de Constance, on innove pour lutter contre les micropolluants tandis qu'à Valence, des eaux usées traitées avec soin irriguent les cultures.

L'eau douce est indispensable à la vie sur Terre. Le changement climatique et une demande toujours plus forte en font une ressource précieuse, même en Europe. Les inondations et la sécheresse sont aussi de plus en plus brutales et bouleversent la vie de millions de gens. En outre, l'eau renferme d'autres menaces en raison des produits chimiques, présents dans notre quotidien, avec le risque qu'ils coulent dans nos verres et persistent dans le cycle de l'eau.

Mais nous avons aussi de la chance : en Europe, la qualité des cours d'eau s'améliore globalement, l'accès à l'eau potable est élevé et les Européens développent de nouvelles approches pour mieux dépolluer, distribuer et recycler l'eau. Nous avons choisi de rencontrer quelques-uns d'entre eux lors d'un road trip en train et vélo, en commençant par une région où il paraît que le développement ne se fait pas au détriment de la qualité de l'eau : le lac de Constance.

L'eau du lac de Constance : l'enjeu de la qualité

Sur place, le principe est simple : moins l'eau est polluée, moins il faudra la dépolluer. Un exemple à suivre, à l'heure où la nouvelle directive européenne sur l'eau potable vise à garantir à tous, l'accès à une eau de qualité.

Le lac de Constance est le plus grand réservoir d'eau potable d'Europe. Cette eau est bue par des millions de personnes. Ce qui fait la fierté de la ville de Friedrichshafen, ville du créateur du zeppelin située au bord du lac.

"Je pense que si vous allez vous baigner et que vous avez soif, vous pouvez en boire sans problème," nous indique un habitant à la terrasse d'un bar, installé devant une bière, autre boisson locale ! Nous demandons à un autre client attablé comment il sait que l'eau du lac est si bonne. "C'est du bon sens, ce n'est pas un secret !" s'acclame-t-il.

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À Friedrichshafen, des habitants nous vantent la qualité de l'eau du lac de ConstanceEuronews

La chasse aux micropolluants

Cette région est à la pointe dans la nouvelle bataille contre les micropolluants. Marie Launay, une scientifique française installée en Allemagne y contribue. Elle dirige une cellule dédiée à la lutte contre ces substances nocives pour les poissons, les écosystèmes et très certainement pour nous, les humains.

"On utilise de plus en plus de produits chimiques, à la maison, avec les produits ménagers, mais aussi plus de médicaments et plus de pesticides," explique la directrice du Centre de compétences Micropolluants du land de Bade-Wurtemberg. "Toutes ces substances, quand elles sont persistantes, elles persistent aussi dans l'environnement," poursuit-elle, "donc, c'est important de pouvoir les éliminer pour préserver la qualité de l'eau."

Une partie de la solution se trouve dans les stations d'épuration qui traitent les eaux que nous avons utilisées, avant de les rendre à la nature. Heiko Kiebler, manager de la station de traitement des eaux usées d'Eriskirch, nous rappelle ce qui est en jeu : "Nous devons bien sûr veiller à entretenir au mieux le réservoir d'eau potable, car de nombreuses personnes en dépendent pour vivre. C'est la raison pour laquelle nous devons nous efforcer de traiter les eaux usées le mieux possible," souligne-t-il.

Vers une réglementation plus stricte dans l'UE

Le land du Bade-Wurtemberg est pionnier en la matière. En plus des traitements classiques, plusieurs stations de la région appliquent un traitement supplémentaire, par ozone.

"Avec l'ozone, on a un procédé chimique qui va casser ces polluants," précise Marie Launay. "Donc ces plus petites molécules vont pouvoir être éliminées par la station d'épuration," dit-elle.

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Marie Launay et Heiko Kiebler à la station de traitement des eaux usées d'EriskirchEuronews

Cette technologie devrait se développer ailleurs. La réglementation européenne sur les eaux usées est en train d'évoluer. La liste des polluants à éliminer devrait s'allonger. "Il y a le projet d'éliminer les micropolluants pour les grandes stations et pour des régions sensibles au niveau de l'Union européenne," fait remarquer la spécialiste. "Il est prévu que les industries pharmaceutiques et cosmétiques payent le financement de ces installations pour la protection de l'environnement," indique-t-elle.

Cet hiver, il a beaucoup moins neigé dans les Alpes. Il y aura donc moins de débit dans les rivières qui abondent le lac. Mais ce n'est rien comparé à la situation du sud de l'Europe.

Valence : l'eau de mer comme ressource

En Espagne, c'est le niveau des réserves hydriques qui inquiète. Nous nous rendons à Valence et en ce printemps, il fait déjà chaud. La Communauté de Valence fait partie de ces nombreuses régions en Europe qui sont régulièrement frappées par la sécheresse. Sur place, des solutions innovantes sont apportées pour y faire face.

Face à l'urgence, on dessale l'eau de mer. Les usines de dessalement le long des côtes produisent environ 9% de l'eau douce consommée en Espagne. Une technologie coûteuse et énergivore mais nécessaire, comme nous le découvrons dans une zone industrielle de la périphérie de Valence.

"Cette station de dessalement permet que l'eau qui vient du fleuve Jucar soit réorientée vers d'autres populations qui n'ont pas cette ressource," explique Jose Luis Zaplana, responsable de station au sein de Cadagua. "On peut penser que dessaler de l'eau de mer coûte cher, mais c'est mieux que de ne pas en avoir," renchérit-il. 

"Cela aide beaucoup le moteur économique, le tourisme, l'agriculture, en l'occurrence, l'industrie ici," déclare Mariola Dura, Mariola Dura, cheffe d'exploitation chez Acuamed. "C'est de pouvoir ne pas trop s'inquiéter qu'il pleuve ou non," ajoute-t-elle.

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Les usines de dessalement le long des côtes, comme celle-ci à la périphérie de Valence, produisent environ 9% de l'eau douce consommée en EspagneEuronews

Des eaux usées "affinées" pour l'agriculture

L'Espagne est aussi l'une des championnes d'Europe dans la réutilisation des eaux usées, surtout pour l'agriculture, qui capte beaucoup de ressources.

Nous nous rendons dans l'Horta, une grande zone agricole proche du centre-ville de Valence qui fournit aux habitants, des produits frais. Sur place, on réutilise les eaux usées à des fins agricoles. À certains endroits, on recycle 100% des eaux usées.

Pour comprendre comment cela marche, direction la station de traitement de Carraixet. L'eau y est passée sous des rayons ultraviolets, puis offerte aux agriculteurs.

"C'est un traitement d'affinage," nous précise son directeur Daniel Gomez, "que nous apportons à l'eau qui sort du traitement secondaire : ce qui permet de lui donner davantage de qualité."

Nous lui demandons ce que pensent les agriculteurs de cette eau. "Ce sont eux, les premiers à avoir demandé cette eau, ils ont la garantie qu'ils seront toujours approvisionnés, qu'ils auront cette eau avec une qualité qui est particulièrement stable," indique-t-il.

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Daniel Gomez, directeur de la station de Carraixet, nous explique le "traitement d'affinage" des eaux uséesEuronews

Un immense potentiel en Europe

Il y a en Europe, un immense potentiel inexploité. De nouvelles règles européennes entreront en vigueur cet été pour encadrer et encourager cette pratique dans les stations d'épuration.

Celle de Carraixet, selon Juan Ángel Conca, directeur général de l'EPSAR (Entidad Pública de Saneamiento de Aguas Residuales de la Comunidad Valenciana), va bien au-delà. "C'est une usine de ressources : c'est une source d'eau propre pour l'agriculture et pour l'environnement, mais aussi de boues qu'on utilise pour faire des fertilisants dans l'agriculture et enfin, une source d'énergie car nous produisons du biogaz (du méthane) que nous utilisons dans nos propres installations," décrit-il.

Nous nous rendons chez un agriculteur pour voir où l'eau recyclée arrive. Celle-ci est mélangée à un cours d'eau et rejoint ensuite, les canaux d’irrigation traditionnels de la zone. Nous demandons à Enrique Aguilar quel est l'intérêt de cette eau pour lui.

"L'eau, c'est de l'eau, elle a toutes les qualités requises"

"Avant, il n'y avait pas l'eau de la station d'épuration et on se débrouillait, mais c'est vrai que ça serait dommage qu'on ne puisse pas utiliser cette eau, une fois traitée parce qu'on est dans une région où il n'y a pas tant d'eau que ça," fait-il remarquer. "Il faut se souvenir qu'on est au même niveau que la mer," poursuit-il. "Donc si on n'irriguait pas les terres comme ça, le sel entrerait et ce qui est aujourd'hui un potager fertile se transformerait en quelques années en un désert," met-il en garde.

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Enrique Aguilar, agriculteur, souligne les avantages de la réutilisation des eaux usées traitéesEuronews

Cette eau sert à arroser différents fruits et légumes et beaucoup de souchet (ou chufa), un tubercule typique de Valence, principal ingrédient de l'horchata, la boisson locale.

"Au début, les agriculteurs avaient des réticences, ils se demandaient si l'eau était bonne ou non, mais ça fait plus de 25 ans qu'on utilise cette eau et la conclusion est vraiment positive," assure Enrique Aguilar.

Quant à la chufa, a-t-elle le même goût avec l'eau recyclée ? "L'eau, c'est de l'eau, elle a toutes les qualités requises," dit l'agriculteur avant de lancer dans un sourire : "Cela fait de nombreuses années qu'on l'irrigue avec de l'eau recyclée et personne n'a jamais rien remarqué !"

Journaliste • Cyril Fourneris

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