L'océan Atlantique proche d'un "point de basculement" climatique aux conséquences catastrophiques

 Un bateau navigue de nuit à proximité de grands icebergs dans l'est du Groenland.
Un bateau navigue de nuit à proximité de grands icebergs dans l'est du Groenland. Tous droits réservés AP Photo/Felipe Dana, File
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Par Rosie Frost
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Cet article a été initialement publié en anglais

Cela aurait de graves répercussions sur le climat mondial, et l'Europe en subirait le plus gros des conséquences.

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Des scientifiques ont réussi à modéliser un point de basculement climatique qui plongerait de grandes parties de l'Europe dans le froid, et ce point pourrait être plus proche qu'on ne le pensait.

À l'aide d'un modèle climatique complexe, des chercheurs de l'université d'Utrecht, aux Pays-Bas, ont simulé l'effondrement d'un important courant de l'océan Atlantique qui amène actuellement des eaux chaudes vers le nord et maintient des températures douces en Europe.

Un arrêt brutal de ce courant modifierait les conditions météorologiques dans le monde entier, l'Europe subissant les conséquences les plus graves. La fonte des calottes glaciaires pourrait être à l'origine de cet effondrement, mais quand et quelle est la probabilité que cela se produise ?

Qu'est-ce que la circulation océanique atlantique ?

La circulation méridienne de retournement de l'Atlantique (AMOC) est un important système de courants océaniques. Elle transporte l'eau chaude, le carbone et les nutriments vers le nord via l'océan Atlantique, où l'eau se refroidit et s'enfonce dans les profondeurs.

L'AMOC contribue à distribuer l'énergie autour de la planète, en déplaçant la chaleur dans l'océan comme un tapis roulant et en régulant notre climat.

L'eau chaude - plus salée en raison de l'évaporation - circule vers le nord à la surface de l'océan, ce qui permet à l'Europe d'être plus douce qu'elle ne le serait autrement. Lorsque cette eau se refroidit, elle s'enfonce car sa salinité élevée augmente sa densité. Elle retourne ensuite dans l'hémisphère sud par le fond de l'océan.

Toutefois, des études portant sur des épisodes passés de refroidissement spectaculaire en Europe au cours des 100 000 dernières années suggèrent que la fonte des calottes glaciaires pourrait affaiblir l'AMOC en raison des changements de salinité et de température.

L'eau douce réduit la salinité - et donc la densité de l'eau - à la surface de l'océan. L'eau de surface s'enfonce donc moins, ce qui risque de ralentir le courant.

Nous dirigeons-nous vers un point de basculement catastrophique ?

Certaines recherches ont suggéré que le changement climatique pourrait ralentir le flux du courant. Une étude datant de 2023 et basée sur les températures de surface de la mer suggère qu'un effondrement complet pourrait se produire entre 2025 et 2095.

Il existe d'énormes incertitudes quant à la manière dont ce "point de basculement" pourrait se produire, au moment où il se produira, voire même s'il se produira, et il est difficile de modéliser ce scénario. La plupart des simulations informatiques antérieures montrant un effondrement impliquaient l'ajout de quantités énormes et irréalistes d'eau douce en une seule fois.

L'équipe néerlandaise a utilisé un superordinateur pour réaliser la modélisation la plus sophistiquée à ce jour afin de rechercher les signes avant-coureurs de ce point de basculement. Ils ont ajouté de l'eau progressivement, et ont constaté qu'un lent déclin pouvait finalement conduire à un effondrement soudain en moins de 100 ans.

Jusqu'à présent, le point de basculement de l'AMOC n'était qu'un "concept théorique", et les auteurs de l'article affirment que la vitesse à laquelle le basculement de ce courant vital s'est produit dans leur modélisation était "surprenante".

Gros icebergs près de la ville de Kulusuk, dans l'est du Groenland
Gros icebergs près de la ville de Kulusuk, dans l'est du GroenlandFelipe Dana/Copyright 2019 The AP. All rights reserved.

Mais les chercheurs ont dû effectuer la simulation pendant plus de 2 000 ans pour obtenir ce résultat et ont tout de même ajouté beaucoup plus d'eau que celle qui pénètre actuellement dans l'océan à la suite de la fonte de la calotte glaciaire du Groenland.

L'auteur principal de l'étude, René van Westen, explique qu'il n'y a pas assez de données pour se prononcer définitivement sur un éventuel effondrement de l'AMOC à l'avenir. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour établir un calendrier, notamment des modèles qui intègrent l'augmentation des niveaux de dioxyde de carbone et le réchauffement de la planète.

"Nous pouvons seulement dire que nous nous dirigeons vers le point de basculement et que le basculement de l'AMOC est possible".

Nous pouvons seulement dire que nous nous dirigeons vers le point de basculement et que le basculement de l'AMOC est possible.
René van Westen
Auteur principal de l'étude

Certains des changements observés dans le modèle avant l'effondrement correspondent toutefois aux changements observés dans l'océan Atlantique au cours des dernières décennies.

"Lorsque l'AMOC perd de sa stabilité, comme nous le savons d'après les reconstructions disponibles, il est plus probable que des transitions abruptes se produisent à l'avenir", ajoute René van Westen.

Quelles seraient les conséquences d'un effondrement du courant océanique pour l'Europe ?

Si l'AMOC s'effondre, des recherches antérieures ont montré que les impacts climatiques qui en résulteraient seraient presque irréversibles à l'échelle humaine. Il en résulterait de graves répercussions sur le climat mondial, dont l'Europe subirait le plus gros des conséquences.

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Dans certaines régions d'Europe, les températures pourraient chuter de 30 °C. En moyenne, le modèle montre un refroidissement de 10 °C à Londres et de 15 °C à Bergen.

Selon les auteurs du rapport, "aucune mesure d'adaptation réaliste ne peut faire face à des changements de température aussi rapides".

Les températures dans l'hémisphère sud augmenteraient et les saisons sèches et humides de la forêt amazonienne s'inverseraient.

René Van Westen indique également que les précipitations pourraient diminuer et que le niveau de la mer pourrait s'élever d'un mètre dans les zones côtières d'Europe.

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