"Quand y aura-t-il la paix en Afghanistan ? On ne sait pas"

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Par Euronews
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A Kaboul, Haroon, 25 ans, a une bonne nouvelle à annoncer par téléphone à un ami installé en France.

A Kaboul, Haroon, 25 ans, a une bonne nouvelle à annoncer par téléphone à un ami installé en France. Après une procédure entamée il y a un an, il vient d’obtenir un visa des autorités françaises alors qu’il a exercé comme traducteur pour l’Armée française pendant quatre ans en Afghanistan.

Lui aussi va pouvoir rejoindre la France : “Dès que j’arrive, je viens te voir, lance Haroon à son ami. Ou plutôt je te donne mon adresse et c’est toi qui viendra me voir, ce sera mon tour quand je connaîtrais un peu mieux le pays !” ajoute-t-il. “Oui, bien sûr !” lui répond son ami.

Haroon est en pleins préparatifs pour son départ prévu dans quelques jours. “Je n’oublie pas ces jours où on a travaillé avec les militaires : cela reste toujours dans notre tête, les souvenirs,” confie-t-il. Le jeune homme a connu l‘épreuve du feu un jour où il accompagnait un convoi qui ravitaillait l’une des bases françaises.

“Pendant un moment, raconte Haroon, j’ai pensé : ‘On est morts’ parce que les insurgés étaient sur un point caractéristique sur la montagne et on était en bas. C‘était très dangereux et j’ai eu un peu peur parce que tout le monde criait, poursuit-il. Heureusement on a riposté, on a continué, accéléré, avancé et l’Armée nationale est venue pour nous aider et après, cela s’est bien passé, sinon on aurait été tué,” assure-t-il.

Scenes from yesterday in #Kabul as ISIL bombers killed 80 at a peaceful Hazara protest https://t.co/mfN18IoRk3pic.twitter.com/F0TfkTXXyA

— Al Jazeera News (@AJENews) 24 juillet 2016

La protection de la France

Au départ des troupes françaises en 2014, la guerre ne s’est pas arrêtée. La rébellion des talibans continue et Haroon est aujourd’hui, considéré comme un traître. “Je suis fier parce qu’on a aidé les militaires français, c‘était ma responsabilité de travailler, d’aider, de coopérer avec les militaires français, avec l’OTAN, je suis fier, je ne regrette pas,” insiste-t-il.

Mais pour le jeune homme, le prix à payer, c’est la fuite. Avant le grand départ pour la France – il quittera alors l’Aghanistan pour la toute première fois -, il célèbre la fin du ramadan en famille. “Pour le prochain Aïd, je serai en France !” lance Haroon au milieu de ses proches. “C’est devenu trop dangereux pour notre cher Haroon de rester ici, explique Abdul Kabir, son oncle. On est content qu’il parte en France parce qu’il va pouvoir vivre dans un pays en paix, que Dieu veille sur toi !” lui dit-il.

“On n’a pas d’autre choix, notre vie est vraiment risquée ici, renchérit le jeune homme. Si un jour, il y a la paix en Afghanistan, on pourra revenir pour reconstruire le pays, mais quand cela va arriver, on ne sait pas,” déplore-t-il.

Des interprètes prisonniers de Kaboul

De l’autre côté de Kaboul, Najib lui n’a pas eu la même chance. Il travaillait pour Omid FM, radio “Espoir”, créée par l’Armée française à Kapisa, une province en proie aux violences. Menacé à plusieurs reprises par les talibans, il vit reclus avec sa femme et ses deux enfants dans la capitale afghane. Il se sent aujourd’hui prisonnier de Kaboul et tâche d‘être le plus discret possible dans ses déplacements.

“Ils nous disaient : “Vous êtes tous des infidèles et si on vous attrape et qu’on vous capture, on vous tue, soit en vous coupant la tête, soit en vous brûlant vifs,’ raconte Najib. Ils appelaient sur le numéro de téléphone de la radio et nous menaçaient en disant qu’ils connaissaient notre voix et nos visages, qu’ils savaient où nous chercher, qu’on ne leur échapperait pas.”

Najib est loin d‘être le seul dans ce cas. Sur les trois cents anciens interprètes qui ont sollicité l’Ambassade française l’an dernier pour obtenir une relocalisation en France, seule une centaine ont pu partir avec leur famille. Les autres ont été déboutés.

“L’armée française a abandonné une partie de ses hommes”

Najib retrouve ses amis – anciens interprètes pour les Français – dans une maison d’un quartier ultra-sécurisé de la capitale afghane. Eux aussi se disent menacés. Ils ont le sentiment d‘être victimes d’une injustice.

“On veut s‘élever contre ce refus, qu’on nous explique les raisons, quels étaient les critères, qu’est-ce que ceux qui sont partis avaient de plus que nous ? Ce n’est pas juste, estime Najib. On a participé aux missions, aux réunions de village, on était aux côtés des forces françaises et nous sommes clairement identifiés maintenant.”

Nassir, l’un de ses camarades, nous présente des photos : “Sur le site internet du Ministère français de la Défense, je suis là en photo, c’est indiqué que j‘étais dans la mission à Tagab et cela, poursuit-il, ce sont des lettres de félicitation de personnes importantes.”

Najib renchérit : “On a le sentiment que les forces françaises ont abandonné une partie de leurs hommes ici. Ils nous disaient que nous étions des membres à part entière de l’armée française, ce n’est pas juste qu’ils abandonnent une partie de leurs hommes ici,” répète-t-il.

En France, un collectif d’avocats a lancé une procédure de recours. Najib et ses ex-collègues espèrent que la situation évoluera en leur faveur et qu’ils obtiendront à leur tour, un visa.

La présence internationale, cela signifie du travail

En Afghanistan, ils sont nombreux à avoir soutenu la présence internationale autant militaire que civile. Cela représentait une manne financière dans l’un des pays les plus pauvres du monde.

Matiullah travaille à l’Institut français en tant que spécialiste en communication. “Pour vivre à Kaboul, vivre bien, avoir des revenus moyens, il faut avoir un bon emploi et un bon emploi avec un bon salaire, la plupart du temps, c’est auprès des étrangers et de la communauté internationale qu’on peut l’avoir,” indique-t-il.

Le jeune homme a failli mourir dans l’attaque suicide qui a fait deux morts et quinze blessés en décembre 2014.Pourtant, il ne veut pas perdre espoir. “Si vous pensez au fait qu’il y a eu une attaque aujourd’hui, qu’il y en aura une demain, alors vous devez quitter la ville ou le pays, dit-il. On ne peut pas le faire parce qu’il faut qu’on travaille pour notre pays : je pense qu’en tant qu’Afghan, je dois m’engager à continuer de travailler et être optimiste pour l’avenir,” affirme-t-il.

Malgré l’optimisme de Matiullah, le pays fait face à un regain de violences depuis que les forces internationales ont entamé leur retrait en 2014.

Quelques jours après notre rencontre avec le jeune homme, un attentat a fait plus de 80 morts et 230 blessés lors d’une manifestation pacifique à Kaboul. L’attaque a été revendiquée par le groupe Etat Islamique.

L’an dernier, plus de 11.000 civils ont été tués ou blessés en Afghanistan. La paix et la stabilité que devait ramener la coalition internationale présente dans le pays pendant treize ans semble être encore un objectif lointain.

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