Les "invisibles" du coronavirus

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Par Grégoire Lory
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Les prostituées en Belgique font face au difficile dilemme de la reprise leur activité tout en préservant leur santé et en respectant les règles sanitaires.

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Elles se considèrent comme les invisibles de la crise coronavirus. Depuis une semaine les prostituées en Belgique peuvent reprendre leur activité. Mais c'est une reprise qui se déroule dans la confusion administrative et sanitaire. 

Marie travaille dans le milieu depuis le début des années 90 et ne cache pas son inquiétude. "Le Covid me fait peur, oui, parce que c'est une maladie dont on ne sait pas grand chose. Surtout quand on va recommencer à travailler on va devoir expliquer aux clients qu'il faut mettre un masque, lui, nous, qu'il faut des gestes barrières. Est-ce que le client va accepter ça?", s’interroge-t-elle. La pandémie a révélé les inégalités dont sont victimes les travailleuses du sexe et le peu d’intérêt des autorités concernant leur sort, s’indigne Marie qui parle des "invisibles". 

Elle a totalement arrêté de travailler pendant le confinement. Grande fumeuse, Marie souffre d'une maladie chronique, elle fait donc partie des personnes à risque. Pour survivre elle a puisé dans son épargne prévue normalement pour sa retraite. Cette travailleuse du sexe se prépare à reprendre le travail dans les prochaines semaines. "Je vais quand même recommencer avec 9 000 euros de dette", précise-t-elle. "Le 1er du mois, rien que pour moi par exemple, il me faut 3 000 euros. Le 1er du mois! Avec ça j'ai toujours pas mangé une tartine, j'ai toujours pas fumé un paquet de cigarette" et la facture de téléphone n’est pas payée précise Marie. Elle rappelle que les prostituées ont généralement deux loyers à payer, leur logement privé et le lieu de travail, souvent insalubre. Il y a aussi deux factures d’électricité et deux factures de gaz.

Les associations sont mobilisées depuis plusieurs semaines pour apporter une aide d'urgence aux prostituées. "On a mis en place des distributions alimentaires spécifiques pour le quartier nord de Bruxelles qui touche environ 130 personnes par semaine. Nos partenaires associatifs ont aussi mis en place des espèces de distribution alimentaire pour répondre à un besoin basique de manger", explique Maxime Maes, coordinateur d'UTSOPI (Union des Travailleu(r)ses du Sexe Organisé.e.s Pour l'Indépendance). Il déplore le manque de lignes directrices de la part des autorités. Maxime Maes reçoit de nombreux appels de prostituées, de tenanciers de bars et de clients pour savoir si le secteur a repris.

Le gouvernement belge a validé un protocole sanitaire :

  • les travailleuses et les clients doivent porter un masque 
  • il est conseillé de se doucher avant la prestation 
  • interdiction de s’embrasser
  • les draps devraient être changés après chaque client
  • nettoyer certaines surfaces comme les poignées de porte

Parmi les 26 000 prostituées comptabilisées en Belgique certaines contestent ces mesures. Hot Marijke craint par exemple que le retour de la prostitution puisse entrainer de nouveaux foyers épidémiques. Cette travailleuse du sexe se dit prête à poursuivre en justice les autorités si elles ne font pas machine arrière. "Il faut interdire la prostitution jusqu'au 1er septembre au moins", explique-t-elle. Cette date correspond à la reprise des travailleuses du sexe aux Pays-Bas. Pour Hot Marijke la disparité de calendrier entre les deux pays pourrait entrainer un tourisme sexuel en direction de la Belgique.

Toutefois Hot Marijke peut se permettre cette prudence et temporiser car son travail est déclaré. Elle bénéficie du dispositif de chômage partiel mis en place par le gouvernement. Mais pour les autres prostituées travailler n'est plus un choix, c'est une question de survie.

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