Doutes et espoirs des athlètes de haut niveau face au coronavirus

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Par Rodrigo Barbosa
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Face à la pandémie de coronavirus, qu'ont en commun un kayakiste portugais, une triathlète française et un skieur-alpiniste italien en dehors de leur amour du sport ? La suspension de leur carrière, des entraînements adaptés et des inquiétudes financières.

La pratique d'un sport a plus que jamais montré son importance lors de cette période de pandémie et de confinement. Les appels de médecins à maintenir une activité physique chez soi grâce aux plateformes virtuelles notamment, puis en extérieur de manière limitée se sont multipliés afin de sensibiliser chacun au maintien de sa bonne santé physique et mentale. Les autorités françaises ont fait de même : "Cette crise sanitaire a permis de souligner l’importance de l’activité physique en matière de santé publique," a rappelé il y a quelques jours la ministre des Sports, Roxana Maracineanu.

L'accès au sport a également été remis en cause partout, notamment dans les quartiers défavorisés où la pratique et les compétitions dans différentes disciplines jouent un rôle social et où d'autres difficultés se sont accrues. Certains ont d'ailleurs bravé les interdictions de rassemblement.

Les sportifs confinés du coronavirus ont vu leurs habitudes chamboulées, mais dans le monde professionnel, les conséquences ont été d'une ampleur tout autre.

Phase d'adaptation

Comme tous les secteurs d'activité, l'industrie du sport qui pèse plus de 430 milliards d'euros à l'échelle mondiale a été fortement touchée par la pandémie de coronavirus. La grande majorité des athlètes de haut niveau ont été privés de compétitions et ont dû arrêter ou adapter leurs entraînements pour cause de confinement. Cette situation a poussé bon nombre d'entre eux à repenser leur carrière et redéfinir leur avenir et leurs objectifs professionnels.

Psychologue du sport à Paris, Makis Chamalidis, co-auteur du livre "Champion dans la tête", explique que "c'était un moment d'incertitude avec peu de visibilité, où le calendrier des entraînements et des compétitions a été chamboulé." Et il ajoute : "C'était une épreuve d'adaptation : on a vu qu'il y a des sportifs qui ont su s'adapter, s'organiser et d'autres qui ont perdu des repères et avaient un peu plus de mal à rester concentrés."

Les Jeux olympiques, un rêve qui s'éloigne

Détenteur de près de cent médailles internationales dont plusieurs titres de champion du monde et d'Europe, le kayakiste portugais Fernando Pimenta avait les yeux rivés sur les Jeux olympiques de Tokyo.

"Il est clair que le moment qui a été le pire pour moi, c'est quand il y avait toute cette indécision autour des JO," confie Fernando Pimenta. "Quand on ne savait pas s'ils allaient avoir lieu ou s'ils allaient être reportés et si oui, jusqu'à quand... À ce moment-là, c'est comme si on nous avait coupé l'herbe sous le pied," dit-il.

Comme tous les autres athlètes olympiques, il sait à présent qu'il devra attendre une autre année pour donner le meilleur de lui-même puisque les JO de Tokyo ont été reportés à l'été 2021 : il explique qu'il "tirera avantage de ce délai supplémentaire pour essayer de s'améliorer encore un peu si possible."

Un grand retour mis en attente

Jeanne Collonge affiche le calme serein qui caractérise les grands champions. Lauréate de plusieurs événements du circuit Ironman, cette triathlète française a aussi remporté en 2012 et 2013 l'Embrunman, l'un des triathlons longue distance les plus difficiles dans le monde (elle a d'ailleurs détenu le record de l’épreuve jusqu’à 2015). Elle a interrompu sa carrière en 2017 pour devenir mère. Elle a progressivement retrouvé son niveau et 2020 devait confirmer son grand retour.

Selon elle, cette crise est vécue par les athlètes de la même manière qu'une blessure : "Quand on est blessé, au début on nie un peu la chose, on est triste ou alors fâché et puis, il faut l'accepter et surtout tout faire pour s'adapter à cette nouvelle situation," souligne la triathlète qui dit également se sentir au meilleur de sa forme et juge frustrant de ne pas pouvoir s'exprimer sur une course.

S'adapter à une nouvelle réalité

Installé à Vermiglio dans les Dolomites, Davide Magnini a tout de l'athlète outdoor. Ce jeune Italien de 22 ans a déjà remporté plusieurs titres de champions du monde et d'Europe en ski-alpinisme. Il est aussi devenu une star montante du trail running après sa victoire dans le mythique marathon du Mont-Blanc et sa deuxième place sur la Golden Trail Series l'an dernier.

"Au début, c'était dur mentalement de s'entraîner tous les jours dans un garage, sur un tapis de course," affirme Davide Magnini avant d'ajouter : "Pour un athlète comme moi qui fait du sport en extérieur quelles que soient les conditions météo, c'était dur."

Même s'il vit dans un petit village de montagne, le jeune homme dit respecter scrupuleusement les restrictions imposées par les autorités italiennes en gardant à l'esprit le haut niveau d'infection dans le nord de l'Italie et en sachant que ses fans le considèrent comme un exemple.

Manque de médiatisation et inquiétudes financières

Les trois disciplines de haut niveau dans lesquelles évoluent Fernando Pimenta, Jeanne Collonge et Davide Magnini ne bénéficient pas de la médiatisation et de l'attention associées au football ou au tennis.

Dans leurs sports, les athlètes sont très dépendants des dotations qu'ils touchent en cas de victoire et des contrats de sponsoring. En l'absence de compétitions, les pertes de revenus s'accumulent pour eux tout comme pour les entreprises du secteur dont la moitié a déclaré avoir perdu entre 50 et 90% de leurs revenus.

"Il y a un moment où j'ai vu que de nombreuses entreprises n'allaient pas pouvoir tenir, qu'elles allaient devoir s'arrêter et j'ai pensé que peut-être ça allait être le cas des marques qui me soutiennent," indique Jeanne Collonge.

La triathlète travaille comme traductrice et fait des études pour devenir coach mental pour d'autres athlètes. Même si elle appartient à l'élite du sport, elle estime que "quand on fait du sport comme le triathlon ou d'autres sports moins médiatisés, c'est bien d'avoir d'autres cordes à son arc et de ne pas s'arrêter à cela. (…) Et je trouve aussi que, mentalement, c'est bien de se dire qu'on est capable de faire autre chose que du sport," fait-elle remarquer.

En tant que membre du Centre sportif de l’Armée italienne, Davide Magnini a bénéficié d'un soutien financier pendant cette crise, mais le magasin de sa famille spécialisée dans les articles de sport et d'alpinisme à Vermiglio a subi des pertes en ayant fermé pendant deux mois et demi pour cause de confinement.

Sortir plus forts de la pandémie

L'avenir des compétitions sportives reste incertain aux yeux de nombreux athlètes, mais à l'heure où les restrictions liées à la pandémie sont progressivement levées à travers l'Europe, les sportifs de haut niveau trouvent de plus en plus la force de s'adapter et d'envisager un futur post-COVID.

Fernando Pimenta pense qu'il "sortira plus fort de cette période" et estime qu'il pourrait avoir une chance de participer à des compétitions dès 2020.

Jeanne, de son côté, confie qu'en l'absence de courses, elle compte "améliorer ses points faibles et essayer de progresser, de devenir meilleure pour être prête pour 2021."

Enfin pour Davide, même s'il croit que cette pandémie changera "les relations entre les gens, les événements et les rassemblements", il est certain qu'"ellene modifiera pas la volonté et la passion des athlètes de faire ce qu'ils aiment le plus : participer à des courses et admirer la nature à 360 degrés."

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