L’UE défend la Lituanie et défie la Chine devant l’OMC

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Tous droits réservés FABRICE COFFRINI/AFP
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Par Shona MurrayEuronews
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Les 27 ont décidé de régler le différend entre Pékin et Vilnius devant l’Organisation mondiale du commerce. Les autorités chinoises sont accusées de limiter les importations en provenance du pays balte après l'ouverture d’un bureau de représentation taiwanais en Lituanie.

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L'Union européenne poursuit la Chine devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Les 27 dénoncent les mesures commerciales prises par Pékin contre la Lituanie, membre du l’UE.

Les 27 affirment que Pékin se livre à des "pratiques discriminatoires" à l'encontre de Vilnius. Les autorités chinoises refusent les importations en provenance de Lituanie et étendraient ces restrictions à certains produits venus d’Allemagne, de Suède et de Finlande si ces biens comprennent des composants fabriqués en Lituanie.

"Lancer une procédure devant l'OMC n'est pas une démarche que nous prenons à la légère. Toutefois, après l'échec de plusieurs tentatives de résolution bilatérale du problème, nous ne voyons pas d'autre solution que de demander des consultations de règlement des différends à l'OMC avec la Chine. L'UE est déterminée à agir d'une seule voix et à agir rapidement contre les mesures contraires aux règles de l'OMC, qui menacent l'intégrité de notre marché unique. Nous poursuivons parallèlement nos efforts diplomatiques pour désamorcer la situation", explique le vice-président de la Commission européenne Valdis Dombrovskis.

A l’origine des tensions

Taïwan a ouvert en novembre à Vilnius un bureau de représentation sous son propre nom. La création de cette ambassade qui ne dit pas son nom a provoqué la colère de la Chine qui a rappelé son ambassadeur sur place.

Selon certaines sources, l'Union européenne a rassemblé des "preuves solides" qui, selon elles, donnent aux 27 l'assurance de pouvoir obtenir gain de cause devant l'OMC.

Aurore Martignoni/EC - Audiovisual Service
Le vice-président de la Commission européenne annonce le lancement de la procédure devant l'OMCAurore Martignoni/EC - Audiovisual Service

Dans les grandes lignes l’UE doit prouver que le marquage généralisé des marchandises lituaniennes par les entreprises et l'administration douanière chinoises est imputable à la politique gouvernementale imposée par Pékin.

Les institutions européennnes ont soutenu Vilnius tout au long du litige. L’action menée devant l’OMC est d’ailleurs engagée avec le consentement unanime de tous les États membres. Pour les 27 il s’agit de montrer qu’il ne s’agit pas d’un problème entre la Chine et la Lituanie, mais d'un différend entre Pékin et le marché unique.

"Il est possible que d'autres pays soient exposés à l'avenir, il s'agit donc de défendre le marché européen et de savoir qui sera le prochain", explique une source européenne à Euronews.

"Nous constituons un dossier mais il s'agit probablement de la partie émergée de l'iceberg car les entreprises ne se manifesteront pas parce qu'elles ont encore l'espoir de faire des affaires à l'avenir et qu'elles craignent des représailles", précise une source européenne à Euronews.

Les conséquences pour les exportations européennes

Pour défendre son dossier, l’UE compte mettre en avant l'impossibilité pour les exportateurs lituaniens de traiter les marchandises au cours du processus administratif. Le problème le plus fréquemment signalé est d'ordre technique, avec l'apparition d'un message d’erreur.

De plus, les entreprises du pays balte disent qu'elles ne peuvent plus sélectionner "Lituanie" sur le site web des douanes. Ou alors elles ne peuvent plus insérer des informations si elles proviennent d'une société lituanienne.

Dans d'autres cas, les sociétés d'importation et d'exportation chinoises ont tout simplement annulé les commandes passées aux fournisseurs lituaniens.

L’UE et Vilnius ont tenté une approche bilatérale avec Pékin sur cette question. Mais la Chine nie l'existence d'une politique de représailles.

Les responsables chinois affirment à leurs homologues européens que les problèmes, bien qu'ils ne concernent que les produits lituaniens, sont liés à des "problèmes techniques".

Selon certaines sources, ils ont également admis que le problème découle d'une position politique, mais que la décision de boycotter la Lituanie est prise par les entreprises elles-mêmes, dans un acte de patriotisme et non à la suite d'une influence gouvernementale.

"C'est n’importe quoi", déclare l'ancien Directeur général de l'OMC Pascal Lamy

"C'est similaire à la décision prise avec l'Australie en 2020, lorsque l'Australie s'est montrée intransigeante sur la transparence concernant le virus du covid, et puis ils ont commencé la même chose : interdire le vin australien etc", explique le Français à Euronews.

"Il s'agit d'une mesure commerciale décidée par la Chine, mais il n'y a pas de raison commerciale pour le faire, c'est une arme politique du commerce", ajoute l’ancien responsable de l’OMC.

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"Si l'UE gagne le procès, ce qui sera probablement le cas, la Chine devra supprimer la mesure" ou l'UE pourra imposer des dispositions de rétorsion telles que des droits de douane, explique Pascal Lamy.

"La Chine fait partie des membres de l'OMC qui ont accepté de conserver le système ; l'OMC est très importante pour la Chine", précise-t-il.

L'ancien patron de l'OMC souligne qu'un État peut prendre certaines mesures commerciales pour des raisons de sécurité nationale, mais qu'il serait "exagéré" pour la Chine d'affirmer que la Lituanie constitue une menace pour elle. "Les Chinois ne marchent pas sur un terrain risqué", dit-il.

L’UE n'avait pas le choix

"Le système chinois est beaucoup plus étatiste, il est difficile de distinguer ce qui relève de l'État et ce qui relève de la politique privée", explique Holger Hestermeyer, professeur de droit international et de droit européen.

"Ils défendent fermement la politique de la Chine unique et ils sont contrariés à cet égard. Si les Chinois pensent que cela concerne la politique de la Chine unique, je pense qu'il est moins probable qu'ils se conforment à la décision de l'OMC. Cela montre également que le système multilatéral repose sur des bases fragiles", ajoute-t-il.

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Selon lui, les 27 n’avaient pas d'autre choix et devaient porter l’affaire devant l’OMC. De plus, l’UE ne peut pas laisser la Chine agir de la sorte "sans réagir, elle doit protéger ses membres."

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