Ce qu'il faut savoir du plan de réduction de la consommation de gaz de 15 % de l'UE

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, 2022
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, 2022 Tous droits réservés Union européenne via The Associated Press
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Par Euronews
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Ce plan pourrait instaurer un rationnement obligatoire dans l'ensemble de l'UE si la Russie interrompait totalement l'approvisionnement en gaz.

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Alors qu'elle s'attend au pire des scénarios pour l'hiver, l'Union européenne tente d'anticiper une éventuelle fermeture du robinet de gaz de la part de Moscou. 

Douze pays de l'UE sont déjà soumis à des interruptions partielles ou totales d'approvisionnement, faisant craindre un "black out" si le Kremlin décidait de riposter lourdement aux sanctions occidentales.

En ce sens, l'UE a présenté cette semaine un plan visant à faire baisser sa demande de gaz afin d'éviter les pénuries ou les pannes cet hiver. L'objectif est de réduire la consommation de 15% entre août et mars. Voici ce qu'il faut savoir à ce sujet.

Pourquoi un objectif de réduction de 15 % ?

Ce chiffre est fondé sur le scénario le plus pessimiste calculé par la Commission européenne, dans lequel la Russie interromprait totalement l'approvisionnement en gaz avant ou pendant un hiver exceptionnellement froid.

L'UE souffrirait alors d'une pénurie pouvant atteindre 45 milliards de mètres cubes de gaz, ce qui représente 15 % de la consommation moyenne des États membres entre août et mars.

Si le gaz est la première source de chauffage de l'UE, il est également utilisé pour la production d'électricité à des degrés divers.

La Commission fait valoir que si les États membres prennent des mesures préventives et commencent à économiser du gaz avant que la Russie ne ferme les robinets, les perturbations pourraient être gérées et le choc économique contenu.

Dans le cas d'un hiver normal, l'écart serait de 30 milliards de mètres cubes, et ne nécessiterait donc qu'une réduction de la consommation de 10 %.

La réduction de la consommation de gaz sera-t-elle imposée ?

Pour l'instant, la réduction de la consommation de gaz sera volontaire.

Chaque gouvernement s'engage - sur le papier - à atteindre l'objectif de 15 % d'ici la fin du mois de mars grâce à différentes méthodes : la limitation de la température de la climatisation et du chauffage, le passage à des combustibles de substitution et le report de la sortie du nucléaire.

Les entreprises, les usines, les bâtiments publics et les ménages seront tous invités à contribuer à cet effort collectif.

Cet appel au volontariat des États accorde une grande place à l'incertitude, mais l’imprévisibilité et la flambée du prix du gaz pourraient motiver les récalcitrants à économiser leur énergie.

Toutefois, en cas de pénurie grave ou de demande exceptionnellement élevée, l'objectif de réduction de 15 % deviendra obligatoire dans le cadre d'une procédure dite d'"alerte de l'Union", un régime de crise sans précédent qui pourrait entraîner des sacrifices douloureux.

Comment cette procédure d'alerte peut-elle être déclenchée ?

L'initiative de déclarer une alerte de l'Union peut être prise par la Commission elle-même ou par un groupe de cinq pays, qui doivent faire valoir leur impossibilité de compenser la chute des approvisionnements en gaz russe.

Le Conseil de l'UE pourra par la suite déclencher la procédure d'alerte par un vote à la majorité qualifiée, aucun veto ne pouvant être opposé.

Si le Conseil approuve cette mesure drastique, l'objectif de réduction de 15 % deviendra immédiatement obligatoire. Le calcul tiendra toutefois compte des efforts déjà réalisés volontairement par les États ayant joué le jeu, pour ne pas les pénaliser. Par exemple, si un pays a réussi à réduire sa consommation globale de gaz de 5 % à la fin du mois de novembre et qu'une alerte de l'Union est déclenchée au début du mois de décembre, il ne devra réduire sa consommation que de 10 % jusqu'en mars pour atteindre l'objectif global de 15 %.

Cette situation pourrait-elle conduire à un rationnement du gaz dans toute l'UE ?

Oui. Si des méthodes telles que l'alternative aux énergies fossiles et la limitation du chauffage ne suffisent pas à atteindre l'objectif, certains pays, comme ceux qui dépendent fortement de la Russie pourraient devoir recourir au rationnement du gaz.

Dans ce cas, les pouvoirs publics interviendront pour réglementer la distribution. L'Union européenne a convenu d'exclure les ménages et les services essentiels tels que les écoles et les hôpitaux de toute mesure de rationnement, de sorte que la charge incombera principalement au secteur privé.

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Les pays devront décider quelles usines et quels services seront autorisés à continuer de fonctionner. Les industries critiques telles que l'alimentation, la santé et la défense, seront une priorité absolue, suivies des services qui opèrent de manière transfrontalière et assurent le bon fonctionnement du marché unique.

Une attention particulière sera également accordée aux usines dont les installations peuvent être endommagées de façon permanente si elles cessent de fonctionner, comme le verre, l'acier, la céramique, le textile et les produits pharmaceutiques. Celles qui utilisent directement des molécules de gaz dans leurs processus de production, comme les engrais et l'industrie chimique seront aussi prises en compte.

Si ce scénario paraissait très lointain quelques semaines auparavant, il est devenu désormais probable. Preuve du sérieux de ces préoccupations, l'Allemagne a activé le mois dernier la deuxième phase de son plan d'urgence en trois étapes, prélude au rationnement, alors que les flux passant par Nord Stream 1 continuaient de diminuer à un rythme inquiétant.

Michael Sohn/Copyright 2021 The Associated Press. All rights reserved
De la fumée s'élève d'une cheminée d'une centrale de chauffage Vattenfall à Berlin, en Allemagne, mardi 4 mai 2021Michael Sohn/Copyright 2021 The Associated Press. All rights reserved

Y a-t-il des exemptions ?

Trois pays seront entièrement exemptés du système d'alerte de l'Union : l'Irlande, Malte et Chypre. Ces pays étant physiquement déconnectés de l'UE, les économies de gaz ne profiteraient pas aux autres États.

L'Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont également obtenu une exemption car, en raison de leur héritage soviétique, elles sont toujours reliées au réseau électrique russe et pourraient se retrouver sans gaz à tout moment. L'exemption n'entrera en vigueur que si la Russie exerce des représailles.

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Outre ces deux clauses d'exemption, l'accord final comprend une liste de dérogations qui pourraient permettre à certains États de faire des économies de consommation qui se situeraient sous la barre des 10%.

L'une des dérogations s'appliquera aux pays qui sont mal reliés aux autres États membres et qui exportent du gaz naturel liquéfié (GNL) au "maximum" de leurs capacités.

L'Espagne et le Portugal, qui se disputent depuis longtemps le paysage énergétique unique de la péninsule ibérique, ont fait pression pour ce changement et seront parmi les premiers bénéficiaires.

Une autre dérogation s'appliquera aux pays qui dépassent l'objectif de stockage de gaz à l'échelle de l'UE, qui a récemment été fixé à 80 % pour le 1er novembre. Cette mesure est considérée comme une "récompense" pour ceux qui s'efforcent de stocker le plus de gaz possible avant la saison hivernale.

D'après les dernières données, le Danemark, la Pologne, la Suède et le Portugal ont déjà dépassé ce seuil de 80 %.

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Les pays qui utilisent des molécules de gaz dans des industries critiques et ne peuvent les remplacer du jour au lendemain pourront également demander un sursis partiel. En principe, tout État membre pourrait bénéficier de cette disposition, mais les responsables européens affirment que son impact sera limité car seuls quelques secteurs industriels, notamment les engrais, utilisent le gaz comme matière première.

Par ailleurs, les États membres qui ont vu leur consommation de gaz augmenter de 8 % l'année dernière seront également partiellement épargnés, car l'objectif de réduction de 15 % est basé sur la consommation moyenne des cinq dernières années.

Les experts du groupe de réflexion Bruegel estiment que la Bulgarie, la Grèce, la Pologne et la Slovaquie entrent dans cette catégorie.

Tant d'exemptions ne vont-elles pas rendre le plan inutile ?

Cette longue liste d'exemptions et de dérogations jette de sérieux doutes sur l'efficacité du système d'alerte de l'Union.

Un haut fonctionnaire de l'UE, s'exprimant sous couvert d'anonymat, a admis que ces dérogations auront un impact sur l'économie de consommation de gaz.

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Néanmoins, une seule dérogation - celle concernant les pays insulaires - est automatique. Les autres dérogations devront être examinées au cas par cas par la Commission, qui émettra ensuite un avis assorti de commentaires.

Reste à savoir comment Bruxelles réagira si un État membre s'autorise à appliquer une dérogation qui n'est pas justifiée ou s'il refuse simplement de suivre l'objectif de baisse de 15%.

La Hongrie est le seul pays à avoir voté contre le plan, le qualifiant d'"injustifiable, inutile et irréalisable". Budapest avait précédemment déclaré l'état d'urgence, restreignant ses exportations énergétiques, une décision dont Bruxelles a averti qu'elle allait à l'encontre du principe de solidarité et des règles du marché unique.

Ces nouveaux défis prouvent à quel point l'énergie est devenue un sujet sensible pour les gouvernements, soumis à leurs opinions publiques, très sensibles aux hausses de prix. Les fonctionnaires européens sont convaincus que les pressions de groupe entre les États pourraient contribuer à faire respecter le plan d'économies et à prévenir les infractions.

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