Etat de l'Union: les leçons tirées du drame des céréales en mer Noire

The Panama-flagged cargo ship Lady Zehma anchors in the Marmara Sea in Istanbul
The Panama-flagged cargo ship Lady Zehma anchors in the Marmara Sea in Istanbul Tous droits réservés Khalil Hamra/Copyright 2022 The AP. All rights reserved.
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Par Stefan Grobe
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La Russie s'est retirée de l'accord permettant l'acheminement des céréales depuis l'Ukraine jusqu'aux marchés mondiaux. Cette décision a fait trembler l'UE pendant deux jours. La Russie a ensuite opérée un virage à 180 degrés.

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 L'invasion russe en Ukraine a soulevé plusieurs questions diplomatiques en Europe. Une d'entre elles est la situation dans les Balkans occidentaux, une zone de conflits de longue date et de dissensions régionales.

Cette semaine, une conférence à Berlin a réuni les dirigeants de 6 pays des Balkans occidentaux qui souhaitent rejoindre l'Union européenne. Dans la capitale allemande, ils ont signé une série d'accords de coopération destinés à les rapprocher de l'Union européenne. 

Nombre de ces six pays se plaignait depuis longtemps d'être assis dans la salle d'attente de l'UE depuis des années sans avoir de perspective claire d'adhésion.

On leur a maintenant dit que la guerre en Ukraine avait rendu la chose plus urgente et que, par conséquent, ils devaient enfin créer de véritables conditions pour une adhésion. D'après le chancelier allemand, Olaf Scholz,  "il est grand temps de régler les différends régionaux qui durent depuis trop longtemps et qui retardent les pays des Balkans sur leur chemin vers l'Europe. Le processus de normalisation entre la Serbie et le Kosovo doit absolument être accéléré".

La conférence de Berlin a été dépassée en importance par une autre crise diplomatique qui s'est transformée en tremblement de terre.

Après une attaque de drone contre ses forces navales en Crimée, la Russie a d'abord bloqué le corridor céréalier en mer Noire, par lequel les céréales et les graines vitales atteignent les marchés mondiaux. Pendant deux jours, le monde a craint une escalade de la crise alimentaire mondiale, qui toucherait surtout durement les pays les plus pauvres. Mais ensuite, après une médiation de la Turquie, Moscou a fait marche arrière. "La Turquie nous a informés des assurances données par l'Ukraine que les couloirs humanitaires ne seraient pas utilisés à des fins militaires. J'ai donc donné l'ordre au ministère de la Défense de reprendre notre pleine participation à cet accord", a affirmé Vladimir Poutine.

Le revirement cinglant de Moscou souligne l'incertitude qui entoure le fragile accord sur les céréales depuis sa signature. Car Poutine a également déclaré que la Russie se réservait le droit de quitter l'accord si l'Ukraine le violait à nouveau.

Pour l'UE, le drame des céréales a été un nouveau signe du manque chronique de fiabilité de la Russie. Qu'est-ce que cela signifie pour Bruxelles et l'UE ? Comment traiter avec le Kremlin?

Questions à Sven Biscop, politologue à l'université de Gand et directeur de recherche à l'Institut royal Egmont pour les relations internationales à Bruxelles.

Euronews: dans votre dernier essai, vous dites que l'UE, dans son indignation morale face à la guerre en Ukraine, a perdu de vue la stratégie. Cela signifie-t-il que la réponse de l'UE aurait dû être différente ?

Sven Biscop : "non, pas nécessairement. Mais je veux mettre en garde contre une attitude telle qu'on la trouve parfois à Bruxelles, à savoir la guerre jusqu'au bout, le soutien inconditionnel à l'Ukraine. La réalité est bien sûr que nous soutenons l'Ukraine parce qu'elle a le droit de son côté et qu'il est dans notre intérêt de la soutenir. Mais en même temps, il y a des choses qui ne sont pas dans notre intérêt. N'oublions donc pas qu'au final, la stratégie est basée sur un calcul rationnel des coûts et des bénéfices."

Euronews: vous dites également que l'Ukraine, au lieu d'être un pont vers la Russie, est devenue un état tampon. Qu'est-ce que cela signifie pour la perspective de l'Ukraine d'adhérer un jour à l'UE ?

Sven Biscop : "on peut argumenter que la Russie, avec son invasion de l'Ukraine, a rendu l'idée d'un État tampon intenable et qu'au final, l'Ukraine doit devenir un membre à part entière de l'Occident, de l'UE et de l'OTAN. Mais comme nous ne voulons pas entrer directement en guerre contre la Russie, nous ne défendrons pas directement le territoire ukrainien. Cela signifie donc que nous ne pouvons pas proposer à l'Ukraine d'adhérer à l'UE et à l'OTAN tant que la Russie occupe illégalement des parties de son territoire._Mon inquiétude est donc que jusqu'à la victoire finale de l'Ukraine et la libération de tous ses territoires - ce que je ne crois malheureusement pas très probable - l'Ukraine restera un Etat tampon pendant encore longtemps."_

Euronews: quelle que soit l'issue de la guerre, la Russie restera toujours la Russie et elle ne disparaîtra pas. Cela soulève la question de savoir à quoi ressembleront les relations russo-européennes à l'avenir ?

Sven Biscop : "beaucoup dépendra bien sûr de l'issue de la guerre et de l'existence ou non d'un accord de paix mutuellement accepté entre l'Ukraine et la Russie. Mais je crains qu'un tel accord soit actuellement très improbable. Il est plutôt probable que cela se termine par une impasse militaire dans laquelle les deux parties se battent jusqu'à l'épuisement, du moins temporairement.Le front se calmera et nous aurons une autre guerre et un autre conflit gelés qui pourraient durer des années. Et cela signifie que nos relations avec la Russie seront également gelées pendant des années."

Journaliste • Laura Vandormael

Video editor • Vassilis Glynos

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