Josep Borrell exhorte les 27 à réorienter les exportations d'armes vers l'Ukraine

Josep Borrell, responsable de la politique étrangère de l'UE, a rencontré son homologue polonais à Varsovie.
Josep Borrell, responsable de la politique étrangère de l'UE, a rencontré son homologue polonais à Varsovie. Tous droits réservés European Union, 2024.
Tous droits réservés European Union, 2024.
Par Jorge Liboreiro
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
Copier/coller le lien embed de la vidéo de l'article :Copy to clipboardLien copié
Cet article a été initialement publié en anglais

Les États membres devraient temporairement suspendre les exportations d'armes vers des pays autres que l'Ukraine, a déclaré lundi Josep Borrell demandant aux gouvernements de prendre une "décision politique" et d'augmenter les livraisons de munitions.

PUBLICITÉ

Suspendre et réorienter les exportations européennes d’armes pour fournir l’Ukraine. C’est l’appel lancé lundi à Varsovie par le chef de la diplomatie de l’UE. "Nous devons soutenir l'Ukraine non seulement le temps qu'il faudra, mais aussi tout ce qu'il faudra. Ce n'est pas seulement une question de temps, c'est une question de quantité et de qualité de nos fournitures", insiste Josep Borrell.

"Il est certain que nous devons faire plus et plus vite, car l'Ukraine doit l'emporter".

L'Union européenne a approuvé en mars dernier un plan de 2 milliards d'euros pour augmenter les livraisons de munitions à Kyiv. Les 27 se sont alors engagés à fournir un million d'obus de 155 mm dans les 12 mois afin d'aider le pays dans la guerre lancée par l’invasion russe.

Mais à la fin de l'année 2023, l'UE n'avait fourni que 330 000 obus, malgré les demandes répétées par les autorités ukrainiennes.

La lenteur des livraisons a d'abord été imputée aux goulets d'étranglement industriels, aux perturbations de la chaîne d'approvisionnement et à la faiblesse des investissements, conséquence directe des années de paix dont l'Europe a bénéficié après la fin de la guerre froide.

Toutefois, selon Josep Borrell, la capacité industrielle n'est plus un obstacle. Ce qui entrave les livraisons à l'Ukraine, c'est le fait que les entreprises européennes exportent des armes à des clients qui ne sont pas en guerre.

"Une partie importante de notre production est exportée vers des pays tiers", explique le Haut représentant de l’UE, sans nommer les destinataires.

"Le moyen le plus rapide, le moins cher et le plus efficace d'augmenter notre approvisionnement en munitions pour l'Ukraine est de cesser d'exporter vers des pays tiers. Et c'est quelque chose que seuls les Etats membres peuvent faire, et c'est ce que j'ai demandé".

Le responsable espagnol indique que, outre les 520 000 obus d'artillerie qui devraient être fournis d'ici mars, des entreprises européennes vendaient également des armes à l'Ukraine "sur une base commerciale" et en "grand nombre", bien qu'il n'ait pas fourni de chiffres pour des "raisons de sécurité".

"Ne croyez pas qu'il n'y a que des dons. Notre industrie produit pour faire des dons et produit pour vendre, et produit pour vendre à d'autres", indique Josep Borrell.

"Le meilleur moyen de vendre davantage à l'Ukraine, ou de faire davantage de dons à l'Ukraine, est donc d'essayer de dire aux autres (clients) : attendez s'il vous plaît, vous n'êtes pas en guerre, vous pouvez attendre quelques mois, et de réorienter cette production vers l'Ukraine", poursuit-il.

"C'est une décision politique que les États membres doivent prendre".

Le contrôle des exportations est une compétence qui reste strictement entre les mains des gouvernements. Ce n'est qu'en cas de sanctions que la Commission peut imposer des règles uniformes. Autrement, les pays membres sont libres d'autoriser, ou d'interdire,  à leurs entreprises nationales d'exporter des produits sensibles en dehors de l'Union.

Selon une précédente estimation de la Commission européenne, 11 États membres abritent des usines capables de produire des obus de 155 mm : la Bulgarie, la Croatie, la République tchèque, la France, l’Allemagne, la Grèce, l’Italie, la Pologne, la Slovaquie, l’Espagne et la Suède.

Il est difficile de savoir combien de ces pays répondront à l'appel de Josep Borrell, étant donné les revenus considérables que l'industrie de la défense peut engranger sur les marchés mondiaux.

"Je soutiens totalement la proposition de M. Borrell", assure Radosław Sikorski, ministre polonais des Affaires étrangères, lors de cette visite. "L'Ukraine est toujours dépassée par les Russes sur le front et nous devons contribuer à rétablir l'équilibre", constate le chef de la diplomatie polonaise.

L'augmentation des fournitures militaires à l'Ukraine est devenue une priorité urgente à Bruxelles face à l'impasse politique à Washington, où le président Joe Biden appelle les républicains à débloquer l'aide pour Kyiv.

Josep Borrell a présenté l’année dernière un plan de 20 milliards d'euros pour fournir à l'Ukraine un soutien militaire "durable et prévisible", mais ce projet rencontre des difficultés. Plus récemment, il a proposé d'augmenter de 5 milliards d'euros dans le cadre de la Facilité européenne pour la paix, le système hors budget de l’UE qui compense partiellement les États membres pour les armes qu'ils ont données. Cette idée fait l'objet d'intenses négociations qui devraient aboutir dans les semaines à venir.

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Destruction d'un navire russe en mer Noire : le président ukrainien décore des officiers

Le pape François participera pour la première fois au G7 en juin prochain

Des milliers d'Espagnols manifestent pour Pedro Sanchez empêtré dans un scandale de corruption