NewsletterNewslettersEventsÉvènementsPodcasts
Loader
Suivez-nous
PUBLICITÉ

Quel sera le rôle du nouveau commissaire européen à la Défense ?

Ursula von der Leyen rencontre Volodymyr Zelenskyy (Ukraine) à Kiev, 2022
Ursula von der Leyen rencontre Volodymyr Zelenskyy (Ukraine) à Kiev, 2022 Tous droits réservés AP Photo
Tous droits réservés AP Photo
Par Paula SolerJack Schickler
Publié le
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
Cet article a été initialement publié en anglais

La personne qu'Ursula von der Leyen nommera à ce nouveau poste devra unir et renforcer un secteur très fragmenté.

PUBLICITÉ

Dans le cadre de son second mandat à la tête de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a promis de créer un poste de commissaire à la Défense.

Celui-ci aura la lourde tâche d'unifier un secteur dont la croissance est depuis longtemps morcelée et hésitante.

Les projets d'unification des règles du marché unique se heurtent toujours à l'opposition des pays qui y perdraient, particulièrement dans ce secteur sensible et encore largement national.

Pourtant, nombreux sont ceux qui affirment que c'est le seul moyen de développer l'industrie naissante de l'UE et d'assurer la sécurité de l'Union, alors que la menace de la Russie plane toujours sur l'Europe et que le soutien des États-Unis risque de s'affaiblir.

De nombreux responsables politiques admettent aujourd'hui que l'Europe, longtemps habituée à limiter ses dépenses militaires, doit désormais redoubler d'efforts dans le cadre de la guerre en Ukraine.

La production européenne n'est pas suffisante pour répondre à la demande

Entre 1999 et 2021, les dépenses de défense combinées de l'Union européenne ont augmenté de 20 %, alors que celles de la Russie ont progressé de 300 % et celles de la Chine de 600 %, a déclaré Ursula von der Leyen dans un communiqué publié le 18 juillet.

Mais l'industrie européenne n'est même pas capable de répondre à cette faible demande : la plupart des acquisitions des États membres en matière de défense se font toujours en dehors de l'Europe.

Le marché mondial est dominé par les entreprises américaines. En Europe, le leader est le britannique BAE systems, dont le chiffre d'affaires dans le domaine de la défense est près de deux fois supérieur à celui de son plus proche rival dans l'UE, l'italien Leonardo.

Dans un article publié en mars pour la Fondation Carnegie pour la paix internationale, l'analyste Sophia Besch estime que les secteurs des munitions et de la surveillance sont encore trop peu développés dans l'UE.

Les politiques visant à remédier à cette situation sont complexes

Alors que le rôle de l'UE est d'unifier les marchés nationaux, la politique militaire reste jalousement gardée par les capitales. Le système de veto des États membres permet également à des sceptiques comme la Hongrie de bloquer les décisions de Bruxelles en matière de défense, y compris le soutien à l'Ukraine.

Tout cela place l'UE en mauvaise posture, malgré quelques coopérations et fusions, explique à Euronews Dylan Macchiarini Crosson du Centre for European Policy Studies.

"La base industrielle de défense de l'UE est incroyablement fragmentée à l'heure actuelle", déclare le chercheur du groupe de réflexion basé à Bruxelles. "Dans l'ensemble, les entreprises européennes répondent toujours aux besoins d'un seul client national - leur ministère de la Défense".

Son analyse est partagée par les responsables politiques à Bruxelles.

"Il n'y a pas assez de financement, pas assez de planification coordonnée et pas de véritable marché unique pour les industries de défense", affirme l'eurodéputée Nathalie Loiseau (France/Renouveau Europe). "Nous ne pouvons pas continuer dans l'état actuel des choses".

Une mission d'envergure

Régler ces problèmes sera la tâche délicate du nouveau commissaire d'Ursula von der Leyen.

PUBLICITÉ

L'une des options consisterait à puiser dans le budget de l'UE, qui s'élève à environ 170 milliards d'euros par an et que la présidente de la Commission européenne a promis de remanier pour le rendre plus ciblé et plus efficace.

Dans une stratégie dévoilée en mars, la Commission s'est déjà engagée à mobiliser des investissements dans le secteur de la défense à hauteur de 1,5 milliard d'euros sur trois ans, un chiffre que l'industrie considère insuffisant.

"Les augmentations budgétaires que nous voyons actuellement n'atteignent pas le niveau nécessaire pour garantir que l'Europe puisse se défendre, étant donné le temps nécessaire pour combler les énormes lacunes en matière de capacités", déclare Burkard Schmitt d'ASD Europe à Euronews.

"L'industrie a besoin d'une meilleure planification et un financement accru", ajoute le directeur du groupe de pression responsable des secteurs de la défense et de la sécurité.

PUBLICITÉ

"Pour être plus efficace et réduire les coûts, je pense qu'il serait important que les États membres européens alignent et synchronisent leurs besoins", ajoute-t-il. "Il y a encore un manque de clarté, de visibilité et de fiabilité pour l'avenir".

Obus et obusiers

En Europe, les normes existantes sont souvent ignorées, explique Dylan Macchiarini Crosson. Cela signifie, par exemple, que l'Ukraine pourrait recevoir du matériel qui n'est pas prêt à l'emploi, avec des obus qui ne fonctionnent pas correctement avec les obusiers.

"L'UE devrait continuer à utiliser son pouvoir réglementaire pour jouer un rôle dans ce domaine", ajoute l'expert.

Pourtant, même cela pourrait s'avérer délicat, d'après Sascha Ostanina, chargée de mission au Centre Jacques Delors.

PUBLICITÉ

"Les principaux producteurs de matériel de défense en Europe - l'Allemagne, la France et l'Italie - accueilleraient favorablement une augmentation des commandes", déclare-t-elle. "Toutefois, ce déséquilibre de production désavantagerait les autres États membres".

Même les subventions de Bruxelles ne parviennent pas toujours à persuader les gouvernements nationaux réticents de se regrouper à 27, affirme-t-elle.

Dans de nombreux cas, "les États membres de l'UE préfèrent entreprendre leurs projets de défense de manière bilatérale ou trilatérale afin d'éviter le fardeau supplémentaire de la coordination de l'UE", ajoute Sascha Ostanina.

Acheter européen ?

Un défi politique majeur pour le nouveau commissaire à la Défense sera de déterminer dans quelle mesure les besoins de l'UE doivent être satisfaits par des sources nationales.

PUBLICITÉ

La récente stratégie de l'UE suggère que 35 % des dépenses de défense soient réalisées au sein de l'Union d'ici à 2030 - un chiffre relativement modeste, mais qui représente tout de même une augmentation significative par rapport aux 22 % observés juste après l'invasion russe.

L'Europe a des raisons évidentes de vouloir renforcer sa propre industrie, en particulier le risque d'une deuxième administration Trump aux États-Unis, qui pourrait affaiblir l'engagement américain envers l'OTAN.

"Les Européens ont pu s'appuyer sur les systèmes d'armement américains au lendemain de l'invasion de la Russie, mais il serait imprudent d'utiliser à nouveau cette béquille", avance Dylan Macchiarini Crosson.

Les contribuables sont également plus enclins à soutenir les dépenses qui soutiennent les emplois européens, notent de nombreux observateurs.

PUBLICITÉ

"Dans un monde où les grands acteurs favorisent leurs propres industries de défense, nous devrions cesser d'être naïfs et construire une préférence européenne", déclare Nathalie Loiseau.

"Nous devons imaginer des coalitions ad hoc de personnes capables et désireuses d'accroître et de renforcer la défense européenne", ajoute-t-elle. "Ces coalitions devraient inclure des pays comme le Royaume-Uni et la Norvège".

Selon Burkard Schmitt, le nouveau commissaire européen à la Défense devra faire preuve de patience :"Après des décennies de sous-investissement et de réduction des capacités de production, cet ajustement ne peut se faire du jour au lendemain".

"Il serait judicieux de procéder à une évaluation minutieuse afin de déterminer les capacités pour lesquelles nous pouvons accepter de dépendre de sources non européennes et celles pour lesquelles il est préférable de s'appuyer sur les producteurs européens", conclut-il.

PUBLICITÉ
Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Ursula Von der Leyen : "La protection de l'Europe est avant tout le devoir de l'Europe"

Qui fera partie de la prochaine Commission européenne ?

Berlin et Londres veulent resserrer leurs liens en matière de défense