L'accessibilité des plages progresse mais les obstacles persistent. Rencontrez les acteurs qui œuvrent à rendre les plages européennes accessibles à tous.
PUBLICITÉ"Quand j'étais petite, j'allais tous les jours à la plage", se souvient Brigitte Berckmans. Ayant grandi dans les Landes, dans le sud-ouest de la France, sur la côte atlantique, ses parents la portaient jusqu'à la plage en raison de son handicap. En grandissant, la baignade dans son océan bien-aimé devient moins accessible.
Son mari, Ramón Espi, qui avait l'habitude de passer tous ses étés à la plage, est en fauteuil roulant suite à un accident de la route.
Tous deux se sont rencontrés pour la première fois à la plage. "En habitant la côte basque, on voyait tout le monde aller à la plage et nous on ne pouvait pas y aller. Donc le déclic, ça a été ça", raconte Ramón Espi. Ils lancent leur association Handiplage à Bayonne en 2002 pour lutter pour l'intégration des personnes handicapées et l'accessibilité des plages.
"Il y a des milliers de personnes handicapées qui vont à la plage tous les étés et qui côtoient des personnes valides. Et cela permet une intégration plus facile des personnes handicapées grâce à la plage et aux loisirs", affirme Ramón Espi.
Selon Eurostat, plus d'un quart (27%) de la population de l'UE âgée de 16 ans et plus présentait une forme de handicap en 2022.
L'association délivre notamment un label évolutif valable cinq ans aux municipalités selon des critères d'accessibilité et de sécurité des plages.
Le premier niveau requiert un accès à la plage par une rampe d'accès, des sanitaires adaptés, des places de parking et un engin amphibien tel qu'un tiralo pour permettre la baignade.
Pour accéder au niveau 2, des "handiplagistes" ou des guides de baignade formés doivent être présents pour aider les personnes en situation de handicap à entrer et à sortir de la mer.
Le niveau le plus élevé récompense les plages équipées de dispositifs destinés aux personnes déficientes visuelles.
Au total, 140 plages ont reçu le label Handiplage en France en 2024.
En raison de leur relief ou des marées, certaines plages sont plus difficilement aménagées que d'autres.
"Nous avons eu beaucoup de mal à ouvrir des plages sur la côte landaise à cause de la dune", explique Ramón Espi.
"On pensait qu'en Bretagne les plages étaient inaccessibles, mais vous voyez, quand on veut, quand on veut (...)Il y a toujours des solutions", ajoute-t-il.
Sur certaines plages, l'accès n'est également possible qu'à marée basse.
Au contraire, les plages de la Côte d'Azur ont été plus facilement aménagées en raison de la quasi absence de vagues et de marée.
PUBLICITÉLes difficultés administratives sont des obstacles supplémentaires. "Il faut tomber sur le bon interlocuteur. Le maire change théoriquement tous les cinq ans. Et en général le conseiller à l'accessibilité change aussi avec l'équipe", explique Brigitte Berckmans.
L'association doit donc garder un œil sur les plages pour s'assurer que les municipalités maintiennent les aménagements une fois le label reçu.
Grèce, Italie, Chypre
Tobea, une entreprise grecque qui conçoit et fabrique des appareils spécifiques pour les personnes en situation de handicap, rend les plages plus accessibles en installant des chaises de bain Seatrac, gratuites pour l'usager.
"Seatrac est un dispositif qui relie le rivage à l'eau", explique Persefoni Bertzou, responsable marketing de Tobea.
PUBLICITÉGrâce à une passerelle, les personnes en situation de handicap peuvent accéder au Seatrac avec leur fauteuil roulant sur la plage. Après avoir embarqué sur le fauteuil de bain Seatrac, elles peuvent accéder à la mer et en sortir par une rampe automatisée, de manière autonome, à l'aide d'une télécommande.
"Seatrac est une innovation car c'est le seul dispositif permettant à une personne paraplégique, par exemple, d'aller nager toute seule", affirme Persefoni Bertzou.
Depuis 2012, l'entreprise a installé 250 Seatracs sur différentes plages, notamment en Grèce, en Italie, à Chypre, en Croatie, en Lituanie et en Lettonie. En 2023, 400 000 personnes avaient utilisé un Seatrac, selon Tobea.
L'installation de base comprend des places de parking, une passerelle, un Seatrac pour entrer et sortir de l'eau, et un vestiaire.
PUBLICITÉSuite aux retours des utilisateurs, certaines améliorations ont été apportées. Des douches ont été installées pour ne pas endommager les fauteuils roulants avec l'eau de mer. Les usagers ont également demandé de l'ombre et un moyen pour voir les conditions à la plage avant de s'y rendre pour éviter les vagues et la foule. Une caméra a donc été installée sur la rampe afin d'avoir une vue en direct de la plage. Mais pour être conforme au règlement général sur la protection des données (RGPD), un système permet de flouter les visages des passants.
"Il y a tellement de besoins et de demandes différents", explique Persefoni Bertzou. Ce que nous avons appris jusqu'à présent, c'est que si vous voulez avoir quelque chose et dire que c'est accessible, vous avez besoin de l'opinion et de la connaissance des personnes qui l'utilisent".
En Grèce, les principaux clients sont les municipalités, car les plages sont publiques. En Italie, leurs clients comprennent également des exploitants qui louent des parties de la plage aux municipalités.
"Le seul problème est que nous devons faire face à des procédures bureaucratiques différentes en raison de lois et de législations différentes dans chaque pays", explique la responsable marketing de Tobea.
PUBLICITÉLa Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (UNCRPD), entrée en vigueur en 2008, exige que les personnes en situation de handicap bénéficient d'un égal accès à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et au sport (article 30).
La stratégie européenne 2010-20 en faveur des personnes handicapées, adoptée en 2010, vise notamment à rendre les biens et les services accessibles aux personnes handicapées, à supprimer les obstacles à l'égalité de participation à la vie publique et aux activités de loisirs et à promouvoir la fourniture de services de proximité de qualité.
Aussi, les personnes à mobilité réduite ne devraient pas payer la facture, selon la responsable de Tobea.
"Les Seatracs doivent être gratuits pour l'utilisateur, car il s'agit de droits, celui d'utiliser la mer, de nager".
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