Selon les autorités du pays, au moins 43 personnes ont été hospitalisées lors d'affrontements de plus en plus violents entre la police et les manifestants, et plus de 200 arrêtées, alors que la présidente Salomé Zourabichvili affirme qu'elle ne quittera pas le pouvoir à la fin de son mandat.
Les manifestations se sont poursuivies pour la quatrième nuit consécutive en Géorgie, suite à la décision du gouvernement de suspendre les négociations d'adhésion à l'Union européenne.
Selon les autorités géorgiennes, au moins 43 personnes ont été hospitalisées lors de ces protestations de plus en plus violentes.
Le ministère géorgien de l'Intérieur a annoncé lundi que 224 manifestants avaient été arrêtés pour des motifs administratifs et trois pour des motifs criminels. Jusqu'à présent, 113 policiers ont dû recevoir des soins médicaux et trois autres ont été hospitalisés.
La Coalition pour le changement, le plus grand parti d’opposition du pays, a déclaré dans un message sur X que Zourab Djaparidze, l’un de ses dirigeants, avait été arrêté par la police tôt lundi alors qu’il quittait la manifestation.
Des images ont montré Djaparidze placé dans un véhicule banalisé par des policiers masqués. On ignore s’il sera inculpé d’une quelconque infraction.
Des dizaines de milliers de manifestants, rassemblés pour la plupart devant le Parlement à Tbilissi, la capitale, ont lancé des pierres et des feux d'artifice sur des escouades de policiers.
Les policiers ont utilisé des canons à eau, des gaz lacrymogènes et des sprays au poivre pour tenter de disperser la foule.
Le Premier ministre Irakli Kobakhidze a averti que "toute infraction sera sanctionnée avec toute la rigueur de la loi".
"Les hommes politiques qui se cachent dans leurs bureaux et exposent les membres de leurs groupes violents à des sanctions sévères n'échapperont pas non plus à leur responsabilité", a-t-il déclaré lors d'une réunion d'information dimanche.
Il a toutefois insisté sur le fait que l'intégration européenne de la Géorgie n'avait pas été annulée.
"La seule chose que nous avons rejetée est le chantage honteux et offensant, qui était un obstacle important à l'intégration européenne de notre pays", déclare-t-il.
Des élections législatives contestées
Les troubles ont commencé il y a quatre jours, lorsque le gouvernement, dirigé par le parti populiste Rêve géorgien, a annoncé qu'il suspendait les négociations d'adhésion à l'Union européenne jusqu'en 2028 au moins.
Cette annonce faisait suite à une résolution du Parlement européen mettant en doute la légitimité des élections législatives du 26 octobre, qui ont vu la réélection du parti Rêve géorgien.
Selon la résolution, ces élections représentaient une nouvelle manifestation du recul démocratique continu de la Géorgie "dont le parti au pouvoir, Rêve géorgien, est entièrement responsable".
Les observateurs internationaux affirment avoir constaté des cas de violence, de corruption et de double vote lors du scrutin, ce qui a incité certains législateurs de l'UE à exiger une nouvelle élection.
Dimanche, Kaja Kallas, nouvelle responsable de la politique étrangère de l'UE, et Marta Kos, commissaire chargée de l'Élargissement, ont publié une déclaration commune sur la décision de suspendre les négociations d'adhésion.
"Nous notons que cette annonce marque un changement par rapport aux politiques de tous les gouvernements géorgiens précédents et aux aspirations européennes de la grande majorité du peuple géorgien, telles qu'elles sont inscrites dans la Constitution de la Géorgie", peut-on lire dans la déclaration.
L'UE a accordé à la Géorgie le statut de candidat en décembre 2023 à condition qu'elle respecte les recommandations de l'Union, mais Bruxelles a suspendu ce processus au début de l'année après l'adoption d'une loi controversée sur "l'influence étrangère", largement considérée comme un coup porté aux libertés démocratiques.
Les critiques ont également accusé le Rêve géorgien de devenir de plus en plus autoritaire et de s'orienter vers Moscou. Le parti a récemment fait adopter des lois similaires à celles utilisées par le Kremlin pour réprimer la liberté d'expression et les droits des personnes LGBTQ+.
Par ailleurs, Irakli Kobakhidze a déclaré que la présidente Salomé Zourabivhili devait quitter son poste à la fin de son mandat, plus tard dans le mois.
La cheffe d'État pro-UE a cependant promis de rester en poste pour soutenir les manifestants et affirme que le gouvernement "illégitime" n'a pas le pouvoir de choisir son successeur.
Dans une interview accordée à Euronews, Salomé Zourabichvili a déclaré que l'ampleur des manifestations en Géorgie était sans précédent, principalement parce qu'elles se sont étendues au-delà du centre politique, Tbilissi.
"Chaque jour, il y a plus de gens dans les rues. Et plus important encore, une véritable dissidence se développe dans le pays. Dans les institutions de l'État, les gens démissionnent, protestent ou signent des pétitions", déclare-t-elle.
"Nous sommes confrontés à quelque chose de très nouveau qui se produit également sur le plan géopolitique : la Russie, qui n'a pas gagné facilement en Ukraine au cours des deux dernières années et demie, essaie maintenant de combattre l'Union européenne avec une guerre électorale".
"Ils ont mené cette guerre électorale en Géorgie et nous la combattons par des moyens constitutionnels", ajoute-t-elle, en réponse aux allégations d'ingérence russe dans les récentes élections législatives.
"Ils mènent la même guerre électorale en Roumanie. Et ils l'ont fait en Moldavie. Il s'agit donc d'une stratégie de la Russie", conclut Salomé Zourabichvili.