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Exclusif : la Commission européenne s'apprête à proposer des "centres de retour" pour les migrants

Des migrants montent à bord d'un navire des garde-côtes italiens dans le cadre d'une opération de transfert des centres de traitement des demandes d'asile en Albanie vers l'Italie, à la suite d'une décision de justice à Rome.
Des migrants montent à bord d'un navire des garde-côtes italiens dans le cadre d'une opération de transfert des centres de traitement des demandes d'asile en Albanie vers l'Italie, à la suite d'une décision de justice à Rome. Tous droits réservés  Vlasov Sulaj/Copyright 2025 The AP. All rights reserved.
Tous droits réservés Vlasov Sulaj/Copyright 2025 The AP. All rights reserved.
Par Eleonora Vasques & Vincenzo Genovese
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La Commission européenne réfléchit à une nouvelle législation européenne sur le retour des migrants, alors que de nombreux pays insistent sur la nécessité d'adopter une ligne dure.

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La Commission européenne est désormais prête à inclure les "centres de retour" situés en dehors des frontières de l'Union et à partir desquels les migrants peuvent être renvoyés dans leur pays d'origine dans une prochaine proposition législative visant à accélérer le retour des demandeurs d'asile déboutés. Cette information émane des "minutes" d'une réunion informelle des ministres de l'Intérieur de l'UE qui s'est tenue la semaine dernière et qu'euronews a pu consulter.

Lors du Conseil informel qui s'est tenu à Varsovie le 30 janvier, le nouveau commissaire autrichien à l'immigration, Magnus Brunner, a discuté de propositions "innovantes" pour la gestion de l'immigration avec des représentants des Etats membres de l'espace Schengen et des institutions de l'UE. A ce stade, il a surtout été question de la législation sur les retours, d'après le compte-rendu.

Les réunions informelles du Conseil sont des rassemblements réguliers des États membres et des institutions de l'UE, organisés par la présidence tournante du Conseil de l'UE, cette fois-ci dirigée par la Pologne, qui a accueilli l'événement dans sa capitale.

Interrogé par euronews, un porte-parole de la Commission a refusé de commenter les informations divulguées.

La proposition de l'UE visant à accélérer le retour des migrants devrait être publiée par la Commission dès la fin de ce mois, donnant ainsi le coup d'envoi du processus législatif.

Le commissaire Brunner a proposé des "règles plus strictes en matière de détention" et la "possibilité de développer des centres de retour" au cours de la réunion, selon le document.

Les centres de retour sont des lieux proposés en dehors de l'UE, où les personnes dont la demande d'asile a été rejetée au sein de l'Union pourraient être envoyées avant d'être renvoyées dans leur pays d'origine. C'est le genre de solution que l'Italie a déjà mis en place après un accord avec l'Albanie, mais qui soulève beaucoup de questions juridiques.

L'Autriche, la Bulgarie, la République tchèque, le Danemark, l'Allemagne, la Grèce, l'Italie, la Lettonie et Malte ont accueilli favorablement la proposition de centres de retour et l'ont décrite comme "un moyen de dissuasion possible de l'immigration irrégulière".

Les décisions en matière d'immigration sont prises à la majorité qualifiée, ce qui signifie qu'au moins 15 des 27 États membres représentant au moins 65 % de la population de l'Union européenne doivent approuver la proposition.

Lisbonne et Madrid ont émis des doutes

D'autres Etats membres, tels que le Portugal et l'Espagne, ont émis des "doutes" d'un point de vue juridique et opérationnel, tandis que d'autres, tels que l'Irlande et la Belgique, ont *"souligné la nécessité de mesures réalistes et réalisables, dans le respect des droits fondamentaux"***,** selon le compte-rendu.

Lors de son audition de confirmation au Parlement européen à l'automne dernier, M. Brunner avait déclaré que l'Union européenne devait rester "ouverte" à l'exploration de "nouvelles idées" pour freiner l'immigration irrégulière.

L'établissement de ces centres pourrait se faire d'une manière "humaine et juridiquement saine", avait-il déclaré à l'époque, ajoutant qu'une réflexion plus approfondie était nécessaire pour "découvrir à quoi ce type de concept pourrait ressembler" dans la pratique.

Les organisations humanitaires ont déjà rejeté cette initiative, affirmant que ces centres conduiraient à des détentions sans fin et à des souffrances endémiques. La législation européenne actuelle interdit aux autorités d'envoyer des migrants contre leur gré dans des pays avec lesquels ils n'ont pas de lien.

Mais la pression politique exercée pour améliorer le taux d'expulsion a eu raison de ces avertissements, favorisant une approche plus stricte dans de nombreux États membres.

La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a également soutenu fermement les "centres de retour" dans une lettre adressée aux dirigeants de l'UE avant un sommet de deux jours à Bruxelles dominé par les discussions sur l'immigration en octobre dernier. Dans cette lettre, Mme Von der Leyen estimait qu'un protocole de migration conclu entre l'Italie et l'Albanie - qui a fait l'objet d'une contestation juridique - pourrait déterminer les prochaines étapes de la politique migratoire de l'UE.

Autres détails de la future loi

Mme Brunner a également proposé d'introduire une obligation pour les personnes renvoyées de "coopérer et d'énoncer des conséquences claires" en cas de non-respect des règles, de renforcer les règles pour les "personnes renvoyées qui représentent une menace pour la sécurité" et de faciliter la reconnaissance mutuelle des décisions de retour au sein de l'Union.

Les ministres du Danemark, de l'Islande, du Liechtenstein, de la Lituanie, de Malte, de la Norvège, de la Roumanie, de la Slovénie et de la Suède ont salué les "obligations claires des rapatriés et les sanctions" pour ceux qui refusent de coopérer.

Plusieurs pays ont accepté l'idée d'une reconnaissance mutuelle des décisions de retour entre les Etats membres, la France étant la seule à s'y opposer totalement, selon le compte-rendu.

L'Espagne, soutenue par le Portugal, la Roumanie, la Slovaquie et l'Islande, a demandé un renforcement du rôle de Frontex, l'agence européenne des frontières, pour les retours. L'agence "a accepté la proposition [...] et a souligné la nécessité d'avoir des ressources adéquates pour cela", selon le compte-rendu.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé dans son discours de réélection l'été dernier qu'elle avait l'intention de tripler le personnel de Frontex.

Enfin, le document indique que la plupart des Etats membres considèrent qu'il est préférable de rédiger la loi sous la forme d'une directive plutôt que d'un règlement, afin de donner aux Etats membres plus de flexibilité dans son application.

Suspension du droit d'asile

Le procès-verbal fait également état d'une discussion sur le trafic de migrants aux frontières de la Russie et du Bélarus, sous le titre "armement des migrants".

M. Brunner a rappelé aux États membres qu'ils peuvent prendre les "mesures nécessaires pour s'opposer aux acteurs hostiles" qui envoient des migrants aux frontières de l'UE. Cependant, toute action contre ces acteurs hostiles pouvant avoir un impact sur les demandeurs d'asile doit être considérée comme une "mesure exceptionnelle" et doit être conforme au droit international, a-t-il déclaré.

À cet égard, la Suède a présenté la suspension des régimes d'asile "dans des circonstances exceptionnelles" comme une réponse possible à ces "acteurs hostiles".

Cette idée reflète des initiatives similaires prises récemment par la Finlande et la Pologne.

Prochaines étapes

Après la publication de la proposition sur le retour des demandeurs d'asile, la Commission européenne entamera son processus législatif, qui dure généralement deux ans.

Le commissaire Brunner sera chargé de mettre en œuvre le nouveau pacte pour l'immigration et l'asile, la réforme de grande envergure que l'Union européenne a achevée en mai après près de quatre ans de négociations acharnées. Le Parlement considère le nouveau pacte comme une réussite historique et souhaite que tous les États membres se conforment aux nouvelles règles.

Cependant, la Pologne et la Hongrie ont ouvertement déclaré qu'elles ne le feraient pas, ce qui alimente les craintes que la réforme complexe ne s'effondre avant d'avoir eu la chance de produire des résultats.

Le nouveau commissaire s'est engagé à poursuivre en justice ceux qui ne respectent pas les règles. "Si cela s'avère nécessaire et justifié, des procédures d'infraction pourraient être engagées", a-t-il déclaré.

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