Les troupes russes ne sont qu'à quelques kilomètres de la ville et auraient atteint certaines de ses banlieues. Des semaines de bombardements constants ont dévasté de grandes parties de la ville, où 70 % des bâtiments résidentiels ont été détruits, selon des rapports officiels. Notre reportage.
Valerie Gauriat, grand reporter à Euronews, a passé une journée dans la ville meurtrie, pour constater l'ampleur des destructions et rencontrer certains des rares habitants qui refusent d'abandonner leurs maisons.
En entrant dans Pokrovsk, nous ne sommes accueillis que par les aboiements de chiens errants et le grondement d’explosions sporadiques, résonnant dans les rues désertes de la ville.
L'ampleur des destructions dans ce quartier nord de la ville, le seul auquel nous pouvions accéder, car les forces russes ne sont qu'à quelques minutes à vol d'oiseau de la partie sud de la ville, est à couper le souffle.
La plupart de la population a été évacuée : moins de 2000 des 60000 habitants d’autrefois sont encore là.
Nous en croisons quelques-uns, parmi lesquels Serhii, un retraité qui refuse de quitter sa maison.
Il nous ouvre sa porte, pour nous montrer comment il parvient à survivre. Un générateur trône à même le sol, au milieu d’indescriptibles amas de vêtements élimés et d’ustensiles ménagers éreintés.
« J’utilise ce générateur pour m’éclairer, et ce réchaud à gaz pour cuisiner. » explique-t-il, en allumant son réchaud. D’énormes marmites sont éparpillées dans la pièce jonchée d’objets qui sert de cuisine. « Je nourris aussi les chats et les chiens du quartier », raconte Serhii en nous montrant une vieille baignoire remplie d’eau, posée dans un recoin de la pièce. « C’est ma réserve d’eau. Tout va bien ! », assure-t-il.
Lorsque je lui demande s’il n’a pas peur d’une éventuelle prise de Pokrovsk par les forces russes, il réfléchit un instant, et murmure, dans un soupir. « Ce sont les mêmes Russes qu’ici. D’après mon passeport, je suis ukrainien. Mais dans mon cœur… il n’y a pas d’Ukrainiens ici, seulement des Russes. » Puis après une pause, d’ajouter doucement :
«Tout ce que je veux, c’est la paix. Que les gens arrêtent de s’entretuer."
"Ceux qui le voulaient sont déjà partis"
Maksym, un officier de coopération civile-militaire qui nous guide dans le quartier, a aidé de nombreux habitants à évacuer.
Mais ceux qui sont restés sont désormais beaucoup plus difficiles à convaincre, dit-il. Devant nous, il tente d’inciter les quelques passants que nous croisons à quitter la ville. En vain.
« Ceux qui le voulaient sont déjà partis », dit Maksym. « Les retraités, malheureusement, n’ont pas cette envie. Ni ceux qui attendent que le soi-disant « monde russe » vienne, et reconstruise tout. Mais comme on l’a vu dans la réalité, rien ne sera réparé. Il ne restera plus rien ici, à part des ruines. »
Alors que le soleil hivernal décline lentement, les derniers habitants se précipitent vers leurs maisons. C’est l’heure du couvre-feu, il nous faut aussi partir rapidement.
Nous quittons Pokrovsk de la même manière que nous y sommes entrés, escortés par le grondement de plus en plus fort et fréquent des explosions, et les cris devenus stridents des chiens errants terrifiés.