L'ancien ministre des Finances grec se réjouit aussi de l'assouplissement du frein à l'endettement en Allemagne mais il considère que les dépenses de défense "ne généreront pas de croissance là où c'est nécessaire".
À l'heure où l'Europe tente de reprendre sa défense en main face à la menace russe et au retrait américain, certaines voix dissonantes s’élèvent contre le réarmement européen.
De passage à Bruxelles, Yánis Varoufákis ne mâche pas ses mots. "Le réarmement de l’Europe est la prochaine grande folie de l’Union européenne", déclare l'ancien ministre des Finances de la Grèce lors d'une interview avec Euronews.
L'économiste de gauche estime que le réarmement européen "dissoudra le tissu social" sans garantir la sécurité européenne."C’est une façon d’affaiblir l’Europe au nom de la rendre plus forte", ajoute-t-il.
Opposé à l'accord entre Moscou et Kyiv proposé par Donald Trump, il appelle l'Europe à mettre sur la table son propre plan de paix.
"Nous devrions rejeter le plan de Trump. Mais nous devons avoir le nôtre. La première étape sera de rejeter immédiatement et sans aucun doute l’accaparement des terres par Donald Trump, sa tentative de s'emparer des richesses souterraines d’une partie de l’Europe", assure-t-il.
"Nous devons contre-proposer notre propre plan de paix. Réarmer l’Europe, acheter plus d’armes à British Aerospace, à Dallas, à Rheinmetall, cela ne changera rien pour l’Ukraine, croit-il. L’Ukraine a besoin d’un plan de paix de la part de l’Europe maintenant".
Selon lui cet accord devrait garantir la souveraineté de l'Ukraine et sa connexion à l'Europe, tout en la gardant "en dehors des deux blocs, le bloc russe et le bloc de l'OTAN".
À ses yeux, si l'Europe veut jouer un rôle sur la scène internationale dans cette période de tensions géopolitiques majeures, elle aurait en priorité besoin d'une "union politique" pour gagner en "légitimité", et non d'une armée.
Dépenses de défense
Les pays membres ont donné leur feu vert à un plan pour réarmer l’Europe qui prévoit une enveloppe de 800 milliards d’euros.
La Commission européenne a également proposé aux pays membres de déroger aux règles d’orthodoxie budgétaire de l’UE pour financer leurs dépenses de défense.
En Allemagne, le futur chancelier Friedrich Merz a ouvert la porte à l'assouplissement du frein à l'endettement pour permettre d'investir dans les infrastructures du pays et la défense.
Il s’agit d’un virage à 180° pour cet état frugal qui était en faveur de règles fiscales strictes pour la Grèce pendant la crise financière.
L’ancien ministre des Finances grec, qui s'était opposé à la politique d'austérité européenne, salue ce changement de paradigme avec quelques réserves.
"Bien sûr, je me réjouis de la fin de ce frein à l'endettement", assure Yánis Varoufákis avant de nuancer.
Le cofondateur du mouvement paneuropéen DiEM25 assure que Friedrich Merz "veut se livrer à un keynésianisme militaire".
"Au lieu d’investir dans la vie, il investit dans la mort. D’un point de vue macroéconomique et réaliste, ça ne va pas générer la croissance là où c’est nécessaire. Lorsque vous achetez des munitions, lorsque vous achetez des obus et que vous les mettez sur une étagère. Ce n’est pas un investissement productif", croit-il.
Interrogé sur la question de savoir si le pacifisme ne reviendrait pas à donner carte blanche à Vladimir Poutine pour poursuivre ses ambitions impérialistes et envahir d'autres pays, il répond que “le pacifisme n’est jamais une bonne réponse à une invasion”, mais qu’opter “pour une guerre sans fin” n’est pas rationnel non plus.