Une vidéo trafiquée utilisant le logo d'Euronews prétend à tort que la Roumanie a mis en garde la France contre l'ingérence dans le récent scrutin présidentiel. Bucarest a en réalité accusé la Russie d'interférence électorale.
Une fausse vidéo prétendant que la Roumanie aurait mis en garde les autorités françaises contre l'ingérence dans le second tour de l'élection présidentielle roumaine dimanche dernier, s'est propagée sur les réseaux sociaux au lendemain du vote.
Cette publication porte frauduleusement le logo d'Euronews et prétend que le ministère roumain des Affaires étrangères a envoyé au gouvernement français une "note de protestation" pour avoir tenté de s'immiscer dans la présidentielle à l'aide de l'application de messagerie Telegram.
Euronews n'a ni produit ni publié la vidéo, et notre marque a été copiée sans notre consentement. Nos équipes veillent à ce que la vidéo soit retirée de toutes les plateformes sociales.
Une vidéo fabriquée de toutes pièces pour une opération de propagande russe
Jeudi, le ministère des Affaires étrangères de Roumanie a publié une déclaration sur X "réfutant catégoriquement" le contenu de la vidéo faussement attribuée à Euronews, et pointant du doigt "une campagne soutenue de manipulation de l'information et d'ingérence étrangère visant à influencer l'opinion publique roumaine et, plus récemment, ses élections".
"Cette campagne est toujours en cours et présente toutes les caractéristiques de la désinformation [russe] et des campagnes secrètes de propagande anti-OTAN et anti-UE", ajoute la déclaration.
Des sources diplomatiques ont par la suite confirmé à Euronews qu'aucune lettre n’a été envoyée par le gouvernement roumain et que cette fausse vidéo a été produite par Matriochka, l’une des nombreuses opérations de désinformation russes ciblant la France.
La vidéo sous-titrée a été repérée pour la première fois par le Centre ukrainien de lutte contre la désinformation, une agence gouvernementale. Son format ressemble fortement aux vidéos d'Euronews sur les réseaux sociaux, mais son contenu est totalement falsifiée.
Allégations d'ingérence de Pavel Durov envers la France
Cette fausse vidéo est apparue en ligne après que Pavel Durov, le propriétaire d'origine russe de Telegram, a accusé le chef des services de renseignement français de lui avoir demandé de "réduire au silence" les voix conservatrices roumaines en les bannissant de son application de messagerie avant le second tour de l'élection présidentielle de dimanche.
Aucune preuve ne vient cependant étayer les affirmations du fondateur de Telegram, que le ministère français de l'Intérieur a qualifiées de "manœuvre de diversion par rapport aux véritables menaces d'ingérence visant la Roumanie".
Mais les allégations de Pavel Durov ont depuis déclenché un flot de désinformation sur les réseaux sociaux.
Le patron de Telegram, qui a été inculpé en France en septembre dernier pour six chefs d'accusation liés à des activités illégales sur son application, a déclaré qu'il "témoignerait" en faveur de George Simion lorsque ce dernier contestera le résultat du second tour de dimanche devant la Cour constitutionnelle roumaine.
De nombreux médias français victimes de falsification
Antibot4Navalny, un groupe anonyme de chercheurs en désinformation, a partagé jeudi des captures d'écran d'autres publications imitant les principaux médias français, dont Le Parisien, Libération et BFMTV.
Le collectif a établi un lien entre cette campagne et l'opération Matriochka, que la cyber-agence française Viginum décrit comme la publication de "faux contenus qui usurpent l'identité de personnalités et de médias nord-américains et européens, y compris français".
Les rapports falsifiés sont tous basés sur les déclarations de Pavel Durov, mais relaient des récits infondés légèrement différents.
Par exemple, un faux rapport attribué à Radio France Internationale (RFI) affirme que des journalistes ont annoncé des "manifestations de masse" contre la "censure" d'Emmanuel Macron en réponse aux allégations de Pavel Durov.
Par ailleurs, un faux rapport de BFMTV affirme à tort que la cote de popularité du président français s'est effondrée en réponse aux allégations du PDG de Telegram.
L'équipe de vérification des faits d'Euronews, Euroverify, a vu la vidéo partagée plusieurs fois sur des comptes Telegram pro-russes, recueillant au moins 85 000 vues au moment de la publication de cet article.