Egypte : les favoris d'une présidentielle historique

Egypte : les favoris d'une présidentielle historique
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Par Euronews
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Après la révolte, les urnes. L’Egypte, poids lourd du monde arabe avec 82 millions d’habitants, se choisit un président, par la voie démocratique. Le débat télévisé balbutie, une multitude de visages s’imposent dans le paysage. Il s’agit de départager une douzaine de candidats. Parmi les favoris, des islamistes, vainqueurs des législatives, ou des vestiges de l’ancien régime, tels qu’Ahmad Chafiq.

Un pur produit du système politico-militaire égyptien. Nommé Premier ministre dans les derniers jours de Mubarak, il démissionnera un mois plus tard. Agé de 70 ans, cet ancien pilote, comme le raïs déchu, a fait campagne sur la sécurité et la lutte contre le crime. Il estime que son passé militaire est un atout en cette période de transition et de transfert des pouvoirs, pas sûr que les égyptiens soient du même avis.

Amr Moussa est lui aussi un “fouloul” comme disent les égyptiens, un revenant. Depuis des mois, il parcourt le pays et ratisse jusque dans les campagnes. Agé de 75 ans, il met en avant son expérience. Ancien secrétaire général de la Ligue arabe et chef de la diplomatie de Moubarak pendant 10 ans, Amr Moussa se veut le garant d’une Egypte multi-confessionnelle et ouverte à la modernité, face à la poussée des islamistes.

Mohammed Morsi est l’un d’eux. Cet ingénieur de 60 ans est le chef du Parti de la Justice et de la Liberté (PJL), la vitrine politique des Frères Musulmans. Il peut se prévaloir de leur réseau militant : tentaculaire et puissant. Son parti détient près de la moitié des sièges au Parlement, et c’est autant un atout qu’une faiblesse pour ceux qui craignent une concentration des pouvoirs législatif et exécutif aux mains des islamistes. Mohammed Morsi se présente comme le seul candidat avec un programme islamiste, occultant Abdel Moneim Aboul Foutouh.

Cet ancien membre des Frères musulmans a été exclu de la confrérie l’an dernier, après avoir affiché avant l’heure son ambition présidentielle. Aboul Foutouh fait du droit à la santé et à l‘éducation son thème de prédilection. En s’adressant aux salafistes comme au libéraux de la place Tahrir, il cherche à adopter la posture du rassembleur.

“La présidentielle égyptienne peut échapper aux Frères musulmans”, entretien avec Alvaro de Vasconcelos

A la veille du premier tour de l‘élection présidentielle en Egypte, le directeur de l’Institut d’Études de Sécurité de l’Union européenne Alvaro de Vasconcelos revient sur les enjeux de ce scrutin, et sur le profil des candidats à la magistrature suprême. Alvaro de Vasconcelos est spécialiste des relations euro-méditerranéennes, il est interrogé par Olivier Péguy.

Euronews : “Ce scrutin se déroule dans un contexte encore tendu. Régulièrement, la capitale Le Caire est en proie à des violences. Qu’est-ce qui, d’après vous, garantit un bon déroulement des opérations de vote ?”

Alvaro de Vasconcelos : “Le pouvoir militaire doit accepter que la transition démocratique continue et les résultats des élections doivent être reconnus. Il est aussi essentiel d’avoir un consensus entre les partis islamistes et les forces politiques libérales parce que cette division assez compliquée demeure en Egypte, entre d’un coté ceux qui ont fait la révolution et de l’autre, ceux qui gagnent les élections; les partis islamistes considèrent, à juste titre, qu’ils ont de leur côté la légitimité démocratique.”

Euronews : “Une des interrogations, c’est le score que fera Mohamed Morsi, le candidat présenté par les Frères musulmans. La confrérie, à travers son parti, Le Parti de la liberté et de la justice, est la première force politique du pays. Mais son candidat pour la présidentielle n’est pas forcément le mieux placé. D’après vous, cette élection va-t-elle ou peut-elle échapper aux Frères musulmans ?”

Alvaro de Vasconcelos : “Moi je pense qu’elle peut échapper aux Frères musulmans. Vous vous rappelez que les Frères musulmans n’avaient pas intention de présenter un candidat aux élections présidentielles. Ils avaient décidé qu’il était trop tôt pour eux pour prendre tous les leviers du pouvoir, et que d’avoir le Parlement, la Constituante et la présidence serait compliqué et mal accepté aussi bien en Egypte qu‘à l‘étranger. Ils ont ainsi avancé avec un candidat dès que les salafistes ont eux-aussi avancé avec un candidat. Ils ont eu peur que le candidat des salafistes ne prenne toutes les voix des islamistes, la poussée des salafistes est vraiment un grave problème pour les Frères musulmans. Leur candidat n’a pas été accepté par les militaires, car il avait été jugé dans le passé, sous l’ancien régime. Ils ont présenté un nouveau candidat qui n’aura pas, je pense, un grand succès électoral.

Euronews : “Et d’après vous, les Frères musulmans vont accepter qu’éventuellement l‘élection présidentielle leur échappe?”

Alvaro de Vasconcelos : “Oui les Frères musulmans sont dans une dynamique de légitimité démocratique.”

Euronews : “Est que Monsieur Amr Moussa, ancien ministre des Affaires étrangères d’Hosni Moubarak et ancien secrétaire général de la Ligue arabe, a un rôle a jouer d’après vous?

Alvaro de Vasconcelos : “Je pense qu’Amr Moussa va être vu par ceux qui ont de leur coté la légitimité révolutionnaire comme par ceux qui ont la légitimité démocratique (les Frères musulmans), comme un candidat qui représente l’ancien régime. Il sera soutenu par les gens de l’ancien régime, par les zones rurales, par les gens des secteurs qui sont moins impliqués dans la politique que les gens du Caire, mais évidemment il aura beaucoup de difficultés, et je doute qu’il puisse remporter l’élection précisément à cause de ça.”

Euronews : “Parmi les candidats, qui aujourd’hui, porte l’héritage du soulèvement populaire de l’année dernière ?”

Alvaro de Vasconcelos : “L’ancien membre des Frères musulmans Aboul Foutouh est peut-être celui qui a le plus de probabilités de répondre à un consensus plus vaste. D’un côté ce sera très difficile pour les Frères musulmans de ne pas soutenir au deuxième tour quelqu’un qui est sorti de leurs rangs; de l’autre coté, les jeunes libéraux le regardent comme quelqu’un qui est plus proche d’eux. Donc il peut représenter un consensus plus vaste.

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