Accident de train en Espagne : la vitesse coupable ?

Accident de train en Espagne : la vitesse coupable ?
Par Euronews
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Des trains modernes, confortables et rapides. Il y a vingt et un ans, le 20 avril 1992, l’Espagne réalisait un rêve technologique en inaugurant sa première ligne à grande vitesse entre Madrid et Séville. Depuis, le pays a tissé un réseau qui s‘étend sur plus de 3000 kilomètres, ce qui en fait le plus grand d’Europe et le deuxième au monde derrière la Chine. Chaque année, les TGV espagnols transportent quelque 23 millions de passagers à une vitesse moyenne de 222km/h.

Malgré la crise économique, l’Espagne a inauguré cette année deux nouvelles lignes : l’une, qui relie Barcelone à Figueras, près de la frontière française, permettra d’assurer prochainement la liaison à grande vitesse entre la capitale catalane et Paris. L’autre ligne, inaugurée le mois dernier, relie Madrid à Alicante sur les bord de la Méditerranée. Entre 2005 et 2013, l’Espagne a multiplié par cinq son réseau ferré à grande vitesse. 31 villes sont aujourd’hui desservies contre 7 il y a huit ans.

La ligne reliant la Galice à Madrid n’est pas encore achevée. Mais depuis 2011, la liaison Orense-Saint-Jacques-La Corogne est opérationnelle pour la grand vitesse. L’accident, survenu mercredi soir, s’est produit à trois kilomètres de Saint-Jacques-de-Compostelle, au niveau de la localité d’Angrois, dans un virage où la vitesse est limitée à 80 km/h. Le train, un ALVIA 730, aurait roulé deux fois plus vite au moment de l’accident.

Depuis Barcelone, Ricard Riol, ingénieur des travaux publics et Président de l’Association pour la promotion du transport public, a répondu aux questions d’euronews.

“euronews : Il est trop tôt pour tirer des conclusions concernant les causes de l’accident. Mais certains indices sont très clairs. Le train sinistré est un train à grande vitesse, mais ce n’est pas un AVE, l‘équivalent du TGV français. Quelles sont les différences par rapport à un train à grande vitesse?

Il atteint une vitesse maximale inférieure à celle d’un AVE. Jusqu‘à 250 km/h, et il a la particularité de pouvoir circuler sur des lignes à grande vitesse et des lignes conventionnelles.

euronews : Comment le train a-t-il pu dérailler à cet endroit précis, si près de la gare de Saint-Jacques-de-Compostelle, à près de 190 km/h?

Normalement, sur une ligne à grande vitesse telle que le Madrid-Barcelone ou le Madrid-Séville, c’est impossible. Mais sur cette ligne, les trains qui approchent de Saint-Jacques-de-Compostelle ne sont pas surveillés en permanence par le système de signalisation. Ils sont contrôlés de manière ponctuelle uniquement.

euronews : Est-ce un système automatique?

C’est un système automatique qui contrôle le train uniquement s’il passe devant un détecteur sur les rails, tandis que la norme sur une ligne à grande vitesse est un système qui est contrôlé en permanence par radio, depuis un poste central, de sorte que la vitesse maximale soit toujours inférieure à la vitesse autorisée.

euronews : Lorsque le système de surveillance fonctionne, que se passe-t-il lorsque le train dépasse la vitesse autorisée ?

Ricard Riol : Dans un système de supervision en continu, comme c’est le cas du système européen RTMS, les trains qui dépassent la vitesse maximale autorisée sont automatiquement arrêtés. Cela existe dans n’importe quelle ligne à grande vitesse. Ce système, qui existe aussi sur la ligne qui relie Ourense à Saint-Jacques, disparaît trois ou quatre kilomètres avant la gare de Saint-Jacques. Il est remplacé par un système dont seules les lignes conventionnelles sont équipées. C’est en l’absence de supervision continue que l’accident s’est produit.

euronews : À votre avis, le virage dans lequel s’est produit l’accident a-t-il pu aggraver l’ampleur de l’accident ? Est-ce normal d’avoir un tel virage sur une ligne à grande vitesse ?

Ricard Riol : Le virage est justifié lorsque l’on approche d’une agglomération urbaine. Il existe d’autres lignes à grande vitesse avec des virages comme celui-ci dans le but de se plier à la réglementation. Ce qui est grave, c’est que ce virage ne soit pas protégé par un système de signalisation en continu, qui surveille le train en permanence et pas seulement par des détections ponctuelles sur la voie.
Le problème n’est pas le tracé mais, peut-être, le système de signalisation sur le tracé. C’est le système de sécurité qui doit s’adapter, être flexible, sur n’importe quel trajet. Parce Que’n plus de tracés droits pour rouler très vite, le train à grande vitesse doit parfois rejoindre le réseau conventionnel, et donc s’approcher des villes. Il n’est pas question d’avoir une ligne droite, mais une ligne sûre entre le départ et l’arrivée.

euronews : Les organisations impliquées dans la gestion du service ferroviaire en Espagne ont ouvert une enquête. À votre avis, est-ce suffisant?

Ricard Riol : Je pense qu’il devrait y avoir également une enquête indépendante qui ne soit pas menée par le ministère de l‘Équipement, afin de pouvoir comparer les résultats, et mieux comprendre les erreurs qui ont causé cette tragédie. En ce qui concerne le trafic ferroviaire, les accidents sont rarement dus à une seule erreur mais plutôt à une succession de problèmes consécutifs. Il devrait donc y avoir une enquête indépendante, comme c’est le cas dans l’accident du Limoges-Paris pour déterminer les responsabilités et améliorer les systèmes automatiques de protection.

euronews : L’Espagne dispose du second réseau ferré au monde en matière de lignes à grande vitesse. Après cet accident, pensez-vous que l’on doive revoir la conception de l’infrastructure ?

Ricard Riol : La priorité pour les chemins de fer, que ce soit sur des lignes conventionnelles ou à grande vitesse, c’est la sécurité des passagers. Il faudra donc revoir tous les protocoles, et surtout la signalisation, dans les projets actuels comme dans les projets à venir. S’il le faut, pour la construction de nouvelles lignes, créons de nouveaux protocoles. Le plus important c’est que le chemin de fer reste le moyen de transport le plus sûr.”

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