Le tour du monde numérique du Sónar de Barcelone

Le tour du monde numérique du Sónar de Barcelone
Par Euronews
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L’Europe se fait aussi avec les festivals, ludiques mais pionniers. Le Sónar de Barcelone naquit en 1994 comme un rendez-vous des musiques et arts avancées. Il a creé un modele qui s‘étend à d’autres capitales aussi et à d’autres initiatives soeurs, comme Les Nuits Sonores de Lyon.

On avait profité fin mai de la visite aux journées de l’European Lab lyonnais de la polyglotte italienne Georgia Taglietti, bas droit des organisateurs du Sónar comme responsable de la communication, pour s’entretenir avec elle des connexions urbaines, de la programmation qu’on allait vivre cette année au festival barcelonais et de sa nouvelle projection diurne au Palais des Congrès de Montjuïc.

Dans cette vingt-et-unième édition, on a vu passer environ 150 artistes électroniques de toute la planète, plus d’un centaine de conférenciers du monde numérique et près de 3.000 professionnels accrédités. Trois jours, du 12 au 14 juin, pendant lesquels l’envergure d’un rendez-vous multidisciplinaire comme celui-ci a remis même en question le terme festival.

Daito Manabe

Euronews: Vous êtes un peu les parrains des Nuits Sonores, c’est votre connexion française?

Georgia Taglietti: “Ce sont des villes qui se regardent entre elles. C’est Lyon qui a voulu se voir dans Barcelone et cette connexion c’est sûre qu’elle se maintient. Ce qui avait attiré Vincent Carry et l’association Arty-Farty c’est l’organisation d’un festival urbain, la principal caractéristique du Sónar. Nous avons un format bicéphale très clair entre le Sónar jour et le Sónar nuit. Dans le cas des Nuits Sonores, les formats ne sont pas exactement les mêmes parce qu’ils s’adaptent à la ville de Lyon. Le déménagement cette année des Nuits Sonores à la zone de la Confluence est bonne pour visualiser la transformation de Lyon: quelque chose pareille à ce que nous avons fait avec le Sónar Barcelone en nous servant des infrastructures existantes. Nôtre volonté a toujours été de nous situer dans des endroits emblématiques pour leur fournir un contenu culturel. Nous avons aussi en commun le leitmotiv de festival électronique et des rencontres comme l’European Lab quand on parle des Nuits Sonores. Dans cette édition, nous élargissons notre Sónar+D en le qualifiant déjà de congrès. Il s’agit d’une structure de débat et d’expositions qui est possible parce que nous pouvons disposer du Palais des Congrès de Montjuïc.

Euronews: Dans votre cas, c’est la démonstration qu’il est possible d’organiser un festival avec des sponsors privés au delà des subventions des administrations qui vous ont aidé au début…

Georgia Taglietti: “Dans les dix derniers années, il a été vérifié que nous vivons de nous-mêmes. Presque à un soixante-dix pour cent. Dans la dernière décennie, les sponsors privés ont diminué malgré qu’ils se retrouvent dans des formats plus numériques. Le monde des sponsors et les fondations privées est de plus en plus complexe, à cause surtout de la crise. Ça dure depuis une dizaine d’années, avec un nouveau statut économique qui suppose des changements sur les gagnants et les perdants. Nous pouvons nous sentir fortunés parce que nous disposons déjà d’une structure de ressources à nous qui nous ont permis de survivre face a des variations de revenus venant de l’exterieur”.

Euronews: Le changement au Palais des Congrès de Montjuïc depuis l’année dernière vous a-t-il amené à repenser le concept du festival?

Georgia Taglietti: “Bien sûr. L’année dernier nous avons fait un pari ambitieux et ça a donné ses fruits. On l’a vu dans l’usage des Palais des Congrès pour se développer dans le secteur de la créativité, la technologie et les affaires. C’est un espace ouvert, dans lequel on peut offrir beaucoup plus que de la musique. Quand les gens rentrent au Sónar jour, ils ne le font plus avec la sensation d’un aller-retour mais avec celle de rester parce qu’il y a une grande offre ludique et de culture diversifiée. En plus, dans l’édition précédente nous avons fait un grand effort de production et dans l’actuelle nous modifions le design pour l’améliorer”.

Euronews: Il y a des changements de scènes?

Georgia Taglietti: “Oui, on ajoute la scène Despacio pour le projet de James Murphy et 2manydjs avec une installation et du son du producteur Mcintosh. Chaque jour, ils mixeront six heures avec des vinyles. Cette installation sonore se trouvera où l’année dernière il y avait celle de Red Bull. Et celle de Red Bull se déplace dans un autre pavillon dessiné spécialement pour eux”.

Euronews: Ça veut dire que vous vous élargissez en espace…

Georgia Taglietti: “Plus qu’en espace, nous élargissons notre offre exclusive du festival. Par exemple, le jeudi nous présentons ‘L’obélisque de lumière’ de Plastikman (Richie Hawtin), que jusqu’à maintenant on l’avait vu qu’au Guggenheim de New York et qui nous oblige à augmenter d’une heure la journée diurne jusqu’à onze heures en même temps que le coucher de soleil. La nuit, nous avons la première mondiale des scandinaves Röyksopp & Robyn avec le premier concert de leur tournée. Le nouveau spectacle de Massive Attack est aussi une exclusivité”.

Euronews: En retournant au Sónar+D, quelles sont les nouveautés concrètes de ce passage au congrès?

Georgia Taglietti: “C’est une entrée en société, après l’expérience de l’année dernière, avec le sous-titre Congrès International de Créativité et Technologie. Nous ne sommes pas un ‘hub’ technologique, sinon un congrès de débats avec comme décor tout qui se passe dans le Sónar. Nous évoluons au rythme de la technologie et de son application au terrain culturel. C’est un pari fort du festival pour établir une troisième jambe avec le Sónar jour et le Sónar nuit, mais sous le parapluie du festival comme événement culturel. On se dirige vers un nouveau concept de festival, transversal, où il y a tant de direct que de travail en ligne. C’est une adaptation organique à l’évolution de la culture numérique”.

Euronews: Il s’est écoulé beaucoup de temps depuis qu’on exhibait des magazines, labels, fanzines…

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Georgia Taglietti: “On maintient le Market Lab, la zone d’exhibition. Mais, maintenant, on expose des applications, installations sonores et audiovisuelles, modèles de fonctionnement. C’est aussi une vision optimiste, qui contraste avec la vision pessimiste du numérique comme quelque chose qui peut détruire la musique. Notre objectif est de mettre sur la table des outils numériques pour aider à faire évoluer la distribution des contenus culturels. C’est un de débats dans la programmation. L’autre ce sont les femmes, auquel je suis très intéressée pour souligner le talent féminin dans la technologie, la musique ou la culture. Nous avons pensé cette programmation comme l’a fait la direction artistique du festival, pour capter la scène de la créativité technologique contemporaine”.

Massive Attack
Créditos: Warren Du Preez and Nick Thornton Jones

Euronews: Quelle est la relation avec l’European Lab?

Georgia Taglietti: “Il y a une collaboration du Sónar avec Les Nuits Sonores. Ce que peuvent représenter Les Nuits Sonores de plus politique et institutionnel au niveau européen, nous le sommes plus au niveau des entreprises, des affaires. Ce sont d’initiatives complémentaires”.

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Euronews: D’où viennent vos participants et qui sont les plus remarquables?

Georgia Taglietti: “Il y a une représentation de 41 pays, si on tient compte en plus de la presse. On peut distinguer le laboratoire italien de Treviso Fabrica, un des centres de créativité les plus actifs depuis des années. Ce sont les responsables du magazine ‘COLORS’ d’où sont sortis quelqu’uns de designers européens les plus importants. Fabrica présentera deux installations: ‘Sway’ et ‘Imposition’. Cette dernière avec le musicien électronique Edisonnoside et l’artiste Daniel Schwarz. Important aussi la presénce du MIT Media Lab de Massachusetts, qui arrive de la main l’artiste japonaise Sputniko!, membre du groupe Design Fictions et entre activiste et théorique. Après, il y a l’studio britannique Universal Everything et la plate-forme d’États Unis littleBits. La présence des États Units est nécessaire parce que c’est où se développe une bonne partie de l’innovation technologique et celle du Royaume Uni l’est du point de vue du design appliqué. D’autre côté, nous avons comme experts le réalisateur de cinéma espagnol J.A. Bayona et la française Virginie Bourdin, responsable des effets spéciaux du film ‘X-Men’. Nous avons réuni des talents d’origines très différents. Et nous sommes très intéressés par le ‘gaming’, les vidéo-jeux, qui nous ont beaucoup appris et font déjà partie de la plate-forme culturelle”.

Euronews: Et il y a aussi de notables présences comme celle du journaliste britannique Simon Reynolds…

Georgia Taglietti: “Simon Reynolds participe à une table ronde avec Philip Sherbune autour du futur de l’artiste électronique dans le monde contemporaine. Un sujet qui pose des questions depuis dix ans et pour lequel il est temps de faire le bilan”.


CHIC feat. Nile Rodgers

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Euronews: Est-il possible d’assister à toute l’offre du Sónar jour? La seule possibilité c’est de se spécialiser?

Georgia Taglietti: “L’idée c’est de réveiller la curiosité et ne pas rester pas dans l’évidence. Ne pas aller voir le dj qu’on a déjà vu trente fois. Je crois que les gens qui viennent au Sónar le jour se laissent transporter par la curiosité. En fait, le plus important c’est la découverte… On peut rater la table ronde de Reynolds, mais découvrir à sa place la japonaise Sputniko! Pour cela, nous continuons à offrir beaucoup de nouvelles choses. Parfois, c’est même important de se déplacer d’une manière aléatoire”.

Euronews: L’année dernière vous avez programmé Shrillex, ça veut dire qu’il est maintenant compatible avec le Sónar l’EDM américain plus commercial?

Georgia Taglietti: “Il est compatible dans un critère artistique. Parce que nous n’offrons qu’EDM, mais tout les variables électroniques. L’année dernière, il y a eu des ados qui sont venus au Sónar voir Shrillex et ont découvert un univers musical que jamais ils n’avaient pu imaginer. C’est important avoir toujours la capacité d’attirer des jeunes gens pour que le festival ne vieillisse pas avec son public et, en même temps, maintenir des choses essentielles pour que ces jeunes les connaissent”.

Euronews: Et la scène local? Pourquoi les artistes catalans et espagnols n’arrivent pas à se projeter à l’étranger, malgré la grand quantité des étrangers qui viennent au festival?
Georgia Taglietti: “Cette année, on trouve une maturité dans l’scène local qui maintenant arrive à se projeter à l’extérieur. C’est le cas des barcelonais Downlinners Sekt, qui ont sur enregistré sur le label français Infiné. Il y a une trentaine des artistes espagnols dans le festival. Et certains sont déjà venu avec nous au Sónar d’Stockholm o Reykjavik, comme les mêmes Downlinners Sekt où ils ont fait la première de son direct. On a aussi Henry Sáiz avec son nouveau projet, BFlecha qui a été choisie entre les dix principales artistes émergentes par l’hebdomadaire ‘Time’, Balago, le dj Alizzz qui a accompagné Shrillex à Barcelona, Pau Roca, Sunny Graves… On ne peut plus parler d’une scène émergente mais effervescente”.

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Euronews: La nouvelle édition du Sónar Tokyo prévue le dernier avril a été reporté, il y a des nouvelles dates?

Georgia Taglietti: “C’est une partie du projet Sónar à échelle internationale qui se fera prochainement. Peut-être au début 2015. Quand l’accident de Fukushima s’est produit, nous sommes restés à Tokyo. Mais c’est un marché avec ses hauts et ses bas. Et nous nous adaptons au promoteur japonais. Notre intention c’est d’avoir une continuité dans tous les endroits où nous avons célébré des Sónar. Nous continuerons avec les Sónar Reykjavik et Stockholm en février, dans une salle plus grande pour cette deuxième ville juste en face de la précédente. En mars, nous y ajouterons Copenhague. Et, en décembre 2015, nous aurons les premières éditions Sónar au Chili et en Colombie”.

Dengue Dengue Dengue – Red Bull Music Academy

Euronews: Et vous ne perdez pas de vue le marché des États Unis…

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Georgia Taglietti: “Nous avons de plus en plus au Sónar des artistes des États Unis. C’est encore un pays émergent dans le circuit techno parce qu’ils ont adopté très tard la musique électronique. Pour une marque comme la nôtre, on cherche le meilleur format. D’abord, nous avons fait Chicago, après une mini tournée Chicago-Washington-New York, plus tard la tournée de villes américaines. Nous conservons un associé dans ce pays et continuerons à étudier la viabilité d’autres projets semblables. L’objectif d’exporter le Sónar ce n’est pas seulement de connaître le marché, c’est aussi élargir la promotion de la marque. Dans ce sens, Le Cap, c’est un pari merveilleux. En Afrique su Sud, la musique électronique fait partie de la vie des gens. Les États Unis, par contre, c’est un pays très polarisé et très centré encore dans les villes”.

Euronews: Même Les Nuits Sonores s’exportent au Tanger…

Georgia Taglietti: “Ce n’est pas une colonisation, mais une contribution culturelle à partir de l’expérience de beaucoup d’années qui forment des nouveaux promoteurs. C’est une donne qui modifie la manière de travailler. Notre modèle fonctionne très bien dans les villes et, parfois, il est recommandé que nous nous occupions directement de l’événement parce que nous connaissons mieux c’est qui est bon ou pas. Ce qui nous fais apprendre le plus de ces rendez-vous ce sont les talents locaux. Cette année, nous amenons beaucoup d’artistes d’Afrique du Sud”.

Euronews: Le festival Primavera Sound qui a lieu aussi à Barcelone s’organise fin mai avec presque deux cents mille personnes et il n’est separé que deux semaines du Sónar avec cent mille. Ces deux festivals si proches dans le temps sont-ils compatibles avec autant de gens?

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Todd Terje

Georgia Taglietti: “L’année dernière notre nouveau modèle avec plus d’affluence au Palais des Congrès a très bien marché. Nous représentons deux faces différentes de la musique. Eux continuent avec leur veine ‘pop-indie’ de plus en plus grande et, par contre, au Sónar personne ne vient voir une bande ‘indie’ ou rock. Eux se situent au Parc du Forum, nous restons au centre ville. Il peut y avoir une cohabitation. Ce qu’amènent ces deux festivals c’est beaucoup de monde dans la ville. Comme ces quatre dernières années, nous attirerons entre 100.000 et 120.000 spectateurs. À mon avis, le Sónar et le Primavera Sound son compatibles. La structure de la ville est prêtre en juin pour accueillir ces deux événements. Le pari touristique est réel et on a l’infrastructure”.

Euronews: Quel pourcentage avez-vous de public étranger?

Georgia Taglietti: “Presque soixante pour cent”.

Euronews: Est-ce qu’on pourrait faire le Sónar sans les étrangers?

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Georgia Taglietti: “Ce serai un autre Sónar. Mais, depuis le premier jour, le Sónar a été un festival international par la catégorie des ses contenus et l’exclusivité de certains de ses concerts. En fait, on a réussi a faire mieux voir certaines choses quand elles se passent au Sónar. En plus, je suis très européenne et je me demande qu’est-ce que ça veut dire étranger: ce qui vient de dehors de l’Europe?

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