Le défaut de paiement de l'Argentine ne ressemble pas à celui de 2001

Le défaut de paiement de l'Argentine ne ressemble pas à celui de 2001
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Par Euronews
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Cinquième puissance économique mondiale à la fin de la deuxième guerre mondiale, l’Argentine est aujourd’hui l’enfant malade du continent sud-américain.
Le pays vient d’entrer en défaut de paiement, même si le gouvernement argentin ne l’admet pas. Cette situation – si elle dure trop longtemps – peut déboucher sur des tensions sociales gravissimes.

En janvier dernier, le peso, la monnaie argentine, a été dévalué de 18%. Face à la fuite des capitaux hors des frontières, et à la perte de confiance en général, une nouvelle dévaluation est probable.

A partir de là, le processus de la dégradation économico-sociale commence à prendre de forme. Si les exportations des entreprises nationales s’améliorent grâce à ce regain de compétitivité, les prix des produits importés augmentent, alimentant l’inflation. Les investissements étrangers, déjà au point mort disparaissent tout à fait et les entreprises nationales ont du mal à se refinancer sur les marchés de capitaux.

La prévision d’inflation par l’institut d‘études ABECEB, donne un rythme de 34,5% en 2014 qui passe à 41% après le défaut. Dans le même temps la contraction de l’activité progresserait de 1,5% à 3,5% cette année.
Si un accord n’est pas rapidement trouvé avec les deux fonds vautours, la situation sociale chaotique qu’a connue le pays en 2001, date du dernier défaut de paiement, risque de se reproduire.

Baisse de l’activité économique, hausse du chômage, augmentation de l’inflation, baisse du pouvoir d’achat : une telle conjoncture est difficilement gérable sans de gros sacrifices.

Duplex
Vicenç Batalla, Euronews
“Nous sommes depuis Buenos Aires avec l‘économiste Rafael Di Giorno de Proficio Investment qui a été analyste à la Banque centrale argentine et vice-président pour l’Amérique latine de Deutsche Bank. Bonjour Rafael.

“Oui , bonjour Vicenç

Vicenç Batalla, Euronews

Les informations ne sont pas bonnes pour l’Argentine qui n’a pas réussi à se mettre d’accord avec les fonds vautours américains. Et ce, bien que le gouvernement argentin refuse de reconnaître le défaut de paiement. Quelle est la situation réelle ?

Rafael di Giorno
Bien, la réalité c’est que les agences de notation considèrent qu’il s’agit d’un défaut quand l’argent du paiement du coupon (des intérêts), les détenteurs des titres de la dette ne le touchent pas. Mais ce n’est pas un défaut classique dans le sens oú la capacité de paiement de l’Argentine est réelle. L’argent a été viré aux banques, mais il y a un blocage judiciaire qui empêche que cet argent arrive aux détenteurs des obligations.

Euronews
Il se dit que les banques privées argentines vont finalement racheter leurs créances aux fonds vautours américains. C’est une opération qui a le soutien du gouvernement de Cristina Kirchner ou bien est-ce une initiative des banques ?

Rafael Di Giorno:
Officiellement, le gouvernement ne peut en principe continuer les négociations avec les deux fonds spéculatifs en question. Par conséquent il fait très attention à son rôle dans ce type de situation. Et cette initiative semble venir du secteur privé : de l’association des Banques d’Argentine, l’ADEBA qui regroupe les banques locales en Argentine.
L’association a essayé de trouver un accord avec les fonds spéculatifs en leur proposant une garantie financière jusqu‘à la fin de l’année, c’est à dire quand expirent les clauses qui empêchaient l’Argentine de négocier avec les fonds vautours. Si les deux fonds vautours acceptent cette proposition, l’Argentine pourra alors négocier directement avec les deux fonds.

Euronews:
Les investisseurs vont-ils fuir l’Argentine désormais ? Est-ce que la récession va s’aggraver et la population souffrir comme ce fut le cas avec le défaut de paiement de 2001 ?

Rafael Di Giorno:
“Non, la faillite de 2001 a engendré une situation gravissime pour bien d’autres raisons. A cette époque, le Produit intérieur brut avait chuté à -11%. La chute avait été brutale. Cette année, toutes les projections indiquent un scénario récessif. Mais peut-être entre 1 et 2% de contraction.
C’est un scénario beaucoup plus doux. C’est un défaut plus technique. L’Argentine peut payer bien qu’il y ait un problème légal qui l’en empêche. Il est certain aussi qu’il faut terminer de règler le défaut de paiement de 2001 pour avancer. Mais il n’y aura pas de fuites massives de capitaux. De fait, ces dernières années, le investissements étrangers n’ont pas été si massifs eux non plus.
Il va y avoir des problèmes de financement sur des grands projets comme celui de Vaca Muerta du groupe pétrolier YPF qui est énorme et qui demande des capitaux étrangers.

Euronews:
Donc pas de problèmes en Amérique ou en Europe à cause du défaut argentin ?

Rafael Di Giorno:
Non je crois qu’il n’y aura pas de contagion à d’autres pays parce que ce n’est pas un défaut dans le sens d’une crise de la balance des paiements ou d’un manque de réserves en dollars. ça pourrait entraîner un peu plus de contagion par l’impact sur la monnaie. Mais je ne crois pas que ce soit le cas”.

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