France : 40 ans après la bataille de Simone Veil une nouvelle loi sur l'IVG

France : 40 ans après la bataille de Simone Veil une nouvelle loi sur l'IVG
Par Marie Jamet
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Deux débats sur l’avortement à l’Assemblée nationale française à 40 ans d’écart.
Les députés ont choisi la date anniversaire de l’ouverture du vote sur la loi de l’avortement en 1974 pour discuter d’une résolution réaffirmant le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en France et en Europe.

Ce texte, qui cherche à faire consensus, est le fruit du travail de Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Il « rappelle que le droit universel des femmes à disposer librement de leur corps est une condition indispensable pour la construction de l‘égalité réelle entre les femmes et les hommes, et d’une société de progrès » et préconise de « garantir l’accès des femmes à une information de qualité, à une contraception adaptée, et à l’avortement sûr et légal ».

Pour Catherine Coutelle cette résolution est un hommage à la loi Veil qui permet de montrer que « ces combats ne sont jamais terminés », d’autant que « le droit à l’IVG reste contesté, empêché par l’action de groupes intégristes ou le manque de services spécialisés ».

Même s’il est attendu que la grande majorité des élus UMP votent le texte, pour l’ancien ministre Laurent Wauquiez proche de Nicolas Sarkozy, ce texte n’est qu’une « posture » : « Cette loi change quelque chose? Non. C’est une pure pétition de principe, ça n’est pas ma conception de la politique. Quand on fait des lois, c’est pour faire des choses, c’est pas pour faire le beau »

« Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement »

C’est devant un hémicycle quasiment masculin – il compte alors 9 femmes contre 481 hommes – que Simone Veil, ministre de la santé du président de centre-droit Valérie Giscard d’Estaing, prononce, le 26 novembre 1974 son discours d’ouverture pour la loi sur l’avortement. Ce discours qui dure une heure est resté dans l’Histoire.

“Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame”

Les débats précédant le vote durent trois jours. Ils sont houleux. Des députés de la majorité de la ministre diffusent l’enregistrement de battements de cœur de fœtus. Jean Foyer, ancien ministre de la Santé publique sous Pompidou s’offusque dans un parallèle sous-entendu avec les usines de mort nazi : « N’en doutez pas : déjà, des capitaux sont impatients de s’investir dans l’industrie de la mort, et le temps n’est pas loin où nous connaîtrons en France ces “avortoirs“– ces abattoirs – où s’entassent des cadavres de petits d’hommes » (page 7011 deuxième colonne).

Le député centriste Jean-Marie Daillet va encore plus loin et alors, que Simone Veil est une ancienne déportée, il ose déclarer : « Y a-t-il une différence de nature entre ce qu’un médecin nazi a fait et ce qui sera pratiqué officiellement dans les hôpitaux et les cliniques de France ? On est allé jusqu’à déclarer qu’un embryon humain était un agresseur. Eh bien, ces “agresseurs”, vous accepterez, madame, de les voir, comme cela se passe ailleurs, jetés au four crématoire ou remplir les poubelles. » (page 7128, première colonne)

Le 28 novembre et dans les camps des défenseurs du projet de loi, le député PS Jean Bastide entreprend de démonter les arguments de l’Ordre des médecins et de son président, le professeur Lortat-Jacob (pages 7161 & 7162). L’Ordre des médecins est alors, en effet, opposé à la légalisation de la loi. Il a publié un communiqué puis un rapport sur la question, rapport que l’Ordre a ensuite, comme le rappelle Jean Bastide dans son intervention, envoyé accompagné d’une lettre à tous les députés. Il cite un extrait de cette lettre dans laquelle le président écrit :« si la loi que vous aurez à voter devait libéraliser l’avortement, il serait indispensable pour sauver l’éthique menacée de toute part – expérimentation sur l’homme sain, euthanasie – que le personnel médical et paramédical habilité à faire ces avortements exerce sous un statut particulier. »

La loi est finalement adoptée dans la nuit du 28 au 29 novembre par 284 voix pour et 189 contre.
Après un passage au Sénat en décembre tout aussi houleux, la loi est finalement promulguée en janvier 1975.

Elle conclut des années de lutte pour le droit à l’avortement dont l’un des autres grands moments avait été la publication en avril 1971 par le magazine hebdomadaire Le Nouvel Observateur du manifeste dit des “343 salopes”, 343 femmes célèbres – telles Catherine Deneuve, Agnès Vara, Arianne Mnouchkine, Simone de Beauvoir ou Françoise Sagan – témoignant avoir avorté.

Aujourd’hui en France, 220 000 IVG environ sont pratiquées chaque année.

Extrait du discours de Simone Veil en ouverture des débats sur le projet de loi sur l'IVG

« Pourquoi donc ne pas continuer à fermer les yeux ? Parce que la situation actuelle est mauvaise. Je dirai même qu’elle est déplorable et dramatique. Elle est mauvaise parce que la loi est ouvertement bafouée, pire même, ridiculisée.

Lorsque les médecins, dans leurs cabinets, enfreignent la loi et le font connaître publiquement, lorsque les parquets, avant de poursuivre, sont invités à en référer dans chaque cas au ministère de la Justice, lorsque des services sociaux d’organismes publics fournissent à des femmes en détresse les renseignements susceptibles de faciliter une interruption de grossesse, lorsque, aux mêmes fins, sont organisés ouvertement et même par charter des voyages à l’étranger, alors je dis que nous sommes dans une situation de désordre et d’anarchie qui ne peut plus continuer. [...]

Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme ; je m’excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d’hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame. [...]

Actuellement, celles qui se trouvent dans cette situation de détresse, qui s’en préoccupe ? La loi les rejette non seulement dans l’opprobre, la honte et la solitude, mais aussi dans l’anonymat et l’angoisse des poursuites. »

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