Serge Sarkissian dénonce la ''boîte à outils de déni'' turque

Serge Sarkissian dénonce la ''boîte à outils de déni'' turque
Par Euronews
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A l’occasion du centenaire du génocide arménien, le 24 avril 1915, Euronews a rencontré le président arménien Serge Sarkissian, pour parler des

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A l’occasion du centenaire du génocide arménien, le 24 avril 1915, Euronews a rencontré le président arménien Serge Sarkissian, pour parler des relations entre les 2 pays, du message de l’Arménie au monde, et de la position de la Turquie sur ces évènements, toujours décrits par Ankara comme un massacre et non un génocide.

Olaf Bruns, euronews :

Président, votre pays commémore un épisode atroce, une indicible souffrance vécue par votre peuple. 100 ans plus tard , les plaies sont toujours profondes. Aujourd’hui, quel est votre message au monde?

Serzh Sargsyan, Président Arménien :

Les événements qui vont commémorer les victimes du génocide contiennent en eux-mêmes quelques messages. Le premier est le message du souvenir. Nous pensons que les crimes contre l’humanité n’ont aucune prescription. Et ils ne peuvent être oubliés avec le temps qui passe. Le deuxième message, c’est le message de gratitude, qui est directement liée au souvenir. La gratitude aux individus, organisations et nations qui, au moment le plus difficile pour nous, ont su parler et ont tendu une main, pour aider notre peuple à survivre. Le troisième message est un mélange des deux : il faut pévenir et empêcher la répétition de tels crimes. Il est de notre devoir d’identifier et de dénoncer les tendances qui peuvent demain provoquer ce type de crime. Il est nécessaire de lutter contre ces phénomènes, pour empêcher à l’avenir d’autres génocides, pour que d’autres crimes contre l’humanité ne se reproduisent. Enfin un message général : c’est le message de la renaissance de notre nation. Nous disons que, cette fois encore, ceux qui nous voulaient du mal n’ont pas réussi à nous effacer de la terre.

Olaf Bruns, euronews :

Tout le monde est d’accord , bien sûr, pour que les leçons du passé soient tirées. Mais même 100 ans plus tard, vos deux pays, la Turquie et l’Arménie, semblent encore retranchés, chacun dans sa logique. Y a t-il un moyen pour que vos pays travaillent ensemble sur d’autres sujets, ou est-ce que ce sera une pierre d’achoppement qui les sépare?

Serzh Sargsyan, Président Arménien :

En tant que président de la République d’Arménie, j’ai essayé deux fois d’engager cette voie. Et avant moi, les deux présidents qui m’ont précédé ont essayé eux aussi. Au début, nous avons déclaré notre volonté d‘établir des relations diplomatiques avec la Turquie, sans conditions préalables. Après, les deux parties auraient pu discuter et traiter toutes les questions. La deuxième tentative a été faite à la veille du centenaire du génocide arménien. Il y a plusieurs mois, j’ai envoyé une lettre au président de la Turquie. Cette lettre a été livrée en personne par notre ministre des Affaires étrangères, ce n‘était pas seulement une action médiatisée. Et par cette lettre, je l’ai invité à participer aux événements du 24 avril, et d’exprimer conjointement des condoléances pour commémorer toutes les victimes. Mais les autorités turques ont décidé, pour le 24 avril, le jour même de notre souvenir du génocide, ils ont décidé de commémorer la bataille des Dardanelles.

Olaf Bruns, euronews :

Ces derniers jours, les autorités turques ont exprimé leur colère, avec des déclarations virulentes et très rudes, après la déclaration du pape , et la résolution votée par le Parlement européen . Quel est votre sentiment devant une telle colère ?

Serzh Sargsyan, Président Arménien :

Pour nous, ces déclarations, et ces réactions de la partie turque, étaient de toute façon attendues. Nous avons toujours vu et entendu leur posture négationniste. A chaque fois, ils ont renouvelé leur boîte à outils de déni. En ce qui concerne la déclaration du pape, je crois qu’elle était appropriée. Vous savez, je crois qu’un monde sans aucun crimes contre l’humanité peut être atteint, grâce à l’action de quelques personnes fortes. Le Pape est un grand leader, juste et qui dit la vérité.

Olaf Bruns, euronews :

Qu’est-ce que la Turquie pourrait déclarer selon vous ? En d’autres termes : s’ils reconnaissaient le génocide, est-ce que les relations entre vos 2 pays seraient rétablies?

Serzh Sargsyan, Président Arménien :

Sans aucun doute, la reconnaissance du génocide par les Turcs est le chemin le plus court vers la réconciliation de nos nations. C’est ma conviction profonde : s’ils le font, et s’ils le font sincèrement, dans une courte période de temps, nos relations, je veux dire les relations entre les nations arménienne et turque, seraient rétablies à un niveau très élevé.

Olaf Bruns, euronews :

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La Turquie a proposé la formation d’un comité international d’historiens qui permettrait de régler la question une fois pour toutes, et qu’elle accepterait le résultat de ce comité. À votre avis, quel est le problème avec cette proposition ?

Serzh Sargsyan, Président Arménien :

Tout d’abord, cela ne s’est jamais vu. Il est inexact de penser que des historiens puissent s’asseoir autour d’une table pour prendre une décision commune, et régler un différend une fois pour toute. C’est le premier point. Deuxièmement, je ne peux pas imaginer comment une telle commission fonctionnerait, puisque les historiens turcs seraient sous la pression de la société et des autorités turques, et les historiens arméniens seraient sous la pression de la société et des autorités arméniennes. Mais même cela, ce n’est pas l’argument le plus important. L’essentiel, c’est que les structures spécialisées, les pays qui possèdent les plus grandes archives sur cette question, n’ont aucun doute. Je reviens à nouveau sur le Vatican: n’est-ce pas le Vatican l’un des pays les mieux informés sur les événements de la Première Guerre mondiale? Le Vatican subit-il une pénurie d’historiens bien formés ? Pour nous, une telle proposition est en elle-même une insulte, car elle remet en question le fait même et la véracité du génocide arménien. À la fin d’une seule journée, ce que les historiens savent très bien, combien de personnes sont mortes ? Y a t-il une différence si importante entre 1 million et demi, et 1 million 449 000 tués ?

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