Panama Papers, Snowden, LuxLeaks... Lanceur d'alerte, un métier à risque

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Par Euronews
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Sale temps pour les lanceurs d’alerte. Le procureur luxembourgeois David Lentz a requis ce mardi 10 mai 18 mois de prison contre Antoine Deltour et

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Sale temps pour les lanceurs d’alerte. Le procureur luxembourgeois David Lentz a requis ce mardi 10 mai 18 mois de prison contre Antoine Deltour et Raphaël Halet, à l’origine des LuxLeaks. Mais leur influence se fait tout de même sentir. Le même jour, le Panama annonce qu’il lèvera le secret bancaire à partir de 2018. Une conséquence directe des Panama Papers révélés un mois auparavant par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ).

Leur divulgateur, sous le pseudonyme John Doe, commence à s’exprimer dans la presse. Le 6 mai, il a remis au journal allemand Süddeutsche Zeitung un manifeste expliquant ses motivations. C’est à ce même média qu’il avait choisi pour envoyer les 11,5 millions de fichiers d’archives du cabinet d’audit Mossack Fonseca mettant à jour un vaste réseau d‘évasion fiscale.

En prenant cette initiative, John Doe a accepté de se mettre en danger. Il dit notamment agir pour imposer « la transparence, en fixant des standards pour la divulgation et l’accès public à ces informations ». Le sociologue et philosophe Geoffroy de Lagasnerie, lors de l’European Lab, forum organisé à Lyon en marge du festival des Nuits Sonores, rappelle qu’une telle transparence doit être mise en place pour défendre un régime politique démocratique. Elle ne doit pas être recherchée comme un but absolu.

D’autant plus que la transparence a souvent un prix. Le cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers (PwC) réclame un euro de préjudice au lanceur d’alerte de « LuxLeaks », Antoine Deltour, qui a révélé les pratiques fiscales de multinationales du Grand-Duché. Les accusations qui pèsent sur lui sont nombreuses : vol, divulgation de secret d’affaires, violation de secret professionnel, blanchiment et fraude informatique. A ses côtés sur le banc des accusés, on trouve un autre ancien de PwC, Raphaël Halet, et, symbole fort, un journaliste de France 2, Edouard Perrin.

Vidéo : Sarah Harrison (Wikileaks) juge que tous les Panama Papers auraient dû être publiés par le Consortium international de journalistes d’investigation

Echapper à la surveillance numérique

Dans plusieurs médias, les journalistes et leur hiérarchie se montrent frileux à l’idée de publier des documents qui leur font courir des risques. D’après Sarah Harrison, n°2 de Wikileaks et conseillère juridique de l’organisation, présente à l’European Lab, un journaliste sur six a déjà décidé de ne pas traiter un sujet par peur d‘être surveillé. Sarah Harrison indique que le quotidien britannique The Guardian aurait ainsi refusé de consulter certains documents de Wikileaks.

Les citoyens sont eux aussi concernés. Il convient, au niveau individuel, de se protéger d’une surveillance de masse. Sarah Harrison rappelle que l’espionnage peut désormais passer par une simple clef USB ou par interception de données téléphoniques. Pour elle, journalistes et citoyens devraient utiliser des alternatives pour consulter des vidéos et leurs emails, voire une « Freedom Box » pour se connecter de manière sûre. « Il faut montrer aux gouvernements qu’on ne se laissera pas faire, qu’on tient à notre vie privée », s’exclame la journaliste. Sans pour autant être paranoïaque : « Les agents de la NSA peuvent vérifier vos mails, mais ils ne le feront pas nécessairement. »

Le philosophe Geoffroy de Lagasnerie voit dans les capacités de transferts de données une réflexion plus globale sur la gouvernance. Pour lui, le « whistleblowing (fait de lancer des alertes) est une manifestation de souveraineté dans le monde contemporain ». Il soutient que « c’est un écroulement de la manière dont on pensait la politique » : l’individu se rend compte qu’il n’est pas soumis aux pouvoirs, mais que c’est le contraire, même si les répercussions juridiques des révélations faites par des lanceurs d’alerte restent rares.

Wikileaks l’assure : pour que les documents transmis par les lanceurs d’alerte aient un écho plus important, ils doivent être rendus publics sans filtre. Le journaliste n’a alors plus pour rôle le choix éditorial des documents qui seront publiés, mais doit veiller à leur contextualisation. L’organisation reproche donc à l’ICIJ de n’avoir mis qu’une partie des Panama Papers en ligne.

Pourtant, d’après John Doe, Wikileaks n’a pas souhaité se pencher sur les documents à propos desquels il l’avait alertée, avant d’aller voir les médias. Annegret Falter, présidente de Whistlerblower, l’association allemande de protection des lanceurs d’alerte, nuance : « Je pense qu’il faut faire la différence entre les informations d’intérêt public et les autres. Certaines peuvent ne pas être révélées. » Le secteur privé est particulièrement concerné par de telles fuites et réagit, avec la même intensité que les Etats, dans le domaine de la surveillance. « Les entreprises voudront toujours protéger leur commerce, rappelle Annegret Falter, » « donc il faudra toujours protéger les lanceurs d’alerte. »

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