Le conflit ukrainien s'enlise, dix mois après les accords de Minsk

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Par Euronews
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Dix mois après les accords de Minsk, le cessez-le-feu en Ukraine paraît encore bien fragile. Même si une trève de Noël a été finalement conclue avec

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Dix mois après les accords de Minsk, le cessez-le-feu en Ukraine paraît encore bien fragile. Même si une trève de Noël a été finalement conclue avec les rebelles pro-russes, le conflit est tout sauf réglé. Signe d’ailleurs que l’Union européenne n’est pas dupe, elle vient de prolonger ses sanctions contre Moscou jusqu’en juillet 2016.

Les accords de Minsk II signés en février 2015 ont eu un mérite : contenir un conflit qui aurait pu se transformer en véritable guerre frontale avec la Russie. Un scénario catastrophe que la diplomatie européenne a tout fait pour éviter préférant opter pour des sanctions économiques et diplomatiques. D’autant que le conflit a déjà fait 9.000 morts selon les Nations unies et que près d’un tiers des victimes sont mortes après les accords de Minsk.
Alors que s’achève l’année 2015, le bilan des accords de Minsk reste donc mitigé. Revue de détails.

Cessez-le-feu : des progrès malgré tout

“Le nombre de cas de violations du cessez-le-feu s’est clairement réduit depuis la mi-août”, a déclaré Alexander Hug, le responsable adjoint de la mission d’observation de l’OSCE en Ukraine dans un entretien exclusif accordé à Euronews. Cette désescalade est intervenue après un pic de violence enregistré entre les 15 et 16 août dernier.
Selon Alexander Hug, les échanges de tirs enregistrés ces dernières semaines ont été menés avec des armes de petits calibres. Il s’agissait néanmoins de mitrailleuses automatiques, de lance-grenades impliquant aussi du matériel d’infanterie avec parfois “en quelques occasions” l’utilisation d’armes lourdes, a confirmé Alexander Hug. Mais pour les observateurs de l’OSCE, les échanges de tirs restent limités à quelques zones bien précises : autour de l’aéroport de Donetsk, à Pesky, à Spartak et près de la ville de Horlivka.

L’entretien avec Alexander Hug, responsable adjoint de la mission d’observation de l’OSCE en Ukraine

L’accord militaire partiellement respecté

Le protocole de Minsk signé février dernier stipule que les Ukrainiens et les rebelles pro-russes retirent leurs armes lourdes (calibres de plus de 100 mm) à 25 km derrière les lignes de front. Ce retrait devant permettre la création d’une zone tampon de 50 km. Or force est de constater que ce retrait des armes lourdes n’a jamais été complètement respecté ni côté ukrainien, ni côté rebelles comme le montrent les rapport de l’OSCE même si ces armes lourdes n’ont pas (trop) été utilisées.
L’accord de février prévoyait également que chacune des deux parties ne devait pas redéployer ses forces militaires or ces engagements n’ont pas non plus été respectés.

Ainsi, il est établi que l’armée régulière ukrainienne tout comme les milices de la “République de Donetsk” et celle de Lougansk ont déplacé ici et là leur présence militaire dans des zones pourtant gelées par le protocole de Minsk. Officiellement, les deux camps n’ont pas violé le protocole en tant que tel mais en organisant ces transferts les deux camps se retrouvent parfois très proches l’un de l’autre, confirme un expert de l’OSCE occasionnant des escamouches sporadiques.

Pas d’alternative

Malgré ces violations, le protocole de Minsk demeure un cadre incontournable pour toutes les parties impliquées dans le cessez-le-feu. “Il n’existe aucune autre plate-forme, il n’y a aucun autre choix possible, c’est la seule marche à suivre”, martèle Alexander Hug, le responsable adjoint de l’OSCE en Ukraine. “Si les parties ne se parlent pas, la seule alternative est militaire”, souligne-t-il.
Signe justement que le dialogue se poursuit, les deux camps viennent de s’entendre concernant le déminage de douze secteurs. Un pas en avant salué comme il se doit d’autant que le minage constitue un réel obstacle aux pourparlers.

Techniciens sans frontières

Vadym Chernysh est le responsable de l’Agence d’Etat ukrainienne pour la relance écomonique de la région du Donbass (à l’Est du pays). Une relance qui passe par la fourniture de services essentiels que sont l’eau et l‘électricité. Or les réseaux de distribution ne connaisent pas de frontières. Et les techniciens chargés de leur entretien doivent souvent traverser ou se déplacer dans les zones de conflit.
Malgré le danger, “la coopération semble fonctionner”, explique Vadym Chernysh. Un bon point au regard du protocole de Minsk mais le fonctionnaire d’appeler au réel déminage du secteur pour assurer la sécurité des techniciens. Car dans les faits la sécurité au quotidien des agents n’est assurée que par le bon vouloir de certains groupes de rebelles.

La question frontalière en suspens

Afin de stopper la porosité des frontières entre la Russie et l’Ukraine, le protocole de Minsk était très clair : “les groupes armés illégaux, les équipements militaires, les combattants et les mercenaires” devaient se retirer afin de permettre aux observateurs de l’OSCE d‘établir des zones de sécurité. Or, ici aussi le respect des accords reste précaire. Le politologue pro-russe Mikhail Pogrebinsky, basé à Kiev, évoque trois conditions pour un retour à la normale : “le contrôle de la frontière sera rendu à l’Ukraine dès lors que Kiev aura autorisé des élections locales” dans les régions autonomes. Deuxième condition : que l’assemblée ukrainienne adopte une loi d’amnistie pour les combattants pro-russes. Enfin, que les républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk bénéficient d’un transfert de compétences.

Il est vrai que la question de l’autonomie des régions pro-russes fait partie intégrante des accords de Minsk. Ces derniers prévoient explicitement que l’Ukraine entame la révision de sa constitution “d’ici la fin de l’année 2015” basée sur une décentralisation des pouvoirs. Une obligation très mal vécue par les partis politiques ukrainiens qui considèrent cette partie de l’accord comme une menace sérieuse pour l’intégrité du pays.

Statut spécial ou Etat spécial ?

A ce propos, le président du Parlement ukrainien est très précis. Dans un entretien accordé à Euronews Volodymyr Groysma explique lpourquoi il est opposé à ce statut spécial : “Il est clair pour nous que la politique menée par nos agresseurs vise la séparation du pays en deux parties en nous contraignant à mettre en oeuvre un statut spécial mais ce n’est pas notre vision. Nous pensons que l’Ukraine est un Etat centralisé. Tout en demandant la réintégration des territoires (autonomistes) dans l’Ukraine, nous envisageons la mise en place d’une spécificité (pour ces territoires) que nous appelons l’auto-gouvernance.”

La controverse bat donc son plein depuis que le président de la République Petro Porochenko a pris la décision de respecter l’accord de Minsk qui accorde un statut spécial aux régions autonomistes. A Kiev, d’aucuns expliquent que Porochenko a été contraint d’accepter l’accord sous la pression de Paris et de Berlin qui craignaient une dangereuse escalade militaire avec la Russie. D’autres arguent que le président ukrainien a outrepassé ses pouvoirs en ne veillant pas à s’assurer que le parlement ukrainien accepterait cette contrepartie.

La prochaine étape interviendra en mars 2016 : les régions autonomes ont finalement accepté de participer aux élections locales ukrainiennes dont les résultats seront naturellement scrutés avec beaucoup d’attention. La question étant de savoir si ces élections pourront avoir lieu et dans quelles conditions.

A noter que la réforme de la constitution ukrainienne va de pair avec les recommandations de l’Union européenne concernant la gouvernance du pays. En échange d’un vaste programme de soutien économique, Bruxelles a exigé des contreparties en termes de réformes structurelles que Kiev doit maintenant mettre en oeuvre.

Accord stratégique

Seule certitude à ce stade : l’impasse actuelle et le calme relatif observé en Ukraine pourrait déboucher sur un statu quo à long terme reconnaissant de facto une séparation du pays (indépendanment de l’annexion de la Crimée par la Russie).

A court terme, des sources européennes indiquent vouloir d’abord obtenir des autorités russes qu’elles retirent leur opposition à la mise en oeuvre (à compter de janvier 2016) de l’accord d’association signé entre l’UE et l’Ukraine. Un accord qui demeure à l’origine de la crise actuelle.

Mais tout indique que Moscou semble camper sur ces positions. La Russie voit toujours d’un très mauvais oeil le renforcement des liens économiques entre l’Union et l’Ukraine. Et la décision des Vingt-huit prise le 17 décembre 2015 de maintenir les sanctions contre la Russie ne devrait pas plaider pour un déblocage de la situation. Bien au contraire .

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Entretien avec Vadym Chernysh, Chef de l’agence d’Etat ukrainienne pour la relance de la région du Donbass

Transcription en français de l’entretien

Vadym Chernysh : C’est le but de l’accord de Minsk qui dit comment nous devons aider les gens qu’il s’agisse de transports de charbon d’un point à un autre ou de la façon d’assurer la fourniture de gaz dans le voisinage des habitations. Cela concerne aussi les réseaux électriques.

Sergio Cantone : Il y a aussi des problèmes humanitaires…

Vadym Chernysh : Ce sont les plus gros problèmes. Parfois ce sont des problèmes socio-économiques, parfois non mais en fait ils font partie des problèmes humanitaires. Par exemple, lorsqu’il n’y a pas de gaz dans une ville, 12.000 personnes peuvent être concernées en même temps. Nous devons alors nous mettre d’accord pour que des équipes de maintenance puissent aller sur place sachant que le terrain est miné.

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C’est le cas dans la République de Donetsk ?

Vadym Chernysh : Oui, danc certaines zones de Donetsk et de Lougansk. Nous devons alors négocier avec les autorités (locales) et si c’est nécessaires nous devons aussi négocier avec le groupe de contact (Russie, Ukraine, OSCE).

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