France : le burkini, un faux débat ?

France : le burkini, un faux débat ?
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Par Sophie Desjardin
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A gauche, un bikini.

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A gauche, un bikini. A droite, un burkini. On pourrait croire, à priori, que si l’un devait être accusé de ne pas être “correct et respectueux des bonnes moeurs”, tel que décrit par l’arrêté municipal de Cannes, ce serait le premier. Il n’en est rien. C’est bien le burkini qui fait débat en France cet été. Et ce débat illustre bien la confusion dans laquelle se trouvent les autorités françaises.

D’après l’arrêté, pris par la mairie de Cannes, interdisant le vêtement, le contexte terroriste est évoqué, stipulant les risques de trouble à l’ordre public. Il est également précisé, sans jamais nommer le burkini, qu’une tenue de plage, respectant la laïcité, est obligatoire. Quant au maire de Villeneuve-Loubet, l’autre commune qui a interdit le burkini, il se justifie ainsi : “Je voudrais qu’on cesse de vouloir se singulariser pour se mettre dans une sorte d’apartheid, d’abord vestimentaire, et en dehors de la communauté de la République. Ici, c’est la France, c’est la République française, tout le monde est à égalité, sans distinction de race ou de religions.”

Mais qu’est-ce que la “communauté de la République” ? Y-a-t-il, en France, un uniforme à respecter dans les lieux publics ? Il n’y a aucun cadre légal pour une interdiction de ce vêtement, créé en 2003, par une styliste libanaise en Australie, et destiné à permettre aux musulmanes de se baigner en respectant leur croyance.

“La seule tenue qui est interdite, c’est la burka qui dissimule le visage. Ce n’est pas le cas du burkini”, rappelle Feiza Ben Mohamed de l’association des musulmans de France. Aujourd’hui, les filles qui se baignent avec un burkini, cachent les mêmes surfaces que celles qui sont voilées, donc on est en train de stigmatiser et d’exclure des plages et des zones de baignade les femmes musulmanes.”

Incompréhension des concernées, comme cette jeune fille, sur une plage, qui résume en quelques mots la confusion ambiante : “C’est ridicule, parce que moi, je vois des personnes toutes nues et je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas s’habiller”.

À l‘étranger, ce débat, très français, étonne ou amuse. Quelle différence entre ce vêtement et les combinaisons de surf ou celles que portent les petits blonds pour se protéger du soleil ? Difficile de justifier de telles décisions. Pour Hervé Lavisse, de la Ligue des droits de l’Homme, c’est même dangereux : “Il attise les haines. Il fait de cette guerre une guerre entre populations, et c’est abominable. On va, entre Français, faire une distinction maintenant permanente pour trouver le salafiste ou la salafiste.”

Reste que le contexte est tendu. En pleine vague de terrorisme, et alors que la France découvre depuis quelques années, avec horreur, que ses propres enfants sont radicalisés, les autorités peinent à apporter des réponses adéquates. En Corse, il aura fallu quelques femmes en burkini sur la plage et des jeunes qui les prennent en photo pour qu‘éclate une rixe et se déchaîne le rejet de l’autre. “On a voulu leur faire voir que là, on est chez nous, en Corse, nous, on est chez nous”, dit un villageois en colère.

L’interdiction du vêtement incriminé est-elle de nature à éviter les tensions comme l’argumentent les maires des communes concernées ou de nature à renforcer la stigmatisation des musulmans? Dans tous les cas, la vraie question est : cette interdiction sert-elle les intérêts de la lutte anti-terroriste?

Le burkini en quelques mots

Le burkini, un maillot de bain intégral destiné aux musulmanes, est une fusion des mots “burqua” et “bikini”. Il est vendu par plusieurs sites de commerce en ligne. En mars dernier, l’enseigne britannique Marks & Spencer avait lancé sa ligne de burkinis, déclenchant une polémique

En France, trois communes ont interdit le port de ce vêtement de bain sur leurs plages : Cannes, Villeneuve-Loubet et Sisco en Corse. Le maire (Les Républicains) du Touquet, dans le Pas-de-Calais, a annoncé à son tour son intention d’interdire le burkini, même s’il reconnaît n’en n’avoir jamais vu sur les plages de la ville.

Impossible de dire combien de femmes en France portent ce maillot de bain. A Cannes, depuis la mise en place de l’arrêté, fin juillet, six femmes ont été priées de quitter la plage, selon la mairie. Les contrevenantes s’exposent à une amende de 38 euros.

Les réactions à l‘étranger

Un “acte de fanatisme insensé” (The Telegraph), une “décision sexiste” (Huffington Post) ou encore une interdiction “stupide” pour The Guardian qui s’est amusé à donner cinq raisons de porter un burkini :

- Déclencher une folie médiatique – Économiser de la crème solaire et de la cire pour s‘épiler – Diversifier les moyens de libération de la femme – Souligner le ridicule – Célébrer la liberté

Five reasons to wear a burkini – and not just to annoy the French | Remona Aly https://t.co/5ItRjKhtit

— The Guardian (@guardian) 15 août 2016

De son côté, la BBC fait remarquer avec ironie qu’il est difficile de distinguer un burkini d’une tenue de plongée.

Classic BBC. 'Hard to distinguish between burkinis & wetsuits'. Sure. Cos winter wetsuits are a big thing in Cannes https://t.co/G652LmVEq4

— Katie Hopkins (@KTHopkins) 14 août 2016

Réaction aussi en Espagne. Le journal El Pais s‘étonne également du débat sur l’interdiction du burkini en France. Le journaliste écrit : “Si c’est un problème d’hygiène (…) il faudrait peut-être alors réfléchir à l’interdiction des maillots, des lunettes de plongée et des combinaisons thermiques pour les frileux”.

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