Sommet de la francophonie : « La population malgache ne semble pas associée »

Sommet de la francophonie : « La population malgache 
ne semble pas associée »
Par Olivier Peguy
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Thierry Auzer est le directeur du théâtre des Asphodèles à Lyon.

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Thierry Auzer est le directeur du théâtre des Asphodèles à Lyon. Il est aussi fondateur de fondateur de la Caravane des dix mots. Présent à Antananarivo pour le sommet de la Francophonie, il livre son sentiment sur ce rendez-vous qu’il considère comme trop institutionnelle et éloignée de la population. Interview

Olivier Péguy, Euronews
C’est le 6ème forum international que vous organisez à l’occasion de sommet de la francophonie (après Budapest, Québec, Dakar…) Quelle est la spécificité de l’escale cette année à Madagascar ?

Thierry Auzer, Président de la Caravane des dix mots
Nous avons une longue histoire avec Madagascar. Il se trouve que dès 2006 la Compagnie théâtrale malgache Miangaly s’est intéressée à notre démarche et l’a adaptée à ses pratiques, son public et son territoire.

Plus que pour les autres Forums, nous avons pu travailler en partenariat avec des artistes malgaches, marionnettistes, plasticiens, comédiens, slameurs qui nous accompagnent dans les actions sur le terrain, dans des ONG comme L’Aléa des possibles ou Graines de Bitume.

Ce Forum bénéficie aussi d’une belle dynamique sous régionale avec la présence de caravaniers des Comores, de l‘île Rodrigues ou d’Afrique du Sud, qui nous pousse encore plus à questionner la richesse du lien entre francophonie et plurilinguisme. La langue n’est pas figée dans le dico de l’Académie française mais extraordinairement vivante et inventive, surtout quand elle se frotte au quotidien à d’autres langues maternelles, secondes, officielles, argotiques, etc.

Tous les artistes de ce Forum 2016 témoignent d’un rapport à l’art et la parole très divers. Et partout la langue française s’enrichit du dialogue avec les autres langues.

Euronews
Il y a dans votre projet une dimension citoyenne car vous souhaitez “faire entendre la voix des sociétés civiles”. Est-ce à dire que les sociétés civiles, les populations, ne sont pas assez présentes dans ces sommets de la francophonie, et en particulier dans le sommet à Antananarivo ?

Thierry Auzer
Les organisations de la société civile ne sont pas invitées au Sommet et nous sommes convaincus que ce sont les acteurs culturels, économiques, éducatifs, etc. qui sont ceux qui donneront vie à une francophonie réelle et ressentie par les populations.

Très concrètement, à Antananarivo, les gens ne comprennent pas ce qu’est ce Sommet de la francophonie. Les écoles publiques sont fermées cette semaine pour limiter les embouteillages et faciliter les déplacements des cortèges officiels.

Les habitants ont l’impression qu’on veut cacher la réalité de leur quotidien aux yeux du monde. Le Village de la Francophonie a été construit en dehors de la ville et présentera de l’artisanat et une programmation payante. Les populations ne semblent pas associées à ce qui devrait être une grande fête.

Euronews
Quel regard portez-vous sur la francophonie aujourd’hui ?

Thierry Auzer
Je suis un idéaliste et je préfère vous parler de la francophonie que j’aime.
En 2006, en organisant à Bucarest, pendant le Sommet de la Francophonie, le premier Forum international des Caravanes des dix mots, notre association a anticipé le rôle essentiel de la diversité culturelle comme socle de la vitalité future de la francophonie des peuples.

Depuis dix ans, notre présence aux Sommets de Québec, Montreux, Kinshasa, Dakar nous a permis de faire l’expérience de la richesse, du potentiel et des difficultés de la construction d’un espace francophone plus solidaire et respectueux des droits culturels.

Et si dans ce monde multipolaire, nous parvenions à “imposer” que la Francophonie prenne appui sur le socle solide de cette diversité ? Qu’elle n’appartienne à personne, à aucun pays, à aucune nation, mais qu’elle appartienne à tous ses locuteurs ? Chacun d’entre nous doit ressentir cette force pour la transmettre avec un regard visionnaire de ce que nous pouvons construire dans le siècle qui vient.

Osons donc imaginer des pistes alternatives afin d’utiliser la diversité culturelle comme une force pour une francophonie riche, saine, attractive et productive, ne laissant personne sur le bord de la route ! À l‘échelle internationale, pourquoi ne pas imaginer des échanges collaboratifs entre des étudiants issus de différents territoires et des citoyens porteurs de projets locaux ? Une manière de structurer ces initiatives qui ont parfois du mal à être prospères, d’en déterminer l‘économie, la gouvernance, les capacités de développement, de défricher de nouveaux marchés, de nouveaux territoires.

Ici, ailleurs, dans chacun de nos territoires, faisons de la francophonie une réalité vivante, en soutenant des projets culturels mêlant habitants et migrants, le tout en langue française, afin de montrer que cette langue peut être un merveilleux facteur de création et d’intégration.

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