"Macron stop !" Hostilité kanak près de la grotte d'Ouvéa

Des Kanak manifestent à Koné en 2003
Des Kanak manifestent à Koné en 2003 Tous droits réservés REUTERS / Philippe Wojazer
Par Joël Chatreau
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La première visite d'un président français ce samedi sur l'île d'Ouvéa, au coeur de l'histoire tragique de la Nouvelle-Calédonie, n'est pas sans risque. Dans la partie nord, les Kanak de Gossanah ne souhaiteront pas la bienvenue à Emmanuel Macron. Ils vont jusqu'à parler d'une "insulte".

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"Non à Macron le 5 mai", "Macron stop !", ces messages à l'intention du président français ne peuvent pas être plus clairs. On peut les lire en entrant sur le territoire de la tribu kanak de Gossanah, dans le nord de l'île d'Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie. C'est là, il y a 30 ans, qu'un assaut sanglant du GIGN, l'unité d'élite de la gendarmerie, avait fait 21 morts, 19 indépendantistes et deux militaires parmi la quinzaine qui étaient retenus en otages dans une grotte. Les exécutions sommaires de plusieurs kanak avaient choqué la population d'Ouvéa, et le temps n'a pas encore permis d'effacer totalement le traumatisme.

Voici pourquoi Emmanuel Macron, qui est pourtant le premier chef d'Etat français à oser se rendre sur place, n'est pas le bienvenu à Wadrilla, le site où dix-neuf poteaux sculptés rendent hommage aux victimes kanak de l'assaut. "La France nous a toujours trompés. Macron ne doit pas être sur la tombe des 19 le 5 mai. C'est une insulte, c'est une provocation", fait savoir le collectif de Gossanah dans un communiqué. L'Elysée, estimant que ce comité est minoritaire, dit se fier aux autorités tribales pour assurer la sécurité pendant la visite.

Enchaînement d'événements tragiques en 1988-1989

La prise d'otages, qui s'était achevée en bain de sang le 5 mai 1988, découlait de l'attaque de la gendarmerie de Fayaoué par un commando indépendantiste le 22 avril précédent : quatre gendarmes avaient déjà été tués lors du raid. 

Une série noire débutait en Nouvelle-Calédonie puisqu'un an plus tard presque jour pour jour après l'assaut contre la grotte d'Ouvéa, le 4 mai 1989, les principaux chefs nationalistes kanak, Jean-Marie Tjibaou et son bras droit, Yéweiné Yéweiné, étaient assassinés par un membre de leur propre camp; ce dernier n'avait pas digéré les accords de paix de Matignon, signés en juin 1988 par le gouvernement français dirigé par le socialiste Michel Rocard, les anti-indépendantistes menés par Jacques Lafleur et les Kanak de Tjibaou.

Eviter le faux pas avant le référendum d'indépendance

Les violents affrontements entre les deux "frères ennemis" avaient déjà fait au moins 70 morts. Selon l'Elysée, 30 ans plus tard, il s'agit maintenant pour le président d'honorer les morts mais également de "saluer toutes les réconciliations", celles qui ont pu se faire depuis entre les familles néo-calédoniennes endeuillées et la gendarmerie.

Pour le moment, le président français se contente de mener des opérations séduction, ci-dessous à Koné, le chef-lieu de la province Nord, sur la côte de la Grande Terre :

Ce samedi, Emmanuel Macron doit enchaîner trois cérémonies et prononcer un discours sur l'île d'Ouvéa, mais il préfère éviter de se rendre à la grotte de la tragédie. La paix est trop précieuse, et à quelques mois du référendum crucial sur l'indépendance, organisé dans l'archipel le 4 novembre prochain, les autorités françaises ne veulent surtout pas fragiliser le processus qui a mis si longtemps à convaincre une majorité de la population.

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