Venezuela : l'opposition morcelée face à Maduro

Venezuela : l'opposition morcelée face à Maduro
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Par Anne-Lise Fantino
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L'élection présidentielle prévue le 20 mai au Venezuela donne le chef de l'Etat Nicolas Maduro grand favori du scrutin, face à une opposition désunie, dans un contexte de crise économique majeure.

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Le 20 mai prochain, le président vénézuélien Nicolás Maduro sera confronté à une opposition dont le visage a bien changé depuis les élections de 2013. Voici quelques explications à l'approche du scrutin, qui se dérouleront dans un paysage politique sous tension.

1 - Qui sont les adversaires de Maduro lors des prochaines élections ?

La Mesa de la Unidad Democrática (MUD) est une coalition qui fédère plusieurs partis et qui, jusqu'à présent, menait l'opposition vénézuélienne. Cette fois, elle a appelé à l'abstention et au boycott du scrutin, estimant que les élections présidentielles ne respectaient pas les garanties démocratiques nécessaires de justice et de transparence.

Sa position était connue depuis février, lorsque son coordinateur, Ángel Oropeza, a lu une déclaration dans laquelle il décrivait les élections comme un "spectacle" orchestré par le gouvernement Maduro, "au milieu de l'agonie et de la souffrance du peuple vénézuélien".

Cependant, Henri Falcón, le leader d'Avanzada Progresista (AP), a décidé de faire sécession pour se démarquer, et pour combler l'espace politique laissé par l'opposition.

"Voter est un engagement envers le pays, l'abstention ne sert à rien, les politiciens ne peuvent pas rester les bras croisés et nous devons nous défendre", a-t-il affirmé pour justifier sa décision lors d'une interview télévisée. 

Une autre candidature a émergé récemment : celle Falcon a été rejoint par la candidature du pasteur évangélique Javier Bertucci, qui s'est présenté comme "la lumière dans les ténèbres".

Et il y a un troisième candidat en lice à vouloir détrôner Nicolas Maduro : Reinaldo Quijada, candidat à la présidence de l'UPP 89, qui cible une partie très spécifique de l'électorat : les chavistes insatisfaits de Maduro. Ses discours opposent le chavisme au madurisme. "Le sacrifice du président Chávez a été perdu entre les mains de ces personnes", a-t-il déclaré en présentant sa candidature.

2- Qui est Henri Falcón ?

Henri Falcón est un ancien chaviste connu pour ses errements politiques. En 2010, il a quitté le Parti Socialiste Unifié du Venezuela (PSUV). Après une carrière militaire et après avoir exercé en tant qu'avocat, il a plongé dans le grand bain de la politique : il a occupé le poste de gouverneur de l'état du nord de Lara et a été maire d'Iribarren, à Barquisimeto.

"Leur principal moteur, qui leur offre des opportunités, bien sûr, provient de la consternation générale face aux réalités du modèle politico-économique actuel du Venezuela ", explique à Euronews Tim Gill, expert vénézuélien à l'Université de Caroline du Nord, à Wilmington.

"Falcon a promis d'augmenter le salaire minimum dans le pays, de libérer les militants de l'opposition et, au moins temporairement, de remplacer la monnaie locale par le dollar pour stabiliser l'économie et lutter contre la corruption du gouvernement".

Le MUD l'accuse d'être un traître, qui a rompu l'accord de boycott des élections, et de faciliter la " farce électorale " de Maduro.

3- Qui est Javier Bertucci ?

Bertucci est considéré comme un "outsider", car son parcours l'a emmené jusque-là à mille lieux de la politique. Pasteur évangélique, mais aussi homme d'affaires, Bertucci a décidé d'abandonner temporairement son ministère religieux au sein de l'église chrétienne de Maranatha, au Venezuela, en février dernier, pour tenter d'évincer Maduro.

Il se définit lui-même comme "un candidat indépendant, sans passé politique" et critique l'appel à l'abstention du MUD. Il considère en effet comme une grave erreur la possibilité de laisser le champ libre à Nicolas Maduro, et le fait de "continuer avec le discours selon lequel tout est un piège".

Cependant, des soupçons pèsent aussi sur Bertucci, perçu comme un candidat "surprise". Certains n'hésitent pas à le désigner comme l'homme de paille du chavisme, qui permettrait de légitimer la réélection de Maduro. Une accusation dont il doit répondre à chaque interview donnée à la presse.

"Cette proposition n'a rien à voir avec le gouvernement, a-t-il asséné au quotidien à El Nacional.

Dans son programme, il présente un gouvernement conservateur qui n'adopterait pas de lois pour légaliser le mariage pour tous, ni l'avortement au Venezuela.

4- Qui est Reinaldo Quijada ?

Ingénieur et rédacteur en chef du groupe d'édition Aporrea, Quijada défend la révolution bolivarienne initiée par Chávez, mais critique la gestion ultérieure menée par Maduro. Son parti Unidad Política Popular 89 (UPP 89) est une fracture récente au sein du chavisme.

"Le gouvernement a affirmé que nous étions un parti d'opposition, nous sommes certainement opposés au gouvernement du président Maduro, nous sommes certainement opposés au PSUV (parti du gouvernement), mais nous ne sommes pas opposés au processus révolutionnaire", a déclaré Quijada lors d'un entretien avec l'agence espagnole EFE. Il dit chercher à promouvoir "une nouvelle référence politique révolutionnaire et le sauvetage moral du pays".

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5 - Comment l'opposition a-t-elle évolué depuis les dernières élections ?

Lors des élections présidentielles de 2013, Henrique Capriles a réussi à fédérer derrière sa candidature tous les partis du MUD, et à rattraper son retard sur Nicolas Maduro d'une manière inédite.

Si Hugo Chávez a battu Henrique Capriles de dix points, Maduro n'a obtenu que 234 935 voix de plus que le chef de l'opposition. Henri Falcon a assuré que, s'il gagnait, Henrique Capriles, qui a été disqualifié politiquement pendant 15 ans, ferait partie de son cabinet.

Néstor Castañeda, professeur à l'Institut des Amériques de la University College London, affirme qu'après sa victoire aux élections législatives de 2015, " l'opposition n'a pas été en mesure de consolider un projet politique capable de contrebalancer les mécanismes du parti socialiste".

Tous les scénarios semblent défavorables à l'opposition, estime-t-il. "Même si Falcón crée la surprise électorale, l'opposition traditionnelle, représentée par le MUD, semble destinée à être complètement exclue du jeu politique ", dit-il. "Comme on l'a observé dans un passé récent, les partis ou mouvements qui forment l'opposition au Venezuela sont faibles, ont peu de militants et très peu de ressources pour rivaliser [avec le pouvoir].

6 - Quelles sont les réelles chances des candidats d'opposition face à Maduro ?

Henri Falcon semble être le seul candidat à présenter des options solides, pour tenir tête à Nicolas Maduro. 

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L'institut de sondages vénézuélien Datanálisis prévoit un scrutin au coude-à-coude entre le président et le dissident. Cependant, les études réalisées par Delphos créditent Nicolas Maduro de 43 % des suffrages, contre 24 % pour Falcón. L'institut International Consulting Services (ICS) prévoit une victoire bien plus large de Maduro, qui recueillerait selon lui 55,9 % des voix, et Falcón seulement 24,4 %. Bertucci, qui arriverait en troisième position, récolterait 16,2 % des voix, d'après ses estimations.

"Certains sondages montrent que Falcon est plus populaire que Maduro, et qu'il pourrait le battre", soutient Tim Gill. "Cependant, l'opposition vénézuélienne a le plus souvent boycotté les élections, et il y a de fortes inquiétudes quant au caractère libre et équitable des élections à venir".

"Ces deux dynamiques peuvent freiner la participation électorale, ce qui, en fin de compte, serait de bon augure pour Maduro, car ses partisans continueront vraisemblablement à y prendre part pour lui témoigner leur soutien".

Pour Néstor Castañeda, le scénario électoral risque de s'avérer compliqué pour Henri Falcón. "Il n'a pas réussi à mobiliser suffisamment de forces politiques en vue des élections du 20 mai, et n'a pas réussi à établir un programme politique clair pour faire face à la situation économique complexe du Venezuela".

"D'autre part, l'élite militaire a encore des liens étroits avec Nicolas Maduro et on ne sait pas quel espace ils sont prêts à accorder à d'autres mouvements politiques", prévient-il.

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