Emigrer : le rêve du petit Felipe, mort aux Etats-Unis, c'est celui de tout son village au Guatemala

Emigrer : le rêve du petit Felipe, mort aux Etats-Unis, c'est celui de tout son village au Guatemala
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Le petit Felipe Gomez, décédé la nuit de Noël aux Etats-Unis, était animé à l'âge de huit ans par le même rêve que de nombreux habitants de son village natal de Yalambojoch, à l'ouest du Guatemala : émigrer au nord du Rio Grande pour fuir la misère.

Originaire de ce village maya d'une région montagneuse reculée, proche de la frontière mexicaine, le petit garçon était entré illégalement aux Etats-Unis avec son père, Agustin Gomez, 47 ans. Ils avaient été appréhendés par les gardes frontière.

Sa mort, pour des raisons encore inconnues, seize jours après celle d'une fillette de sept ans, également une migrante illégale en provenance du Guatemala, a soulevé une vive émotion, aux Etats-Unis et dans le monde.

Le regard perdu, les yeux rougis par le chagrin, la mère de l'enfant, Catarina Alonzo, âgée de 31 ans, reçoit l'équipe de l'AFP devant la cabane où loge la famille.

Dans sa langue maya-chuj, traduite par sa belle-fille, prénommée elle aussi Catarina, elle répète ce que lui a dit le petit garçon avant de quitter le village : "Maman, je vais partir avec papa. Je vais aller là-bas pour étudier et après je vais travailler pour vous envoyer de l'argent"...

Pour la mère de Felipe, il n'est pas question de porter plainte contre qui que ce soit. La seule chose qu'elle attend maintenant, c'est le corps de son enfant, pour l'enterrer dans son village natal, à plus de 180 km de la capitale, Guatemala.

-"Il en rêvait"-

C'est la vie "dure" qui a poussé père et enfant à prendre la route des Etats-Unis, explique Catarina Alonzo. C'est vrai, reconnaît la demi-soeur de Felipe, que le père avait entendu dire qu'il aurait plus de chances d'être accepté aux Etats-Unis s'il était avec l'enfant. Mais Felipe était plus que partant, insiste-t-elle.

"Il était très heureux. Il en rêvait, de partir là-bas, de pouvoir aller à l'école, de s'en sortir", explique la demi-soeur de Felipe, âgée de 21 ans.

Dans une pièce de la masure : un autel fleuri sur lequel ont été déposés des cierges et des photos de l'enfant. Des bottes d'enfant en plastique noir, un petit sac-à-dos bleu et un jouet en forme de petit chien sont présentés aussi, n'attendant que le corps de Felipe pour la veillée funèbre.

Dans le village, à côté des cabanes en planches, d'autres maisons en maçonnerie sont fièrement érigées : ce sont les demeures de ceux qui ont un parent aux Etats-Unis et qui reçoivent de l'argent de "là-bas".

-Haricots et galettes de maïs-

"Celui qui s'en va et réussit à arriver aux Etats-Unis, la première chose qu'il fait c'est économiser de l'argent et en envoyer pour d'abord faire construire une maison", explique le maire de Yalambojoch, Lucas Pérez, 45 ans. Pour lui, c'est clair : c'est la misère qui pousse ses compatriotes à prendre la route.

Les agriculteurs gagnent entre 4,5 et 6,5 dollars par jour. Les menuisiers s'en tirent "un peu mieux", avec environ 13 dollars quotidiens, selon le chef de cette communauté de quelque 1.500 villageois qui se nourrissent presque exclusivement de haricots et de galettes de maïs. Les plus chanceux élèvent un cochon, dont la vente annuelle leur rapporte un peu d'argent.

Selon les statistiques officielles, près de 59,3% des 16 millions d'habitants du Guatemala vivent sous le seuil de pauvreté, et ce taux peut atteindre 80% dans les villages indigènes, surtout dans le nord et l'ouest du pays, d'où partent la majorité des migrants.

-Deux tragédies, une même histoire-

"Ici, nous ne recevons aucune aide du gouvernement, ni du gouverneur de la province, et encore moins du pouvoir local. Pendant la campagne électorale, pour ça oui, (les hommes politiques) viennent nous voir... Mais une fois qu'ils sont au pouvoir, personne ne se souvient de nous", déplore Lucas Pérez.

Le village de Yalambojoch a aussi subi les violences de l'armée et, en 1982, il a été déserté par ses habitants qui ont fui au Mexique, dans la province du Chiapas, se souvient-il.

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L'histoire de Felipe est aussi celle de Jakelin Caal, morte à sept ans, et enterrée le jour même du décès du petit garçon. Partie elle aussi avec son père en quête du "rêve américain", elle aussi avait été arrêtée par les gardes frontières, et elle est décédée elle aussi, le 8 décembre, pour des raisons encore inconnues alors qu'elle était aux mains des autorités américaines.

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