En Algérie, les incarcérations d'ex-dirigeants n'ont pas calmé la rue

Des Algériens manifestent pour un changement de système le 14 juin à Alger, pour le 17e vendredi consécutif
Des Algériens manifestent pour un changement de système le 14 juin à Alger, pour le 17e vendredi consécutif Tous droits réservés RYAD KRAMDI
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L'emprisonnement d'ex-dirigeants politiques piliers de la présidence d'Abdelaziz Bouteflika n'a pas calmé la contestation en Algérie, où les manifestants se sont à nouveau mobilisés en masse vendredi pour réclamer le départ de "tout le système".

Ce 17e vendredi consécutif de manifestations coïncide à Alger avec le 18e anniversaire, jour pour jour, d'une grande marche kabyle sur Alger, le 14 juin 2001, violemment réprimée et qui avait tourné à l'émeute. Toute manifestation est depuis strictement interdite dans la capitale algérienne.

L'interdiction est toujours en vigueur mais depuis le 22 février, la police ne peut empêcher le mouvement de contestation inédit et massif d'envahir les rues chaque vendredi et certains autres jours.

Ce vendredi, les rues d'Alger étaient noires de monde, la foule défilant aux cris de "Voleurs, vous avez pillé le pays!", à l'issue d'une semaine marquée par le placement en détention préventive de deux anciens Premiers ministres et proches de M. Bouteflika, Ahmed Ouyahia, 66 ans et Abdelmalek Sellal, 70 ans.

Pas plus que la démission d'Abdelaziz Bouteflika le 2 avril, ces incarcérations n'ont calmé les manifestants qui ont continué de réclamer massivement le départ de tous les anciens fidèles ayant accompagné le président déchu durant ses 20 ans au pouvoir.

Ils visaient notamment le président par intérim Abdelkader Bensalah, le Premier ministre Noureddine Bedoui et le chef d'état-major de l'armée, le général Ahmed Gaïd Salah.

Après l'annulation, faute de candidat, de la présidentielle prévue le 4 juillet pour élire un successeur à M. Bouteflika, le pouvoir intérimaire appelle à un dialogue rejeté par les manifestants qui réclament des institutions de transition. Ils refusent catégoriquement que les proches de l'ex-président encore aux commandes organisent la présidentielle.

- Yaourts -

Très impopulaire pilier de la présidence Bouteflika (1999-2019), sous laquelle il fut trois fois Premier ministre, M. Ouyahia est visé par une enquête pour des fraudes présumées dans des marchés publics.

Certains manifestants ont célébré sa disgrâce en brandissant des pots de yaourts: on prête à M. Ouyahia d'avoir un jour expliqué, à propos d'une hausse des prix des produits laitiers, que les Algériens "n'étaient pas obligés de manger des yaourts".

Autre proche de M. Bouteflika, dont il fut le Premier ministre de 2014 à 2017 mais aussi le directeur de quatre campagnes présidentielles, Abdelmalek Sellal et un ancien ministre, Amara Benyounes, ont rejoint jeudi M. Ouyahia à la prison d'El Harrach, dans la banlieue d'Alger, où sont également déjà incarcérés plusieurs hommes d'affaires influents.

La plupart sont soupçonnés d'avoir profité de leurs liens privilégiés avec le chef de l'Etat ou son entourage pour obtenir des marchés publics ou divers avantages.

"Ils méritent ce qui leur arrive car ils ont pillé les richesses du pays et doivent répondre de leurs actes devant le peuple", s'est réjouit vendredi Mohamed, 56 ans, un manifestant.

"L'emprisonnement de Ouyahia et Sellal est une excellente chose", a expliqué Chérif Tigrine, menuisier de 40 ans, "mais on doit continuer" à manifester jusqu'au départ des anciens fidèles de M. Bouteflika.

Certains étaient plus dubitatifs, comme Hamid Frik, 53 ans, cadre dans une entreprise pharmaceutique: "Les procédures contre "Ouyahia, Sellal et les autres sont un pas positif, allant dans le sens des demandes de la rue."

- "Printemps noir" -

Pour Ahmed Oussaidane, 54 ans, c'est "un règlement de comptes entre anciens acolytes de Bouteflika". "L'emprisonnement de Ouyahia et les autres, c'est de la poudre aux yeux" estime aussi Youcef Adel, retraité.

"Il reste encore Bensalah et Bedoui" en liberté, ont scandé les manifestants qui ont aussi appelé à ce qu'Abdelaziz Bouteflika, 82 ans et invalide, soit "ramené en fauteuil roulant" devant la justice.

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De nombreux slogans et banderoles ont visé directement le général Gaïd Salah, véritable homme fort du pays depuis la démission de M. Bouteflika et qui a ouvertement appuyé - voire ordonné, avancent certains observateurs - les enquêtes anticorruption.

"Gaïd Salah à la poubelle" ont crié les manifestants.

Dans le cortège, des banderoles rappellaient également l'anniversaire de la répression de la marche du 18 juin 2001 à Alger, en plein "Printemps noir", révolte de la région de Kabylie (nord) déclenchée par la mort d'un lycéen dans un commissariat et qui fut réprimée dans le sang par les autorités.

"Avril 2001 et février 2019, même combat", "Mouvements citoyens 2001 et 2019, la lutte continue", proclamait une pancarte brandie par un manifestant, selon une photo publiée sur les réseaux sociaux.

Selon le site d'information en ligne TSA (Tout sur l'Algérie), inaccessible depuis mercredi en Algérie - un acte de censure selon ses responsables - d'importantes manifestations se sont déroulés également, comme les autres vendredis, dans plusieurs localités.

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L'agence de presse officielle APS a recensé des cortèges dans 35 des 48 régions du pays, sans incident. Les manifestants de quatre régions méridionales sortiront en outre en soirée en raison des fortes températures.

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