Stonewall, 28 juin 1969: quand la communauté gay encercle la police de New York

Martin Boyce, devant le bar gay Stonewall Inn à New York, le 12 juin 2019
Martin Boyce, devant le bar gay Stonewall Inn à New York, le 12 juin 2019 Tous droits réservés Angela Weiss
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"C'était la première fois que notre communauté emprisonnait des policiers alors que, jusque-là, c'était toujours eux qui nous emprisonnaient": Mark Segal, un ancien de Stonewall, se souvient de la première des six nuits d'émeutes à New York qui ont propulsé la cause homosexuelle et changé la vie de millions de personnes.

C'était il y a cinquante ans, dans la nuit du vendredi 27 au samedi 28 juin 1969. Vers une heure du matin, de jeunes homosexuels dont Mark Segal, des lesbiennes, des "drag-queens" et des transsexuels décident de résister à une énième descente de police dans le bar gay The Stonewall Inn, au coeur de Greenwich Village, et d'encercler les policiers venus les appréhender.

Mark Segal a alors 18 ans. Il est arrivé quelques semaines plus tôt de Philadelphie.

Il raconte aujourd'hui la "folle passion" et "la joie pure" de ces journées, même s'il ignorait encore la dimension historique qu'elles allaient prendre.

En cette fin des années 1960, l'homosexualité était considérée comme une maladie et les relations homosexuelles étaient hors-la-loi aux Etats-Unis, sauf dans l'Illinois.

Les gays vivaient cachés: ils risquaient de perdre leur emploi ou leur logement si leur orientation sexuelle était découverte. Les agressions étaient fréquentes, tout comme les interpellations policières.

- Refuge -

Le Stonewall Inn, contrôlé par la mafia, n'avait pas de licence de vente d'alcool et vendait des boissons alcoolisées diluées avec de l'eau.

Connu pour son grand jukebox et pour être le seul bar gay où l'on pouvait danser --y compris des slows--, c'était un refuge.

"C'était un endroit extraordinaire. Dans ce bar, on pouvait être soi-même. Bien que ce soit un taudis, bien qu'il soit contrôlé par la mafia, nous étions heureux d'avoir un endroit à nous", raconte Martin Boyce, 71 ans, devant l'établissement désigné "monument national" par Barack Obama en 2016.

Au même moment, les mouvements pour les droits civiques, pour les droits des femmes, les manifestations contre la guerre du Vietnam, et la révolution sexuelle alimentaient un climat général de rébellion propice au changement.

L'historien David Carter, auteur de l'ouvrage "Stonewall: les émeutes qui déclenchèrent la révolution gay", rappelle que la Mattachine Society --une des premières organisations de défense des droits homosexuels, créée en 1950-- commençait à faire parler d'elle, en obtenant notamment la légalisation des bars gays. Suscitant un nouvel espoir.

Lorsque Martin Boyce arrive au Stonewall Inn cette nuit-là avec un ami, la police y est déjà. Entre les clients chassés du bar par les policiers et ceux qui attendaient dehors, il y a environ 200 personnes.

Il voit un fourgon de police, puis "un policier y pousser violemment une +folle+. Elle l'a frappé à l'épaule avec son talon, il est entré dans le fourgon et on a entendu des coups, des gémissements", se souvient-il. Et le policier "a fermé la porte, et il a fait ce qu'ils faisaient toujours, il s'est tourné vers nous et il a dit, +Allez les pédés, fini le spectacle, partez!+"

Mais, pour la première fois, au lieu de s'exécuter, "on a commencé à marcher vers lui", raconte M. Boyce.

- Prêts à lutter -

La foule était furieuse.

Le policier a levé sa matraque, comme s'il se préparait à frapper, "mais je ne sais pas ce qu'il a vu sur nos visages, il s'est décomposé et a couru jusqu'au bar avec les autres policiers", rejoignant leurs collègues à l'intérieur.

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"On a formé un demi-cercle devant le bar (...) Au début, ça a commencé doucement, on lançait des pièces" de monnaie, puis des canettes, des bouteilles, des pavés, des briques et des cocktails molotov. Certains ont arraché un parcmètre, essayé de forcer la porte du bar, songé y mettre le feu.

Pour la première fois, il a senti "un consensus": "Nous étions prêts à lutter".

Les affrontements ont duré toute la nuit. Treize manifestants arrêtés, et au moins un policier blessé.

"Ils ne nous ont pas eus, c'est nous qui les avons épuisés car on connaissait le Village comme les Indiens connaissent la forêt", raconte Martin Boyce, frappé dans le dos cette nuit-là à coups de bâton.

Un appel au rassemblement le lendemain est lancé, écrit à la craie sur les murs: "Tomorrow night Stonewall" ("Demain soir Stonewall").

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La foule grossit, les manifestations deviennent plus violentes. "La bataille pour le contrôle du coeur du ghetto gay" avait commencé, résume M. Carter.

Ces six nuits d'émeutes ont signé l'acte de naissance du mouvement moderne pour la reconnaissance des droits homosexuels, qui allait faire boule de neige et inspirer des milliers de gens dans le monde.

Cinquante ans plus tard, "Stonewall est devenu un verbe, un terme d'action, et il le restera toujours", souligne M. Boyce. "Nous avons rendu ce bar célèbre, et il nous a libérés. Une bonne affaire!".

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