Imamoglu, la "force tranquille" qui donne une leçon au président Erdogan

Ekrem Imamoglu, le nouveau maire d'Istanbul.
Ekrem Imamoglu, le nouveau maire d'Istanbul.
Par Joël Chatreau
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En conquérant Istanbul, Ekrem Imamoglu redonne de la vigueur à l'opposition turque. Il est vu désormais comme l'homme à la "force tranquille" qui a donné une leçon au président islamo-conservateur Erdogan, et qui - pourquoi pas ? - pourrait le mettre en danger lors de la prochaine présidentielle.

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"Qui remporte Istanbul remporte la Turquie" : le président Recep Tayyip Erdogan réfléchira à deux fois désormais avant de prononcer cette petite phrase, qu'il aimait bien replacer régulièrement, fier d'avoir été lui-même maire de l'agglomération de plus de 15 millions d'habitants, capitale économique du pays. Car le tout nouveau patron de la ville, l'opposant Ekrem Imamoglu, n'a pas seulement terrassé dimanche le candidat du parti AKP au pouvoir, l'ex-Premier ministre Binali Yildirim, il a aussi mis au tapis les islamo-conservateurs qui contrôlaient Istanbul depuis 25 ans, et par conséquent leur chef, Erdogan.

Face à la répression et la peur, une détermination tranquille

Imamoglu a le triomphe modeste, il a su s'imposer grâce à une détermination tranquille, un ton posé et rassembleur, ce qui paraît un exploit dans une Turquie gouvernée par la répression, la peur, le bâillonnement des médias indépendants depuis le coup d'Etat raté de juillet 2016. C'est ce qui impressionne surtout nombre d'observateurs internationaux, sa capacité à ne jamais polariser, à ne jamais entrer dans une lutte idéologique, à n'agresser personne. Dès l'annonce de sa victoire, l'élu du parti social-démocrate CHP a d'ailleurs appelé le président turc à "travailler ensemble pour servir Istanbul", "en harmonie", a-t-il même ajouté, avec un peu de malice sans doute.

Et c'est vrai qu'Ekrem Imamoglu, alors que ses partisans étaient écoeurés par l'annulation très controversée de son premier succès à l'élection municipale le 31 mars dernier, ne s'est pas du tout laissé démonter. Il a au contraire fait sa deuxième campagne avec pour slogan "Tout ira bien !".

Une stratégie largement payante puisqu'il a gagné, non plus d'une courte tête - 13 000 voix d'avance - mais avec un score écrasant de 54% des suffrages, soit 800 000 bulletins de plus que son adversaire. Il a su élargir la base de son mouvement, en étant soutenu également par le principal parti pro-kurde HDP, situé à gauche, et le parti nationaliste Iyi.

L'homme qui pourrait faire vaciller Erdogan à la présidentielle de 2023 ?

Voici comment, à 49 ans, on peut sortir du rang et s'imposer comme l'homme de la situation, capable de faire douter l'AKP de sa toute puissance et de faire trembler le piédestal de son maître, Recep Tayyip Erdogan. Imamoglu, qui ne s'est lancé en politique qu'il y a une dizaine d'années, et qui, avec sa décontraction voire son détachement affichés, paraissait vraiment inoffensif, est maintenant le champion incontournable de l'opposition turque.

Le fauteuil de maire d'Istanbul devrait lui permettre d'asseoir une stature encore plus nationale, et ses admirateurs le voient déjà comme un rempart face à la politique répressive du président. Et pourquoi pas comme le candidat qui pourrait enfin combattre à armes égales contre Erdogan à la prochaine présidentielle, en 2023.

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