L'Europe peut-elle réduire sa dépendance au soja brésilien pour sauver l'Amazonie des feux ?

L'Europe peut-elle réduire sa dépendance au soja brésilien pour sauver l'Amazonie des feux ?
Par Guillaume Petit
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Le président français Emmanuel Macron avait évoqué fin août "la part de responsabilité de la France" dans les feux qui ravagent l'Amazonie, et appelé à retrouver une souveraineté européenne en matière de production de protéines végétales... Est-ce possible ? Enquête.

Produire notre soja sur le territoire européen, au lieu de l'importer depuis des pays comme le Brésil, comme Emmanuel Macron l'appelle de ses vœux, reviendrait à lutter contre la déforestation de l'Amazonie. Pourquoi ? Quel rôle l'Europe peut-elle jouer ? Quelles sont les solutions ? Euronews s’est penchée sur la dépendance des Européens vis-à-vis des importations de soja et sur son impact environnemental.

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Sur ces terres d'Auvergne, chaque matin, c'est la même mixture qu'Alexandre sert à ses bêtes pour le petit déjeuner. Du foin, en entrée, puis ce mélange de céréales et de légumineuses, dont 10% de soja, souvent importé du Brésil.

Du soja "probablement OGM", selon cet éleveur. "En théorie, non", dit-il, mais en réalité, "nous importons très majoritairement du soja OGM depuis le Brésil et les Etats-Unis, uniquement pour nourrir les animaux".

Alexandre aimerait bien pouvoir faire autrement, si "l'Europe se donne les moyens de développer une filière non-OGM européenne". Car la protéine de soja reste très importante :

"C'est quand même une graine qui reste économiquement, avec un prix raisonnable. Et deuxièmement, c'est une graine qui a un très fort taux de protéine, ce qui permet une rapidité d'engraissement des animaux qui n'est pas négligeable", explique Alexandre Armel, éleveur dans l'Allier.

Le lien entre importations de soja et déforestation de l'Amazonie

Une quête de productivité pour réussir à s'imposer sur le marché. Alexandre est loin d'être le seul éleveur à utiliser du soja...

La France en importe en grande majorité du Brésil, principalement pour nourrir son bétail. Résultat, pour répondre à cette demande européenne, mais aussi chinoise, certains fermiers brésiliens brûlent des parcelles pour les cultiver, ce qui contribue ainsi à la déforestation de l’Amazonie.

Les feux en Amazonie, un dossier qui s'est retrouvé au cœur du G7 à Biarritz, et de tensions entre la France et le Brésil.

Le président français Emmanuel Macron a évoqué la "part de responsabilité de la France" dans le désastre écologique en Amazonie et a appelé à retrouver une souveraineté européenne en matière de production de protéines végétales.

"Si nous voulons avoir les 15 millions d'hectares nécessaires pour produire le soja que nous importons de pays d'Amérique latine, cela demanderait d'ajouter une superficie plus grande que l'Autriche, la Belgique et la Slovénie réunies".
Marco Contiero
Greenpeace Europe

Avons-nous suffisamment d'espace en Europe ?

Mais comment réduire cette dépendance vis-à-vis des exportateurs de soja, comme le Brésil, les Etats-Unis ou encore l'Argentine ?

Pour produire tout le soja dont elle a besoin pour l'agriculture, l'Europe aurait besoin de surfaces cultivables gigantesques

"Si nous voulons avoir les 15 millions d'hectares nécessaires pour produire le soja que nous importons de pays d'Amérique latine, cela demanderait d'ajouter une superficie plus grande que l'Autriche, la Belgique et la Slovénie réunies", explique Marco Contiero, de Greenpeace Europe.

Pour Emmanuel Macron, la France "doit désormais être capable de produire ses propres protéines", plutôt que d'importer du soja, dont une très grande majorité serait génétiquement modifiée, a dénoncé Greenpeace. Mais l'ampleur de la tâche est immense.

La faute à des accords commerciaux internationaux ?

Chaque année, 33 millions de tonnes de soja sont importées en Europe, entre autres du Brésil ou encore des Etats-Unis.

Une dépendance qui remonte aux années 1960 et à des accords commerciaux internationaux, qui ont plafonné les surfaces pour cultiver du soja en Europe, afin de se concentrer sur les céréales.

Selon la COPA-COGECA, puissante fédération d'associations agricoles basée à Bruxelles, ces accords posent des questions au niveau des normes sanitaires.

"Nous ne pouvons pas importer des aliments, des produits agricoles qui ne répondent pas à nos exigences européennes", déclare à Euronews Pekka Personen, secrétaire général de la COPA.

Produire du soja en France, ça existe (déjà)

Le soja est néanmoins de plus en plus produit sur notre territoire. Le total des surfaces cultivées a presque été multipliées par 3 entre 2010 et 2017.

Près de Chalon-sur-Saône, Lionel cultive du soja depuis plus de 10 ans. Il continue de produire des céréales, sans quoi il ne serait pas rentable.

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Mais selon lui, produire du soja sur ces terres présente plusieurs intérêts pour l’environnement et pour la préservation des sols. « Nous utilisons moins d'intrants, pas d'insecticides, et ce n'est pas du soja OGM », explique Lionel.

Le soja français est-il donc plus écologique que le soja brésilien ? "Oui", nous assure le producteur.

L'autre solution : manger moins de viande ?

Ce qui Lionel attend, c'est plus de moyens de la part de l'Union européenne pour développer cette filière "made in France". Ce dossier sera sans aucun doute à l'agenda de la nouvelle Commission européenne.

Mais en attendant de réussir à réduire nos importations de soja, et si aucune solution n'est trouvée à long-terme, faut-il réduire notre consommation de viande ? C'est ce que recommande les végans.

En France la consommation de produits carnés a déjà baissé de 12% en 10 ans, selon une étude du Crédoc. Mais c'est encore loin d'être une tendance européenne sur tous les types de viande.

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