Réforme des retraites : Suède et Norvège, des modèles plus équitables pour les femmes ?

Réforme des retraites : Suède et Norvège, des modèles plus équitables pour les femmes ?
Tous droits réservés DOMINIQUE FAGET / AFP
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Par Sandrine AmielThomas Seymat et Marie Jamet
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♀️ Ça existe, une réforme des retraites équitable pour les femmes ? Éléments de réponse en Suède et en Norvège.

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L’un des arguments majeurs du gouvernement français pour son projet de réforme des retraites, contesté par la rue depuis plus d’un mois, est l’égalité homme/femme. "Les femmes seront les grandes gagnantes du système universel” a par exemple déclaré Edouard Philippe lors de son discours devant le Conseil Economique, Social et Environnemental (Cese). Actuellement en France, une femme à la retraite touche en moyenne 42% de moins qu'un homme selon les chiffres officiels.

Minimum retraite de 1000€ et prise en compte de chaque période de cotisation - contre trimestre complet actuellement - sont entre autre mis en avant pour défendre la réforme mettant en place un système universel de retraites par points. Ce que les syndicats et des associations féministes rejettent en bloc.

Ce système de retraite par point a été mis en place ailleurs en Europe, avec des résultats contrastés sur l’égalité homme/femme. La Suède et sa réforme des retraites à la fin des années 1990 est par exemple devenue en France un sujet de débat, chaque camp voyant dans une réforme complexe mise en oeuvre sur plusieurs années des arguments pour ou contre la réforme française.

L'exemple suédois en débat

Contactée par Euronews, Gabriella Sjögren Lindquist, ancienne chercheuse à l'université de Stockholm, explique ce que cette réforme a effectivement changé : "Dans l'ancien système, la retraite était calculée sur les 15 plus hautes années de salaires. Il fallait travailler 30 ans pour avoir droit à une pension complète. Ce qui veut dire que les retraites des femmes ne prenaient pas en compte les années à plus faibles revenus, passées à s'occuper des enfants ou dans des emplois à temps partiels."

Comme le projet français, la réforme suédoise a changé ce calcul. "Dans le nouveau système, la retraite est calculée sur l'intégralité des revenus tout au long de la vie." Les périodes de bas revenus affectent donc beaucoup plus le montant final de la retraite. "Toute chose égale par ailleurs, le nouveau système de retraite va augmenter les inégalités entre retraités."

Pour Mme Sjögren Lindquist, qui travaille désormais au Riksrevisionen, la Direction nationale du contrôle de la gestion publique, les mesures en place en Suède pour compenser la perte des revenus due à la naissance d'enfants - autre point soulevé par les opposants de la réforme française - sont insuffisants.

Un écart qui se réduit mais des retraites moindres

Cette allocation est "versée" sur le compte retraite du parent avec le plus bas revenu, "le plus souvent la mère", entre la naissance et les 4 ans de l'enfant. "Mais l'allocation est faible et elle ne compense pas complètement le passage à temps partiel qui accompagne souvent l'arrivée d'un enfant."

L'économiste souligne que "dans le même temps que le salaire moyen des femmes augmente et que le travail à temps partiel diminue, nos simulations prédisent que l'écart homme/femme pour les retraites qui était de 72% en 2014 - pour les personnes nées en 1947 - passera à 81% pour les personnes nées entre 1985 et 1990" une fois qu'elles seront à la retraite. "Mais nous n'avons pas fait de simulation pour savoir la réduction de l'écart si nous avions gardé l'ancien système de retraites".

Dans une interview à Challenges, Alain Lefebvre, ancien conseiller social des ambassadeurs français en Scandinavie et auteur de Macron le Suédois, est, lui, catégorique. "En Suède, ce sont les femmes qui ont été les premières victimes du nouveau système. En mars 2017, une étude officielle a ainsi révélé que 92% des Suédoises auraient touché des pensions supérieures dans l'ancien système, contre 72% des hommes. 64% des femmes auraient même perçu des retraites supérieures de plus de 30% !".

Le généreux exemple norvégien

Au vu des défauts du système suédois, un autre pays nordique, la Norvège, et son propre système de retraite à points peuvent sans doute servir d'inspiration pour le gouvernement français.

"La version norvégienne de la réforme comprend une série de mécanismes de redistribution particulièrement exhaustive, au moins comparé au système suédois, et par conséquent la réduction de l'écart homme/femme réalisée par le système norvégien a de grandes chances d'être particulièrement importante" écrivent les Drs Elin Halvorsen et Axel West Pedersendans une étude récente.

D'après leurs conclusions, "des crédits enfant généreux, le droit d'hériter de la retraite de son époux ou épouse et un minimum garanti relativement élevé sont toutes des particularités du système norvégien qui ont contribué de manière significative à réduire l'écart homme/femme." En France, la pension de réversion est aussi dans le collimateur du gouvernement, avec une réforme à venir.

Dans un email à Euronews, le professeur Pedersen résume la situation. "Les raisons qui font que le modèle norvégien fonctionne plutôt bien en terme d'égalité homme/femme est que de nombreux éléments favorables aux femmes ont été gardés dans le nouveau système" de retraite.

Ailleurs en Europe, un tableau bien sombre

"Malheureusement, dans toute l'Europe les femmes sont parmi les retraités les plus pauvres" explique Marina Monaco de la Confédération européenne des syndicats. "La différence entre les prestations pour la retraites est étroitement liée aux performances du marché du travail et aux conditions de travail de chaque pays."

Une façon de dire que les inégalités homme/femme sur le marché du travail reflètent, voire sont amplifiées, une fois à la retraite. Selon l'experte de la Confédération européenne des syndicats, l'écart de salaires entre les hommes et les femmes en Europe est entre 13% et 18%. Mais, entre les retraités hommes et femmes, il se situe entre 34% et 38%.

"Les systèmes publics qui assurent une couverture complète, ou presque complète, et qui sont non seulement basés sur une contribution [système à points] mais aussi complétés par des fonds publics" ont tendance à garantir un meilleur niveau de retraite pour tous, femmes compris.

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