Entretien avec Marine Le Pen : "L'Union européenne fonce dans le mur"

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Par Christophe Garach
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A l'occasion de sa visite au Parlement européen, euronews a rencontré la leader du Rassemblement National pour aborder les sujets brûlants de l'actualité de l'Union.

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Marine Le Pen faisait sa rentrée européenne mardi à Bruxelles. Présente au Parlement, la cheffe du Rassemblement National s'est confiée à Euronews. Brexit, accords commerciaux internationaux, elle passe en revue les sujets brûlants de ce début d'année.

Voici l'intégralité de l'entretien.

Christophe Garach, Euronews :

"Bonjour Marine Le Pen. Vous êtes ici à Bruxelles. C'est votre première sortie officielle depuis que vous avez annoncé que vous étiez candidate à l'élection présidentielle en France en 2022. Alors pourquoi être revenue au cœur de la machine européenne ? Pour célébrer le Brexit ?"

Marine Le Pen :

"Non. D'abord pour voir mes députés européens et puis pour rencontrer les députés du groupe Identité et démocratie. C'est vrai que c'est un véritable "big bang" qui a été assez peu analysé, je trouve. Maintenant, il y a deux solutions : soit l'Union européenne comprend qu'il y a un énorme problème et arrête de foncer dans le mur, écoute les peuples et participe à la création de cette alliance européenne des nations que nous voulons construire ; soit elle continue avec ses œillères et d'autres pays quitteront l'Union européenne. C'est une certitude."

Christophe Garach, Euronews :

"Pourtant, vous, votre plate forme politique a renoncé aux Frexit, à renoncer à quitter l'Union européenne, à renoncer à abandonner l'euro, cette monnaie à laquelle les Français sont très attachés. Donc, le Frexit, c'est fini ?"

Marine Le Pen :

"C'est à dire que nous sommes très puissants aujourd'hui et par conséquent, nous sommes convaincus que nous sommes capables de modifier radicalement cette organisation européenne, abandonner une Union européenne, encore une fois, qui est considérée et ressentie comme une prison dont les résultats économiques et commerciaux sont catastrophiques, pour construire avec les nations européennes véritablement une organisation qui soit fondée sur la coopération librement consentie et pas sur la soumission à des dogmes qui sont de surcroît inefficaces".

Christophe Garach, Euronews ;

"Vous répétez souvent que l'Europe est une prison. Mais le Brexit n'est-il pas le contre-exemple ? La preuve qu'on peut sortir de l'Union européenne si les peuples le souhaitent ?"

Marine Le Pen :

"Oui, mais ça a mis trois ans quand même. Derrière ce mépris de la démocratie, on a quand même ressenti un véritable mépris des peuples de la part de dirigeants de l'Union européenne qui se sont à peine cachés, d'ailleurs, qui voulaient rendre le divorce le plus difficile possible. Moyennant quoi, c'est sûrement la Grande-Bretagne qui s'en tirera le mieux et l'Union européenne qui aura à subir le plus de conséquences de cette sortie.

Mais est-ce que l'Union européenne se remet en question ? C'est ça véritablement l'interrogation. Ils ne se remettent jamais en question. D'ailleurs, Emmanuel Macron est très révélateur de ça. Il a fait un discours au moment du Brexit en expliquant que l'Union européenne n'avait rien à se reprocher et que, en gros, les Britanniques étaient sortis parce qu'ils avait été victimes de mensonges, de manipulations, etc. C'est drôle comme ça de refuser de voir la vérité en face. Ça, c'est problématique pour un dirigeant."

L'Union européenne ne se remet jamais en question.
Marine Le Pen
Chef du parti politique français Rassemblement national

Christophe Garach, Euronews :

"Je reviens juste sur la question de la politique commerciale que vous avez évoquée rapidement. Vous savez, Donald Trump menace l'Union européenne de sanctions, de représailles commerciales si on ne négocie pas un accord plus avenant et plus intéressant pour les États-Unis d'Amérique. Est-ce qu'on n'est pas quand même finalement plus fort face à Donald Trump quand on est nombreux et pas quand on est tout seul ?"

Marine Le Pen :

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"Mais d'abord, encore une fois, le choix n'est pas entre l'Union européenne et être tout seul. Il y a des tas de manières..."

Christophe Garach, Euronews :

"Aujourd'hui, si. La politique commerciale européenne, elle est européenne."

Marine Le Pen :

"Non, non, je suis désolée. Mais bien sûr que non. Aujourd'hui, parce qu'on nous a imposé de transférer notre politique commerciale à l'Union européenne. Mais rien n'empêche un groupe de pays, un groupe de nations qui ne sont pas enserrés dans une prison telle que l'Union européenne, de se mettre d'accord pour pouvoir peser face à une nation qui serait plus grosse. Mais surtout, fondamentalement, l'Union européenne se trompe. Elle est toujours dans l'ultralibéralisme et est toujours dans le libre-échange quand le monde entier est en train de rompre avec ce modèle économique. Je l'avais dit moi, ça fait des années que je dis que les Américains vont revenir au protectionnisme, que la Chine fait du protectionnisme, que l'Inde fait du protectionnisme. Et nous, on en est toujours à notre accord de libre-échange, cette gigantesque passoire qu'on a construite. Aujourd'hui, on se rend compte que, oui, il va falloir négocier effectivement, et peut être faire également nous aussi une forme de protection économique de nos propres pays. Ce qui n'a pas été le cas de l'Union européenne depuis des années."

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Christophe Garach, Euronews :

"Alors, il en est question justement. La nouvelle Commission européenne parle d'instaurer une taxe aux frontières extérieures. Vous savez, ce vieux machin dont on parle depuis vingt ans et qui, enfin, est peut être sur la table des négociations."

Marine Le Pen :

"Mais dites moi, c'est la "lepénisation" des esprits, ça ! C'est merveilleux, moi je m'en réjouis !"

Christophe Garach, Euronews :

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"Peut être la francisation ? C'est un vieux projet français défendu par Chirac à l'époque, défendu par Sarkozy."

Marine Le Pen :

"Je m'en réjouis!"

Christophe Garach, Euronews :

"Vous n'avez pas répondu à ma question. Donald Trump ? Est-ce normal qu'il fasse pression sur l'Europe, qu'il nous impose des sanctions ?"

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Marine Le Pen :

"Mais Donald Trump, Il défend ses intérêts. C'est normal ? Oui, bien sûr. Alors réponse : oui, c'est normal."

Christophe Garach, Euronews :

"Et nos intérêts à nous ?"

Marine Le Pen :

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"Et bien qui les défend ?"

Christophe Garach, Euronews :

"L'Union européenne, la France, l'Allemagne, les grands États."

Marine Le Pen :

"Ah bon, l'Union européenne défend nos intérêts commerciaux ? Ah, ça m'avait totalement échappé. Parce que moi, ce que je vois, c'est que l'Union européenne a ouvert l'intégralité des frontières de l'Europe à des importations massives de production qui ont détruit un à un nos secteurs économiques."

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Christophe Garach, Euronews :

"En échange de contreparties..."

Marine Le Pen :

"Oui, bien sûr. Bien sûr..."

Christophe Garach, Euronews :

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"Les marchés internationaux sont ouverts aux produits européens..."

Marine Le Pen :

"Non, c'est super. On vend des avions et marqué chômage dessus. C'est génial. Franchement. Et en plus, ils arrivent à refabriquer les mêmes à très bas coût parce qu'on a transféré notre technologie en même temps. Non !"

Christophe Garach, Euronews :

"Alors revenons à la question de votre plateforme, de votre projet : l'Europe des nations. Comment voulez-vous la mettre en place ? En remettant tout en question ? La Commission européenne, le Parlement européen ? Vous le savez bien, pour remettre en question cette organisation, il faudra l'aval de tous les États membres."

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Marine Le Pen :

"Oui, nous voulons que la Commission devienne un secrétariat technique du Conseil. Nous considérons qu'en réalité, les seuls qui sont légitimes, ce sont ceux qui sont au Conseil. Mais le Conseil n'est coloré qu'en fonction des élections qui, évidemment, vont voir émerger des gens qui, de plus en plus, défendent des propositions qui sont proches des nôtres."

Christophe Garach, Euronews :

"Pour changer ces institutions, il faut un accord unanime des États membres. Vous me dites "monsieur Salvini sera peut être un jour Premier ministre. Vous serez présidente de la France." Très bien. Mais ça ne fait que deux États."

Marine Le Pen :

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"Mais écoutez, vous plaisantez !"

Christophe Garach, Euronews :

"Deux grands États, mais ça ne fait que deux États."

Marine Le Pen :

"Vous voulez qu'on parle de la Hongrie ? Vous voulez qu'on parle de la Pologne ?"

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Christophe Garach, Euronews :

"Vous pensez que la Pologne veut quitter l'Union ? Vous pensez qu'elle veut quitter la PAC, qu'elle ne veut plus compter sur l'argent de la politique de cohésion ?"

Marine Le Pen :

"Je pense qu'elle veut une autre organisation européenne. Ce n'est pas l'Union européenne ou la mort. C'est pas ça. Parce que ça, c'est la dictature. Donc oui, bien sûr qu'on peut à tout moment remodifier, remodeler une organisation qui soit encore une fois plus respectueuse. Parce qu'il y a une chose qui est sûre, et ça je peux vous l'affirmer : il y a quelque chose qui ne fonctionnera pas, si une Union européenne avance sans les peuples, ou voire depuis un certain nombre d'années contre les peuples, ça ne marche pas, ça entraîne le Brexit."

Si une Union européenne avance sans les peuples, ou voire depuis un certain nombre d'années contre les peuples, ça ne marche pas, ça entraîne le Brexit.
Marine Le Pen
Chef du parti politique française Rassemblement National

Christophe Garach, Euronews :

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"Donc, je reviens au Frexit. Si d'aventure, vous n'obtenez pas gain de cause, vous n'arrivez pas à convaincre vos partenaires européens si vous êtes présidente. Qu'est ce qu'on fait ? Vous revenez en France, vous proposez un référendum et on quitte l'Union européenne ?"

Marine Le Pen :

"Je suis absolument convaincue que nous y arriverons. J'en suis absolument convaincue. Et je vais vous dire je ne suis pas sure que le premier pays qui parle de l'Union européenne, si elle ne se réforme pas, soit pas l'Allemagne. Voyez, on en reparlera!"

Christophe Garach, Euronews :

"Alors une dernière question sur l'actualité. Les chefs d’État et de gouvernement de beaucoup de pays, ont célébré le 75e anniversaire de la commémoration de la libération des camps nazis. Vous avez posté sur les réseaux sociaux un message sobre de respect aux victimes et aux familles de ce génocide sans précédent dans l'histoire de l'humanité. Cela vous a valu une fois de plus un tombereau d'insultes, de critiques sur les réseaux sociaux que j'ai consultés."

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Marine Le Pen :

"Ah bon ?"

Christophe Garach, Euronews :

"Votre sincérité, dès lors qu'on parle de ces questions-là, est souvent remise en question. Comment réagissez-vous ? C'est votre principal handicap dans votre vie politique, cette question, ce regard sur l'histoire, sur l'héritage. C'est ça qu'on vous reproche souvent."

Marine Le Pen :

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"Non, moi je n'ai pas du tout vu ce tombereau comme vous dites. Moi, j'ai vu un certain nombre de personnes qui se sont réjouies et qui même ont condamné ceux qui polémiquaient en raison du tweet que j'avais pu publier. J'ai vu notamment un long texte de William Goldnadel qui accuse Mme Buzyn, la ministre, de chercher à instrumentaliser cet épouvantable génocide. Donc moi, je suis extrêmement tranquille. En revanche, je pense qu'Emmanuel Macron, qui lui a comparé la Shoah et la guerre d'Algérie, devrait aller plus avant dans ses explications. Je pense que Monsieur Macron, qui, en Israël, a déclaré que nul n'a le droit de convoquer ses morts pour justifier quelques divisions ou quelques haines contemporaines, nous explique à quoi exactement Il faisait allusion. A qui était adressée cette phrase ? Est ce que c'était à Israël ? Moi, j'aimerais bien savoir où est ce qu'il en est, lui, sur ce sujet là, voyez."

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