Coronavirus : les applications de jogging révèlent ceux qui défient le confinement pour courir

Un homme court à Milan le 15 mars 2020
Un homme court à Milan le 15 mars 2020 Tous droits réservés Claudio Furlan, LaPresse via AP
Tous droits réservés Claudio Furlan, LaPresse via AP
Par Cinzia RizziLillo Montalto Monella
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Des amateurs de courses à pied en France et en Italie continuent de courir et d'enregistrer leur parcours sur leurs applications GPS dédiées malgré les règles de confinement.

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En Italie avec la propagation du Covid-19 qui se poursuit, les mesures du confinement – et ceux qui ne le respectent pas – sont sur toutes les lèvres. Une délégation chinoise, arrivée à Rome en fin de semaine dernière, s'était dite surprise qu'il y ait encore "trop de gens dans les rues".

Alors que le gouverneur de Lombardie, Attilio Fontana, réclame l'armée dans les rues de la région la plus touchée du pays, beaucoup d'Italiens se demandent pourquoi tant de personnes continuent à ne pas suivre les règles et sortent de chez elles pour faire un peu de jogging.

Pour le moment, l'activité physique est toujours autorisée. Le gouvernement indique ainsi sur son site que les Italiens peuvent sortir de chez eux "pour faire du sport ou de l'exercice en plein air", mais toujours avec "une interdiction générale de rassemblement, et donc l'obligation de respecter la distance de sécurité minimale de 1 mètre entre les personnes."

Ainsi, puisque c'est autorisé, de nombreux Italiens continuent à courir ou à faire du vélo. Mais ils sont trop nombreux et ne suivent souvent pas les gestes barrières, courant parfois à deux ou retrouvant des amis au prétexte d'aller courir. Précisons, en outre, qu'en Italie il n'existe actuellement aucune restriction sur les distances. La situation suscite des controverses.

A Milan, des photos de la semaine dernière montraient encore de nombreuses personnes se promenant ou courant dans des lieux publics.

"La piste cyclable du Naviglio Martesana à Milan. Attroupements en violation flagrante du confinement #coronavirus. La région de Lombardie contrôle les déplacements des citoyens par le biais des smartphones : aujourd'hui encore, à #Milan, 40 % des personnes se déplacent."

Les coureurs de Lombardie

Des applications telles que Strava – une application de suivi GPS de l'activité physique – permettent de voir les itinéraires et les distances parcourues par les utilisateurs qui y enregistrent leurs courses.

Voici quelques exemples de parcours capturés par notre rédaction italienne la semaine dernière à Milan.

Strava
Captures d'écran de parcours de coureurs à pied à MilanStrava

La situation dans la région de Bergame, l'une des plus touchées par la pandémie, est dramatique : les lits manquent en soins intensifs ; les morts sont emmenés par l'armée dans d'autres villes et régions, car le crématorium local – qui fonctionne pourtant 24 heures sur 24 – ne peut pas suivre le rythme.

Et pourtant, cela n'empêche pas les coureurs de sortir pour leur jogging quotidien, comme en témoignent les captures d'écran ci-dessous. Il y a ceux qui courent dans la ville de Bergame (deuxième capture en partant de la gauche) et ceux qui courent dans les villages de la région. Le maire de Bergame a refusé de commenter ces faits.

Strava
Captures d'écran de parcours de coureurs à pied près de BergameStrava

Le président de région passe à l'action en Émilie-Romagne

La ligne est plus dure en Emilie-Romagne, où le président de la région, Stefano Bonaccini, a signé mercredi dernier un arrêté visant à limiter ces pratiques, utilisées par la plupart comme prétexte pour échapper à l'isolement dans leur foyer.

Si quelqu'un vient m'expliquer qu'arrêter de courir lorsque vous n'êtes pas en sécurité est un problème dramatique, je l'emmènerai avec moi et je l'emmènerai voir les services de l'hôpital.
Stefano Bonaccini
Président de la région Emilie-Romagne

L'arrêté indique : "Les parcs et jardins publics sont fermés au public. L'utilisation du vélo est limitée et n'est autorisée que pour les raisons admises pour les déplacements des personnes physiques : travail, santé ou autres besoins tels que les achats de nourriture. Même limitation pour la marche. Une seule exception est possible : la nécessité de pratiquer des activités physiques – comme une promenade pour des raisons de santé, ou sortie avec un animal pour ses besoins physiologiques – le déplacement doit être fait près de son domicile".

La région Emilie-Romagne est donc la première région italienne à imposer des limitations à la distance qui peut être parcourue à pied, en courant ou en pédalant.

Et pourtant... malgré ces nouvelles restrictions, certains coureurs "résistent" toujours, comme en témoigne encore Strava. Si dans la première et la seconde capture, les coureurs affichent le tracé GPS de leur entraînement, dans la troisième (intitulé "chasser le virus dans le jardin"), on constate que le coureur a retiré son tracé.

Strava
Captures d'écran de parcours de coureurs à pied près en Emilie-RomagneStrava

Notre rédaction italienne a contacté la région Emilie-Romagne, qui a précisé que, compte tenu du non-respect de l'arrêté, "de nouvelles mesures ne sont pas exclues" en fonction des données qu'ils recevront de la police dans les jours suivants. "A l'heure actuelle, nous décidons au jour le jour", ont-ils précisé.

La situation en France

Qu'en est-il en France, où le confinement a commencé mardi dernier ? Le président français Emmanuel Macron, dans son discours du lundi 16 mars, avait déclaré qu'il était "possible de pratiquer le sport en dehors de chez soi". Beaucoup de Français ont pris les paroles du chef de l'État au pied de la lettre, courant sans limite ni de temps ni d'espace. Seule contrainte : avoir avec soi l'attestation de déplacement, pour justifier la pratique d'"une activité physique".

Les règles semblaient ouvertes à interprétation. Le mercredi, un policier lyonnais nous avait ainsi indiqué : "Oui, vous pouvez courir près de chez vous, même sur quelques kilomètres, à condition de ne pas faire 20 kilomètres ou de ne pas sortir de la ville en voiture pour ensuite pratiquer du sport à la campagne".

Mais ensuite, le ministère des sports a précisé la règle : il ne faut ni s'éloigner de plus d'un ou deux km, y compris à la campagne, et le déplacement doit être le plus court possible. Impossible donc de courir 20 km en tournant en rond dans un périmètre restreint autour de son domicile.

Cependant, certains n'ont pas appliqué ces règles, par exemple à Lyon (les deux premières captures en partant de la gauche) ou à Paris (les deux dernières en partant de la gauche) :

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Strava
Captures d'écran de parcours de coureurs à pied près à Lyon et ParisStrava

Les parcs des grandes villes françaises ont finalement été fermés mardi dernier à la mi-journée, ainsi que les quais de Seine, du Rhône et de la Saône.

Près de deux millions de contrôles ont été réalisés depuis le début de ces mesures et près de 92 000 infractions ont été sanctionnées. Ces sanctions vont d’ailleurs être alourdies après le vote des députés du projet de loi d'urgence ce week-end. Les 135 euros d'amende forfaitaire passeront ainsi à 1 500 euros en cas de récidive "dans les 15 jours" et "quatre violations dans les trente jours" pourront valoir "3 700 euros d'amende et six mois de prison au maximum".

Utiliser les applications de suivi GPS pour contrôler les contrevenants ?

Ces applications avaient déjà fait parler d'elles en 2018, lorsque des soldats utilisant Strava pour leur jogging, avaient révélé l'emplacement de bases italiennes à l'étranger ainsi que les noms des soldats et des informations sensibles sur ces bases.

Concernant l'utilisation de Strava et autres applications similaires pour retrouver les joggeurs contrevenant aux mesures prises, le commandement de la Légion des carabiniers de Lombardie contacté par Euronews, a indiqué que les contrôles routiers se poursuivent mais se concentrent sur les personnes se déplaçant en voiture ou à moto.

"Comme pour l'instant les activités de plein air ne sont pas interdites, nous ne pouvons pas faire grand-chose", a-t-il précisé. "Pour l'instant, nous n'utilisons pas les applications telles que Strava, car il n'existe pas de dispositions [du gouvernement - ndlr] concernant la pratique du sport, mais si la situation devait changer, nous envisagerions la possibilité de vérifier ces applications".

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