Portrait d'une Italie figée par le coronavirus entre mort, angoisse et espoir

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Par Monica Pinna
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L'Italie est devenue le pays le plus sévèrement touché par le coronavirus devant le Chine. Nous évoquons le sort des Italiens lors de ces premières semaines d'épidémie, en particulier celui des malades, notamment jeunes, et des soignants.

L'Italie est en état de guerre. Le coronavirus frappe le pays encore plus sévèrement que la Chine. On y compte le plus grand nombre de cas en Europe et en dehors de l'Asie. Le confinement total imposé par les autorités pour enrayer l'épidémie fige la vie de tous dans l'inquiétude de la maladie et de la mort.

"Ne sortez pas : il faut éviter d'être infecté, éviter la paralysie des hôpitaux et surtout, des unités de soins intensifs," a souligné Gloria Lisi, maire adjointe de Rimini.

Au sommet de l'État, le Premier ministre Giuseppe Conte a annoncé le 9 mars : "Il n'y aura plus de zones rouges, il n'y aura plus de "zone 1" et de "zone 2" : toute l'Italie sera une zone protégée."

Le placement de l'ensemble du pays en "zone rouge" depuis le 10 mars est considéré par le gouvernement italien comme la seule mesure capable de stopper la propagation du coronavirus.

Un malade de 41 ans tire la sonnette d'alarme

En dehors de l'Italie, beaucoup pensent que la maladie ne touche que les plus âgés. Gianni Zampino, 41 ans, a pris la parole sur les réseaux sociaux pour leur dire qu'ils ont tort après avoir lui-même pris les choses à la légère.

"Je n'ai rien fait pour éviter d'être infecté et malheureusement, ce virus est entré dans mon corps et pendant ce temps, il a tué la personne que j'aimais le plus : mon père," a-t-il indiqué depuis son lit d'hôpital. "Tout le monde dit que ce virus est une grippe normale ; je peux vous dire que ce n'est pas une grippe normale : il entre en vous, il vous prend et il s'empare de vos poumons," a-t-il affirmé tout en étant muni d'une assistance respiratoire. 

Dalla terapia intensiva: «Il coronavirus mi ha stravolto la vita e ucciso papà. Restate a casa, non è un gioco». Gianni Zampino, torinese, classe '79 affida a un messaggio video, trasmesso dal @tg1raiofficial, la sua storia. «Perché in troppi prendono ancora la situazione sotto gamba», spiega. «Il coronavirus mi ha stravolto la vita. Non è una banale influenza, non riesco a respirare. È una malattia che non conosciamo e che ti entra dentro. Ha ucciso la persona più cara della mia vita, mio padre. Restate a casa, non è un gioco. E ancora: «Sembra un film horror, ma purtroppo non lo è».

Publiée par Corriere della Sera sur Lundi 16 mars 2020

À la date du 20 mars, le nombre d'infections dans le monde dépassait les 245.000. Derrière la froideur des chiffres, les points rouges sur la carte fournie par le centre de ressource dédié de l'Université Johns Hopkins sont principalement des grands-pères, grands-mères, mères et pères. L'Italie est le pays le plus affecté dans le monde avec plus de 40.000 personnes atteintes. Plus de 3000 d'entre elles sont mortes de la maladie et le virus continue de se propager. 

"Nos unités de soins sont submergées"

Le gouverneur de la Lombardie Attilio Fontana a déclaré le 18 mars que les mesures de confinement pourraient se durcir. "Malheureusement, le nombre de malades ne diminue pas, il reste élevé," a-t-il souligné avant de lancer une mise en garde : "Bientôt, nous ne serons plus capables d'apporter une réponse médicale à ceux qui tombent malades."

La région de la Lombardie compte le plus grand nombre de personnes atteintes. Ces derniers jours, elle a enregistré près de 1500 nouveaux cas et environ 300 décès par 24 heures. Le pic est attendu dans les toutes prochaines semaines.

Nous avons contacté une femme médecin qui est en première ligne de cette lutte contre le coronavirus depuis le tout début. Elle nous a livré son témoignage anonyme. "Nos unités de soins intensifs sont submergées : on ne sait plus où mettre les patients," nous a-t-elle affirmé. "On continue de créer de nouvelles places dans n'importe quel espace de notre hôpital ; on a fermé les salles d'opération pour la chirurgie de routine : il y en a seulement deux qui fonctionnent pour les urgences et toutes les autres sont utilisées comme salles de réanimation," a-t-elle précisé.

Les services funéraires submergés

C'est à Bergame que le plus grand nombre de victimes a été recensé. Le 13 mars, les avis de décès dans le journal local occupaient non plus une page, mais dix. _"Le résultat d'une simple grippe comme disent certains," _ironisait un habitant.

Les capacités des services funéraires sont dépassées dans la ville. Une liste d'attente a été mise en place malgré le fonctionnement du crématorium 24 heures sur 24. L'armée a fini par intervenir pour acheminer des dépouilles vers Modène et Bologne.

"Nous travaillons 24 heures sur 24 ; nous avons même demandé l'aide des pompes funèbres d'autres régions, elles viennent de l'Émilie-Romagne, du Trentin," a indiqué Giorgio Gori, maire de Bergame.

© euronews

Tandis que la Lombardie est débordée, les cas augmentent aussi dans les régions voisines du Piémont et de la Vénétie. Turin et Venise attendent le pic de l'épidémie.

"Dans le Piémont, on n'est pas encore fixé et nous verrons cette semaine si les cas augmentent de manière exponentielle comme en Lombardie," nous a fait savoir Marco Vergano, anesthésiste à l'hôpital San Giovanni Bosco de Turin. "Donc, il est possible que nous nous retrouvions dans la même situation avec dix jours de décalage ou alors que nous ayons une progression linéaire comme aujourd'hui avec chaque jour, 15 à 20 nouveaux patients qui ont besoin d'une assistance respiratoire," a-t-il ajouté. 

"Des actes héroïques parmi les soignants"

L'épidémie frappe aussi les soignants. Des centaines d'entre eux ont contracté la maladie et ils sont de plus en plus nombreux à y succomber. Certains travaillent sans gants car les stocks sont limités.

"Il y a eu des actes héroïques parmi mes collègues," nous a raconté l'anesthésiste Marco Vergano. "J'ai entendu que des médecins refusent d'être testés pour éviter d'être déclarés positifs et obligés de s'isoler parce qu'ils veulent continuer de travailler avec des patients infectés," a-t-il expliqué. 

La femme médecin que nous avons contactée a ajouté de son côté : "Ce qu'il y a de plus douloureux, c'est de voir des malades mourir dans une solitude totale parce qu'on ne peut pas laisser des gens venir les voir, donc les dernières personnes qu'ils voient de leur vie, c'est nous," a-t-elle confié, affligée.

Le jeune patient atteint Gianni Zampino a indiqué pour sa part dans une intervention sur les réseaux sociaux : "Ce n'est pas un jeu : je passe mes nuits équipé d'un respirateur et je ne peux pas dormir. Ma vie a basculé et je ne souhaite à personne de vivre ce que j'endure," a-t-il assuré. "Vous vous dites peut-être que cette vidéo, c'est juste un film d'horreur, eh bien, ce n'est pas du tout ça," a-t-il insisté.

"La mobilisation d'une société immobile"

L'Italie est l'un des pays européens qui a déclaré la guerre au coronavirus. Ses institutions, ses soignants et sa population se retrouvent autour d'un même mot d'ordre : "Nous y arriverons."

Dans une interview à euronews, l'ancien Premier ministre italien Mario Monti nous a donné son sentiment sur la situation dans son pays. "J'avais à peine deux ans à la fin de la Seconde guerre mondiale et dans ma vie, je n'ai jamais connu une telle situation," a-t-il souligné. 

"Mais la mise en place d'alternatives a été bonne dans tous les domaines : le travail connecté, l'enseignement à distance, etc. montre vraiment le niveau de mobilisation d'une société aujourd'hui immobile, c'est remarquable," a-t-il salué.

Le gouvernement a prolongé le confinement jusqu'au 3 avril et les Italiens font avec.

Une habitante confinée à Gênes nous a expliqué comment elle a vécu ces dernières semaines : "Après le sentiment d'angoisse, la nécessité urgente de trouver une organisation a pris le dessus. Je me suis dit qu'il fallait y voir l'opportunité de rester avec mes enfants et de m'en occuper," dit-elle.

Même dans ces circonstances, les Italiens ont trouvé comment se faire entendre et passer un message d'espoir et de résilience au reste du monde. Ils font du bruit, chantent ou jouent de la musique depuis leurs fenêtres. Certains lancent tout simplement : "On va s'en sortir !"

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