"En termes de déplacements, les passeurs et les trafiquants s'adaptent extrêmement bien. Lorsqu'un chemin se ferme, ils en ouvrent un autre", souligne Charlie Yaxley, porte-parole du Haut Commissariat pour les réfugiés.
Ces dernières semaines ont été marquées par une hausse des arrivées de migrants et de réfugiés en Europe, en particulier en provenance de Tunisie. Mais peut-on vraiment parler de hausse importante ? Qu'est-ce que la pandémie de covid-19 a changé ? Euronews passe en revue les dernières données et analyse la situation avec Charlie Yaxley, porte-parole du Haut Commissariat pour les réfugiés en charge de la Méditerranée.
Une chose est sûre : l'Italie reste la principale porte d'entrée avec au moins 14 000 arrivées depuis le début de l'année 2020, selon les derniers chiffres du Haut Commissariat pour les réfugiés en date de fin juillet. Problème, sur l'île italienne de Lampedusa, les camps sont surpeuplés. Suivent ensuite l'Espagne et la Grèce, avec plus de 20 000 arrivées.
En tout, plus de 39 000 arrivées ont été enregistrées depuis le début de l'année, selon le Haut Commissariat aux réfugiés contre un peu plus de 123 000 sur l'ensemble de l'année 2019. Impossible, donc, de se hasarder à faire des comparaisons et de tirer des conclusions à ce stade de l'année, mais on est encore loin du pic de la crise migratoire de 2015 (plus d'un million d'arrivées sur l'ensemble de l'année).
Néanmoins, le porte-parole Charlie Yaxley du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés le confirme : la hausse des arrivées en provenance de certains pays comme la Libye et la Tunisie depuis début 2020 est certaine.
Les Tunisiens sont les plus représentés depuis le début de l'année parmi les arrivées, devant les Algériens, les Afghans, ou encore les Bengalis. Les Tunisiens représentaient même 45% des arrivées en Italie au mois de juin. La pandémie de Covid-19 ne semble donc pas être un frein.
Entretien avec Charlie Yaxley, porte-parole du Haut Commissariat pour les réfugiés en charge de la Méditerranée.
**Guillaume Petit, euronews : Charlie Yaxley, vous êtes porte-parole du Haut Commissariat pour les réfugiés des Nations Unies. Si nous remettons les chiffres dans leur contexte, peut-on vraiment parler de hausse importante ? Et si hausse il y a, quels en sont les facteurs ?
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"En ce qui concerne les chiffres, nous avons effectivement une augmentation cette année, mais il est important que nous replacions un peu les choses dans leur contexte. Il y a différentes dynamiques en jeu ici. Par exemple, au cours des trois premiers mois de l'année dernière, le conflit libyen n'avait pas encore commencé. Cette année, bien sûr, nous avons le covid-19 et au début il y avait des restrictions de déplacement plus strictes, qui sont progressivement levées. Et bien sûr, c'est l'été donc les bonnes conditions météorologiques jouent. Mais il faut souligner une chose : si les arrivées sont en hausse par rapport à l'année dernière, elles étaient 600% plus importantes en 2017."
Une chose n'a pas changé : les traversées sont toujours aussi dangereuses. La pandémie de covid-19 rend même les conditions sanitaires encore plus rudes. La crise rend-elle aussi les migrants plus vulnérables aux trafics et à la traite d'être humains ?
"Nous savons que le système de santé libyen a été dévasté par des années de conflit. De plus, dans certains des centres de détention, les conditions étaient désastreuses déjà avant la pandémie, mais les restrictions ont rendu les choses encore plus difficiles. En termes de déplacements, les passeurs et les trafiquants s'adaptent extrêmement bien. Lorsqu'un chemin se ferme, ils en ouvrent un autre. Et la demande continue d'être là. Le Covid-19 a pas arrêté les guerres, les conflits et les persécutions. De nombreux réfugiés souhaitent toujours voyager, et cela n'a pas arrêté les bateaux. Avec beaucoup de migrants qui souhaitent partir pour des raisons économiques."
Les sauvetages de migrants par des ONG vont reprendre en août dans la mer Méditerranée après un arrêt des opérations en juillet. En leur absence, que s'est-il passé ? Est-ce que les Etats européens en font assez pour venir en aide aux migrants ?
"Je pense qu'il est très intéressant de constater qu'au cours de cette période où il n'y a pas eu de bateaux de sauvetage des ONG opérant en Méditerranée centrale, les arrivées de migrants ont continué. Cela montre donc que ce ne sont pas les ONG qui jouent un rôle d'attraction. Sinon, nous aurions vu le nombre de ces arrivées diminuer en leur absence. Mais les moyens de recherche et de sauvetage restent trop faibles. Je pense que les Etats européens doivent encore se demander si une opération européenne de recherche et de sauvetage ne pourrait pas contribuer à réduire les pertes en vies humaines et remédier à la situation. En parallèle, il faudrait aussi travailler avec les autorités libyennes pour voir ce qui peut être fait à l'intérieur de la Libye, car plus de migrants sont renvoyées en Libye comparé à l'année dernière. Et nous savons ce qu'il leur arrive une fois qu'elles sont rentrées. Ces personnes sont emmenées dans des centres de détention et ils sont renvoyés dans des pays qui connaissent d'importantes violations des droits de l'homme."