L'ancien président français Valéry Giscard d'Estaing est mort du Covid-19 à 94 ans

L'ancien président de la République française Valéry Giscard d'Estaing est mort ce mercredi soir. Il était âgé de 94 ans.
Il s'est éteint dans sa propriété d'Authon dans le Loir-et-Cher, "entouré de sa famille", a appris l'AFP auprès de son entourage, confirmant une information d'Europe 1.
"Son état de santé s'était dégradé et il est décédé des suites du Covid-19", a indiqué sa famille dans un communiqué, en précisant que ses obsèques se dérouleront "dans la plus stricte intimité familiale."
Il avait été hospitalisé à plusieurs reprises ces derniers mois pour des problèmes cardiaques, notamment à Tours à la mi-novembre.
"VGE" avait dirigé la France entre 1974 et 1981, étant le troisième président de la Vème République.
L'une de ses dernières apparitions publiques remonte au 30 septembre 2019 lors des obsèques à Paris d'un autre président de la République, Jacques Chirac, qui fut son Premier ministre.
Pluie d'hommages
Dans la nuit, son lointain successeur Emmanuel Macron a rendu hommage dans un communiqué à la mémoire d'un chef d'Etat dont "le septennat transforma la France".
"Les orientations qu'il avait données à la France guident encore nos pas. Serviteur de l'État, homme politique de progrès et de liberté, sa mort est un deuil pour la nation française", ajoute Emmanuel Macron.
L'actuel président de la République va s'adressera ce jeudi à 20h à la nation pour rendre hommage à Valéry Giscard d'Estaing a annoncé l'Elysée ce matin.
Le chef de l'Etat a déjà salué, dans un communiqué publié dans la nuit, la mémoire de "VGE", un chef d'Etat dont "le septennat transforma la France" et a twitté la photo officielle de l'ex-président.
Deux de ses successeurs à l'Elysée lui ont également rendu hommage. François Hollande a regretté que la France perde "un homme d'État qui a fait le choix de l'ouverture au monde", en voyant dans VGE un président"résolument européen" mais qui n'a "pas toujours été compris".
Nicolas Sarkozy a salué "un homme qui a fait honneur à la France, un homme pour qui j'ai éprouvé de l'admiration et avec qui j'ai toujours eu plaisir à débattre"
"Pour des générations entières, notamment pour ceux qui se sont engagés auprès de lui dans leur jeunesse, il a fait souffler un grand vent de modernité sur la société française et fait naître un immense espoir de dépassement et de rassemblement", a réagi François Bayrou, qui fit avec lui ses premiers pas en politique et qui fut son successeur à la tête du parti UDF. "Il reste l'immense souvenir d'intelligence et rires partagés, en même temps qu'une grande nostalgie", a-t-il ajouté.
L'Assemblée et le Sénat, qui siégeaient au moment de la nouvelle, ont observé une minute de silence. "L’idéal européen perd l’un de ses fondateurs" a réagi Richard Ferrand, le président de la chambre basse du Parlement français.
Outre-Rhin, la Chancelière Angela Merkel a déclaré ce jeudi, qu'avec la mort de Valéry Giscard d'Estaing, un "grand Européen", l'Allemagne a perdu un "ami".
Saluant la mémoire d'un "homme d'Etat", Angela Merkel se dit par ailleurs "reconnaissante" de "tous les bons entretiens" qu'elle a eus avec l'ancien président français, a indiqué un message de son porte-parole, Steffen Seibert, sur Twitter.
Figure de la vie politique française
Incarnation du centre droit et tombeur du gaullisme, Valéry Giscard d'Estaing avait été élu à l'Elysée en mai 1974 à l'âge de 48 ans, alors le plus jeune président depuis Louis Napoléon-Bonaparte.
Né à Coblence (Allemagne) en 1926, Valéry Giscard d'Estaing, pur produit de l'élite française, diplômé de Polytechnique et de l'ENA, s'est imposé dans le paysage politique dès les débuts de la Ve République en occupant différents postes ministériels à partir de 1962.
La disparition du président Pompidou en avril 1974 entraîne l'organisation d'une élection anticipée pour élire son successeur. VGE, alors Ministre de l'Économie et des Finances, lance sa candidature avec l'ambition de "regarder la France au fond des yeux".
C'est pourtant en opposition au gaullisme qu'il parvient à conquérir l'Elysée, en s'imposant d'abord à droite face à Jacques Chaban-Delmas, héritier revendiqué du général de Gaulle, puis en battant sur le fil, avec seulement un peu plus de 400 000 voix d'avance, le candidat socialiste François Mitterrand.
De nombreux analystes politiques avancèrent que la prestation de Giscard d'Estaing lors du débat télévisé de l'entre deux-tours lui a permis de remporter la victoire, grâce à la fameuse réplique "Vous n'avez pas le monopole du cœur" lancée à son adversaire qui l'attaquait sur la répartition des richesses.
Européen convaincu
Celui qui ambitionne de réunir "deux Français sur trois" derrière sa politique multiplie les réformes sociétales : abaissement de la majorité à 18 ans, légalisation de l'IVG ou création d'un secrétariat d'Etat à la Condition féminine, confié à la journaliste Françoise Giroud.
VGE, en rupture avec la pratique du pouvoir de ses prédécesseurs, a placé le modernité au centre de son action, en s’inspirant des techniques de marketing politique importées des États-Unis. Tout au long de sa carrière, il s'est s'est essayé, avec plus ou moins de succès, à de nombreux coups de communication, n'hésitant pas à ce mettre en scène, comme lorsque il participa en 1973 à une partie de football restée dans les annales.
Giscard impose donc un style nouveau, qui entend alléger la pompe présidentielle, au risque de nourrir les procès en démagogie lorsqu'il s'invite à dîner chez les Français ou à jouer de l'accordéon.
Mais c'est surtout la deuxième moitié de son septennat, plombée par la crise économique et sociale née des chocs pétroliers, et marquée par le soupçon des affaires - celle des "diamants de Bokassa" a entaché durablement son image - qui donne du souffle à ses contempteurs.
Le 10 mai 1981, il échoue finalement à se faire réélire président de la République, en s'inclinant sèchement face à François Mitterrand. "Je n'avais jamais imaginé la défaite", confiera-t-il plus tard.
Après son départ resté dans les mémoires - il lance un "Au revoir" et laisse une chaise vide lors d'une ultime allocution télévisée. Valéry Giscard d'Estaing, alors seul ex-président en vie, traverse une profonde dépression.
"Ce que je ressens, ce n'est pas de l'humiliation, mais quelque chose de plus sévère : la frustration de l'œuvre inachevée", écrit-il en 2006 dans "Le pouvoir et la vie".
Il redevient malgré tout l'un des leaders de la droite en dirigeant à nouveau son parti, l'UDF.
Mais, certain de la réélection de François Mitterrand, il ne concourt pas à la présidentielle de 1988. Sept ans plus tard, crédité de 2 % dans les études d'opinion, il renonce à nouveau. Peu de temps avant sa mort, il se disait pourtant persuadé que, s'il s'était présenté, il aurait gagné contre Balladur et Chirac.
A partir de la deuxième moitié des années 90, Giscard et le giscardisme disparaissent peu à peu du paysage politique.
L'ancien président de la France, européen convaincu, poursuit pourtant un ultime but : devenir président de l'Europe. En 2001, il prend la tête de la Convention pour l'Europe, chargée de rédiger une constitution européenne, qui sera rejetée par référendum (55 % de non).
L'ex-chef de l'Etat était toutefois parvenu à devenir "immortel" : en 2003, il s'était faire élire à l'Académie française.